Le président de la République a fait part de sa volonté d’abroger la loi relative aux villages de reclassement social avant fin mars, en vue de la suppression définitive du statut spécial de ces localités et établissements humains. Une annonce saluée par les populations de Touba Peycouck, qui pensent que c’est une blessure qu’il faut soigner face à la stigmatisation de leur localité.

C’était un confinement d’une autre époque : Village de la commune de Fandène et situé à quelques encablures de la ville de Thiès, Touba Peycouck a été pendant longtemps traumatisé par la stigmatisation liée à la maladie de la lèpre. Ce qui lui a valu en 1976 son statut de village de reclassement social. Il va bientôt être jeté aux oubliettes, avec la décision du chef de l’Etat Macky Sall d’abroger la loi 76-03 du 25 mars 1976 relative au traitement de la lèpre et au reclassement social des lépreux guéris et mutilés, pour mettre fin à la stigmatisation dont ils sont victimes. L’annonce a été faite mercredi dernier, lors du Conseil des ministres, par le Président Sall. Il a en effet demandé au ministre de la Santé et de l’action sociale «d’engager le processus d’abrogation, avant fin mars 2021, relatif aux villages de reclassement social, en vue de la suppression définitive du statut spécial de ces localités et établissements humains». Il s’agit d’une mesure pour consolider l’importance de l’inclusion sociale, surtout que la lèpre a été déclarée éradiquée depuis 2015. C’est avec un ouf de soulagement que les populations ont accueilli la nouvelle. Lesquelles relèvent que «c’est une promesse de campagne que le Président Sall vient de tenir, après 9 ans passés au pouvoir». Elles rappellent : «Le candidat Macky Sall avait pris des engagements ici à Touba Peycouck, en compagnie de notre maire actuel Dr Augustin Tine. Il avait dit que quand il serait élu président de la République, il va abroger la loi 76-03 qui nous stigmatise et nous isole des autres localités du pays. Cette loi fait que nous ne sommes pas des Sénégalais à part entière, mais des Sénégalais entièrement à part parce que régis par une loi qui nous sépare des autres villages». Et donc, estiment les populations, «c’est une blessure qu’il faut soigner». C’est d’ailleurs tout le sens «du combat que nous avons toujours porté en tant que natifs de ce village. Nous avons lutté pour que cette loi soit abrogée pour changer la donne». Surtout, disent les populations, que «c’est cette même loi qui est la principale difficulté de Touba Peycouck parce qu’elle stigmatise notre village». Et de s’offusquer : «Quand vous regardez la carte administrative du Sénégal, les villages de reclassement social ne sont pas matérialisés en tant que villages. Ils sont plutôt des centres de traitement. Le véritable problème c’est qu’ils ne sont pas considérés comme tous les autres villages du Sénégal.» Ce n’est pas tout. Les difficultés auxquelles fait face ce village de reclassement social sont nombreuses. «Dans le domaine de l’accompagnement psycho-social, les populations sont en train de souffrir parce qu’il y a une psychose. Le problème de la prise en charge des grabataires, n’en parlons pas, parce que la lèpre est une maladie qui dure de très longtemps.» Aussi, a-t-il ajouté, dans la liste des problèmes, la prise en charge alimentaire pose problème. «A l’époque, ceux qui étaient atteints de la lèpre traînaient plusieurs années avec la maladie avant de trouver des médicaments. Et quand ils arrivaient dans un village de reclassement, ils étaient devenus âgés, donc se sont mariés trop tard. Ce qui fait qu’ils ont des enfants mineurs qui ne peuvent pas les prendre en charge. Il y a d’autres qui sont devenus handicapés et n’ont pas pu avoir d’enfants», dit-il. Ainsi, les quelques 5 000 âmes de Touba Peycouck demandent un programme social spécial après l’abrogation de la loi 73-03.