Découvrabilité – Valorisation des œuvres culturelles : Les artistes invités à intégrer le digital

Dans le cadre du 12e Salon national des arts visuels, un panel intitulé «Les stratégies de valorisation des œuvres d’art à l’ère du digital» a rassemblé des artistes et commissaires d’exposition pour voir comment faire rayonner leur art à l’ère du digital. Cette rencontre, organisée par la Galerie nationale d’art du Sénégal au Centre culturel Blaise Senghor, a permis de mieux cerner les enjeux du numérique dans l’essor de la carrière artistique.Par Ousmane SOW –
Le modérateur Aliou Ndiaye, journaliste et critique d’art, a introduit les deux intervenantes : Aysatou Ndèye Aïda Diop, médiatrice culturelle et commissaire d’exposition, et Oumy Diaw, spécialiste en art contemporain et évoluant dans le monde du luxe. Ensemble, elles ont exploré la manière dont le digital peut aider à la valorisation des œuvres, tout en appelant les artistes à intégrer pleinement les outils numériques dans leurs démarches de création et de promotion de leurs œuvres pour exister sur la scène contemporaine mondiale. Evidemment, aujourd’hui, l’art ne se vend plus uniquement dans les galeries, il se partage, s’expose, se viralise. Et pour Aysatou Diop, commissaire d’exposition, l’artiste du XXIe siècle ne peut plus ignorer les outils numériques dans sa pratique quotidienne. «Je dis qu’il faut vivre à l’ère de son temps, et comprendre qu’aujourd’hui, on ne peut pas avoir une carrière artistique sans pour autant intégrer la dimension digitale dans sa pratique artistique», a-t-elle expliqué. Elle a rappelé que les réseaux sociaux, loin d’être de simples vitrines personnelles, constituent de véritables plateformes professionnelles pour faire connaître et valoriser son travail. «Etre sur Instagram ou Facebook, ce n’est pas s’exposer en tant que personne, mais c’est une opportunité pour faire connaître son travail et le faire valoir», a-t-elle poursuivi. Aysatou Diop a également plaidé pour une collaboration plus ouverte entre les artistes et d’autres professionnels du numérique. «Un artiste doit pouvoir collaborer avec un community manager, un photographe, un vidéographe, afin qu’il puisse comprendre que lui seul ne suffit pas», précise la médiatrice culturelle. Pour elle, l’important est de bâtir un «climat de confiance» et d’instaurer un cadre juridique sécurisant. Elle met toutefois en garde contre les dangers liés à l’usage imprudent des plateformes, notamment les conditions d’utilisation des réseaux sociaux. «Il faut lire avant d’accepter, car certaines clauses peuvent vous lier sur l’usage de vos œuvres futures», a-t-elle averti à propos des conditions générales d’utilisation souvent ignorées.
Protéger avant de publier
La spécialiste en art contemporain et du luxe, Oumy Diaw, a quant à elle livré une analyse lucide des réalités du terrain, particulièrement en Afrique. Pour elle, la valorisation des œuvres doit s’adapter à la cible. «La valorisation des œuvres d’art, ça dépend à qui elles s’adressent. Est-ce qu’on s’adresse à un artiste ? Un galeriste ? Une institution ? Et aussi, de quel territoire on parle ?», a-t-elle posé d’emblée, tout en admettant que «le digital, c’est la nouvelle carte de visite de la personne. C’est aussi un endroit où on peut être en contact avec des acheteurs potentiels, avec de la presse potentielle. Mais c’est aussi un endroit où il faut faire attention, parce que qui dit œuvre, dit propriété intellectuelle, plagiat».
Consciente des contraintes financières des artistes, elle recommande des stratégies simples, mais efficaces pour protéger leurs créations. «Si vous avez une œuvre, vous ne faites que photographier une partie de l’œuvre pour inciter l’engagement et l’engouement des followers. Il y a des avocats qui peuvent échanger leurs services contre une œuvre, c’est possible», affirme-t-elle. Elle insiste aussi sur l’importance de l’encadrement juridique, en appelant les artistes à se rapprocher des structures existantes. «Il faut aussi que les artistes se rapprochent des autorités comme la Sodav», a-t-elle lancé. A ses yeux, l’art contemporain africain est devenu une monnaie refuge, et les créateurs doivent en prendre conscience. «L’artiste a intérêt à entrer dans ce monde-là, bien sûr avec prudence», prévient-elle. Toutefois, face à la mondialisation des marchés de l’art, Oumy Diaw rappelle la nécessité pour les artistes de s’ouvrir linguistiquement et culturellement. «Aujourd’hui, honnêtement, avec internet, il y a une centaine de langues maintenant qui existent pour la traduction. Donc, il n’y a pas d’excuses. Un artiste, il doit se mettre sur Google, traduire», fait-t-elle savoir.
ousmane.sow@lequotidien.sn