Le débat sur une Can tous les quatre ans avait enflé, avant de se dégonfler. Mais depuis quelques jours, ça rebondit. Et comme par hasard, c’est du côté de la Côte d’Ivoire, championne d’Afrique en titre, que des voix s’élèvent, comme celle du sélectionneur Emerse Fae qui dit oui à une organisation quadriennale.Et si ce dernier, à l’image de la légende ivoirienne, Didier Drogba, voulait (re)lancer un ballon de sonde ? En tout cas le contexte est bien choisi, avec la polémique liée au choix des dates de la prochaine Can marocaine.Par Hyacinthe DIANDY –

C’est le président de la Fifa qui avait lancé l’idée, précisément le 1er février 2020. Et le lieu et le moment de la déclaration n’ont pas été choisis au hasard. En effet, devant le gratin des dirigeants du football africain réunis à Salé (Maroc) pour un séminaire sur le développement des compétitions et des infrastructures, Gianni Infantino avait lâché une bombe, susceptible de changer durablement le visage du football continental.

«Je propose d’organiser la Coupe d’Afrique des nations tous les quatre ans plutôt que deux ans pour la rendre plus commercialement viable et attrayante au niveau mondial. La Can génère vingt fois moins que l’Euro. Avoir une Can tous les deux ans, c’est bien au niveau commercial ? Cela a-t-il développé les infrastructures ?», s’est interrogé l’homme fort du football mondial, avant d’ajouter : «Réfléchissez à la passer à tous les quatre ans !»

Une passe envoyée à la Caf, dirigée alors par Ahmad Ahmad, au moment où les trois prochaines éditions avaient été déjà été attribuées (2021 au Cameroun, 2023 à la Côte d’Ivoire et 2025 à la Guinée puis le Maroc).

Le forcing de Infantino qui a fait passer «son» Mondial des clubs
Faut noter que derrière ce désir de la Fifa d’espacer les prochaines éditions de la Can, se cache une volonté de faire une place dans le calendrier estival pour le nouveau «bébé» de Gianni Infantino : à savoir la nouvelle formule de la Coupe du monde des clubs tous les quatre ans. Une compétition nouvelle qui forcément pourrait pâtir de l’organisation concomitante d’une Can tous les deux ans. Une situation d’ailleurs que nous vivons présentement, avec la Can marocaine qui a été finalement décalée en hiver, du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026.

En échange, Gianni Infantino avait promis des financements exceptionnels pour le football africain. «Nous élaborons une proposition visant à mobiliser un milliard de dollars pour construire au moins un stade de haut niveau dans les pays de chacune des 54 associations membres de la Fifa et de la Caf», avait-il annoncé.

Samuel Eto’o contre, Drogba pour !
Mais quelques jours après, Samuel Eto’o a rejeté en bloc l’idée du président de la Fifa. Dans un entretien accordé à Rfi, l’ancien buteur camerounais a fait part de sa désapprobation par rapport à l’idée d’un tournoi continental tous les quatre ans.

«Je n’accepte pas ce que le président de la Fifa a proposé. Est-ce l’intérêt des Africains d’organiser une Can tous les quatre ans ? Je crois que c’est plutôt celui des Européens. Ils veulent avoir à disposition les Salah, Sadio Mané et autres. La Fifa défend l’intérêt des clubs européens», analyse l’ancien Lion Indomptable, aujourd’hui président de la Fécafoot. Ce dernier, qui n’a pas mâché ses mots, de dénoncer un «manque de tact» de la part de Infantino. «Il y a un partenariat gagnant-gagnant entre la Fifa et la Caf. Je suis proche de Gianni Infantino et de Ahmad. Mais je crois que Infantino a manqué de tact», a dégainé la star africaine du ballon rond. Qui estime qu’il faut aller au-delà des simples effets d’annonce. «Comment va-t-on financer notre football ? Où va-t-on trouver l’argent avec une Can tous les quatre ans ? Nous devons mettre notre football au niveau de celui des Européens», a-t-il analysé.

Aujourd’hui, comme un ballon de sonde, le débat rebondit sur le gazon. Et comme par hasard, c’est le nouveau cham­pion d’Afrique avec la Côte d’ivoire, le sélectionneur Emerse Faé, qui a pris position au sujet de la périodicité de la Can.

Fae : «Ce sera plus facile pour les joueurs qui vont jouer moins de matchs»
Dans une interview accordée à BBC Sport Africa, celui qui a eu l’honneur d’effectuer le tirage au sort des éliminatoires de la prochaine Can, a exprimé sa préférence pour une organisation quadriennale. Et ce, par opposition à l’opinion africaine, farouchement attachée à la tradition qui veut que la grand-messe africaine ait lieu tous les deux ans malgré la pression de la Fifa.

«Ce serait bien d’être comme en Europe et en Amérique du Sud, et de jouer tous les quatre ans. Je pense que ce sera plus facile pour les joueurs, parce qu’ils auront moins de matchs et qu’ils seront peut-être plus forts s’ils jouent moins.» Du coup, le coach des Eléphants rejoint son aîné et compatriote, Didier Drogba, qui avait depuis soutenu être favorable à une Can tous les 4 ans.

Avec ce débat qui refait surface, c’est Infantino qui va se frotter les mains, lui qui vient d’imposer «son» Mondial des clubs à 32 équipes, à la Caf en été 2025 aux Etats-Unis ; poussant l’instance continentale à décaler sa compétition majeure en hiver.
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