Vers les années 1990, alors qu’il rédigeait sa thèse sur le Vih/Sida, deux choses avaient fortement retenu l’attention de Atoumane Ndiaye. Dans la majorité des cas d’infection au Vih dépistés au Sénégal, deux notions revenaient toujours : séjour à l’étranger, en Afrique au Sud du Sahara, Côte d’Ivoire, Zambie… et appartenance de la majorité des cas à l’ancienne région du fleuve Sénégal : Saint-Louis, Matam. Affecté au cœur de Matam, à Sinthiou Bamambé, Atoumane Ndiaye a donc, à défaut d’un travail purement scientifique, publié un roman sur la question du Vih : Kalidou : Les tribulations d’un jeune Foutanké. «C’est mon premier roman. Je l’ai écrit parce que j’avais à cœur en tant que pharmacien de sensibiliser sur le Vih/Sida. En lisant le livre, vous vous rendrez compte que c’est une fiction certes, mais des expériences nombreuses et variées que je relate. C’est de l’imagination teintée de beaucoup d’anecdotes, tirées de mon vécu. Le message : c’est une sensibilisation sur le Sida, mais aussi une sorte d’alerte que je lance par rapport à l’émigration et ses travers. Parce que comme je le rappelle dans le livre, l’émigration a certes réglé des problèmes, mais derrière, c’est énormément de désillusions que ça produit dans bon nombre de familles d’émigrés».
En résumé, Kalidou raconte l’ascension malheureuse d’un jeune Foutanké qui quitta les bancs de l’école française et coranique pour aller vers la ville, sacrifiant à un rite bien connu au Sénégal et des Africains de manière générale : l’exode rural. Puis, il tenta sa chance hors du pays, notamment en Afrique au Sud du Sahara. Il séjourna tour à tour en Côte d’Ivoire, au Cameroun et en Angola. Doté d’un extraordinaire flair pour le commerce, il réussit à se faire énormément d’argent et à intégrer le cercle restreint des diamantaires. Mais avec la vie intime débridée qu’il mène à côté, Kalidou attrapa le méchant virus du Sida et signa sa descente aux enfers. De son lit d’hôpital, il raconte son histoire. Une histoire où se côtoient, conformément à ce qui est écrit à la 4e page de couverture, des souvenirs bons et moins bons d’un malade luttant pour la survie.
«Le Vih c’est aussi un problème éducationnel»
Dans cet ouvrage, rappelle-t-on, il n’est pas seulement question de Vih et d’émigration. A travers le récit de son personnage principal, l’auteur tisse et décrit le paysage du Fouta, la vie sociale qu’il maîtrise du bout des doigts. Au point de faire dire à l’écrivain et inspecteur de l’enseignement Mody Niang que «ce livre est excellent». «Quand on lit ce livre, on ne peut pas se douter que son auteur n’est pas né au Fouta et qu’il est un ‘’Ndiouddou Dièry’’. Quand on lit ce livre, on en apprend sur le Fouta, les désillusions de l’émigration…» renchérit-il, ému que ce roman soit écrit par un pharmacien, un scientifique qui maîtrise parfaitement la langue française et qui de surcroît est son gendre. «Je suis persuadé que ce livre sera suivi par d’autres ouvrages», lâche-t-il, étreint par l’émotion.
Convaincu de la nécessité d’une approche éducationnelle pour vaincre le fléau dans cette zone jouxtant le fleuve Sénégal, Atoumane Ndiaye prône pour sa part l’implication des enseignants qui, à son avis, ont un rôle phare dans ce processus. «Vivant à Matam, j’ai été témoin de beaucoup de drames. C’est cette émotion qui a fait que nous essayons d’apporter notre contribution pour infléchir les tendances. Pour ce qui est de la forte incidence de ces pathologies dans ces zones, il y a l’inexpérience, l’irresponsabilité, le manque d’éducation… La solution c’est la décentralisation, il faut que les intellectuelles acceptent de s’installer dans ces localités et que les conditions soient remplies. Le Vih c’est aussi un problème éducationnel», analyse-t-il tout bonnement.
aly@lequotidien.sn