Défaite de Amadou Hott : Leçons diplomatiques d’une élection

C’est un final triste, mais prévisible pour Hott dont la défaite est considérée comme un nouvel échec diplomatique retentissant, à l’opposé de Nouakchott qui a réussi à placer son candidat à la tête de la Bad grâce à un lobbying intense de sa machine étatique. Par Bocar SAKHO –
Au bout du compte, la marche était trop Hott pour le candidat sénégalais. Elu neuvième président du Groupe de la Banque africaine de développement, Sidi Ould Tah, candidat du voisin mauritanien, a forcé le destin pour s’installer à Abidjan grâce à un parrainage étatique très fort. A Nouakchott, l’Etat a porté pleinement la candidature de son ancien ministre des Finances en assurant la mise en place d’une équipe de campagne victorieuse. C’est une «team» très étoffée, avec un Comité directeur de haut niveau dirigé par le Premier ministre Mokhtar Ould Djay et composé notamment de la ministre-conseillère à la Présidence, Aïssata Ba Yahya, du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, et du directeur de Cabinet du Premier ministre, Cheikh Ould Zeidane. Alors que la coordination de la campagne est dirigée par le ministre de l’Economie et des finances, Sid’Ahmed Ould Bouh, assisté de sa vice-coordinatrice, la députée Naha Mint Hamdi Ould Mouknass, et d’autres profils logés au cœur de l’Etat mauritanien. C’est une grosse machine diplomatique qui a été déployée pour décrocher la présidence de la Bad, qui constitue «un événement important dans l’histoire du pays» qui a parié «sur l’expertise de Sidi Ould Tah et sa connaissance approfondie des problématiques de développement, tant sur le plan national qu’international». «Nous connaissons les réseaux, et nous évoluons en leur sein avec intelligence et pragmatisme. Notre objectif est de célébrer, le 29 mai, l’élection de Sidi Ould Tah à la tête de la Banque africaine de développement», annonçait, il y a quelques jours déjà, Sid’Ahmed Ould Bouh. Si sûr de l’issue de l’élection.
L’issue du scrutin, joué au troisième tour avec plus de 76% des voix, montre que le réseau diplomatique mauritanien s’est connecté aux autres chancelleries avec le soutien des pays de l’Afrique de l’Ouest, du Nord et des autres contributeurs de la Bad. Même si les votes au sein de l’institution sont secrets conformément à la politique de confidentialité, les 10 principaux actionnaires de la Bad, à savoir le Nigeria (8, 68%), les Etats-Unis (6, 52%), l’Egypte (6, 12%), le Japon (5, 44%), l’Algérie (5, 05%), l’Afrique du Sud (5, 03%), le Maroc (4, 65%), l’Allemagne (4, 12%), le Canada (3, 86%) et la Côte d’Ivoire (3, 82%), détenant ensemble plus de 53% du capital social de la Bad, n’ont clairement pas penché pour Hott. Un échec diplomatique ? Publiquement, l’ex-ministre de l’Economie de Macky Sall a été reçu par Diomaye. Par contre, on ne sait rien officiellement, au-delà du soutien public à sa candidature, des actes posés pour son triomphe avec un travail de lobbying essentiel à ces joutes où l’issue se joue dans les coulisses des palais présidentiels. Cette défaite est une répétition des différents couacs qui frappent les candidatures sénégalaises à des postes stratégiques au niveau mondial. Abdoulaye Bathily a été défait par le Tchadien Mahamat Faki pour la présidence de la Commission de l’Union africaine en 2017. Cela remonte à très loin où le Sénégal trustait la tête des institutions comme la Fao, l’Unesco avec Jacques Diouf et Amadou Makhtar Mbow. Parallèlement aux institutions onusiennes, Sidiki Kaba et Pierre Sané géraient aussi la Fidh et Amnesty International, deux organisations de la Société civile extrêmement balèzes. C’était dans une autre vie. N’est-ce pas ?
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