Défense et promotion de l’agro-écologie : Vers une synergie d’actions contre les pesticides

Pour la défense et la promotion de l’agro-écologie, une synergie de plaidoyers entre acteurs est en gestation pour lutter contre l’utilisation abusive des pesticides. En ce sens, un atelier régional sur les pesticides, réunissant des réseaux actifs, des mouvements sociaux et communautaires, et des organisations de la Société civile, s’est tenu à Thiès du 9 au 11 avril 2025. Par Cheikh CAMARA –
De nombreux drames liés à l’utilisation de pesticides se produisent à l’échelle du continent dans un silence coupable. Les chiffres sur cette tragédie endémique sont effrayants. Certaines statistiques font état de 385 millions de victimes d’intoxication aux pesticides recensées chaque année dont 95% qui viendraient des pays du Sud, notamment de l’Afrique.
L’information ressort de l’atelier régional sur les pesticides qui a réuni, à Thiès du 9 au 11 avril 2025, des réseaux actifs, des mouvements sociaux et communautaires, et des organisations de la Société civile engagés dans la défense et la promotion de l’agro-écologie paysanne en Afrique de l’Ouest. Un cadre d’échanges organisé en collaboration avec certains partenaires, notamment le Ccfd et Avsf. Avec comme objectif de renforcer les synergies de plaidoyer entre les acteurs européens et africains engagés dans la lutte contre les pesticides.
Selon les acteurs, «cette catastrophe est révélatrice d’un paradoxe bouleversant.
L’Afrique est le continent qui utilise en proportion le moins de pesticides (à peine 5%), mais qui, en même temps, en paie le plus lourd tribut. En sus, l’importation des pesticides est en croissance exponentielle en Afrique, leur utilisation ayant augmenté d’environ 175% depuis 1990». Aussi de constater : «Le plus inquiétant, c’est que le marché noir des pesticides ne cesse de s’étendre de façon démesurée, en l’absence d’un cadre harmonieux et efficace de mise en œuvre de politiques et règlementations hardies.»
Européens et Africains se veulent unanimes sur le fait que «le corollaire de cette situation est que de nombreux pesticides non autorisés en raison de leur haute toxicité continuent d’être utilisés dans les pays africains. La plupart de ces pesticides sont interdits par l’Union européenne, alors même qu’ils sont déversés en Afrique en raison de systèmes de contrôle et de surveillance inefficaces qui mettent en évidence les failles des mécanismes d’homologation de ces produits». Une situation critique à laquelle s’ajoute le fait que «les pratiques endogènes en matière d’utilisation, de manutention, de transport, de stockage et de gestion après usage relèvent d’un véritable casse-tête pour diverses raisons : le fort taux d’analphabétisme au sein des principaux utilisateurs de pesticides, c’est-à-dire les agriculteurs-trices, le manque de moyens financiers en vue d’acquérir les équipements de protection pour l’application de ces produits, le déficit en matière d’information et de formation sur les protocoles techniques et la réglementation relatifs aux pesticides, et les capacités limitées de nos Etats».
Le coût des externalités liées à ces produits est incalculable. D’autant qu’à côté des «nombreux cas d’intoxication involontaire et volontaire», les acteurs notent «une recrudescence explosive des maladies non transmissibles ayant un lien avec ces produits : diabète, hypertension artérielle, Avc, cancer, insuffisance rénale, Parkinson, Alzheimer…». Sans oublier «la dégradation des sols, la pollution de l’air, l’érosion de la biodiversité avec à la clé l’extinction de populations entomiques (abeilles)».
Fort de ces constats et convaincus que tous les pesticides sont dangereux, mais que la circulation des pesticides les plus dangereux est un acte hautement criminel, conscients que l’utilisation des pesticides dans les pays africains n’est pas un mal nécessaire et persuadés que l’agro-écologie offre des solutions innovantes, plus sûres et durables comme alternatives aux pesticides, les acteurs mettent en garde les firmes de l’agrochimie sur «leur culpabilité dans les drames liés aux pesticides qui se produisent avec une fréquence déconcertante en Afrique». Ils dénoncent avec la dernière énergie «les doubles standards appliqués en matière d’interdiction des pesticides les plus dangereux qui, bien qu’interdits en Europe, continuent d’y être produits pour le marché africain», et en appellent à «la vigilance des décisionnaires africains», avant d’attirer leur attention sur «leur responsabilité de protection de leurs citoyens et leur obligation de diligence due».
Les acteurs ne manquent pas de formuler quelques recommandations autour de «la mise en œuvre d’une approche concertée plus globale pour interdire à terme tous les pesticides, en commençant par les plus dangereux, par l’adoption de mesures politiques et de réglementaires éclairées et audacieuses au niveau mondial», «la mise en œuvre d’un régime de responsabilité juridique plus strict pour sanctionner tous les contrevenants de la chaîne intervenant dans la filière», «la fin des régimes de subvention des pesticides» et «la mise œuvre de politiques de promotion des alternatives aux pesticides en agro-écologie au plan régional et au niveau des pays africains».
cheikh.camara@lequotidien.sn