Déficit d’infrastructures scolaires et sanitaires : Ranérou, le grand désert

Ranérou est l’un des départements les plus pauvres du Sénégal et espère un appui étatique pur mettre en valeur ses énormes potentialités.
Il a 17 ans, mais sa croissance est lente. Créé en 2002, le département de Ranérou, qui s’étend sur la zone éco-géographique du Ferlo, d’une superficie d’environ de 15 mille km², est la deuxième circonscription la plus vaste du pays. La caractéristique générale du département de Ranérou, en dehors de sa superficie, demeure la dispersion dans l’espace de ses établissements humains. Cette situation serait liée au mode de vie des résidents, avec leurs déplacements réguliers dans le cadre de la recherche de pâturage et de l’eau. Situé dans la région de Matam, logé entre les départements de Linguère et de Matam, Ranérou-Ferlo a vu les espoirs de ses habitants s’amenuiser dans la zone agro-sylvo-pastorale qui constitue l’unique bouée de sauvetage de la population. Pourquoi Macky Sall ne tenterait-il pas de faire mieux que son prédécesseur Me Abdoulaye Wade ? Ce dernier a en effet signé le décret qui a érigé Ranérou en département en 2002. Mais depuis lors, la localité qui ressemble plutôt à un gros village n’a pas réussi à gommer son accent rural.
Aujourd’hui, l’absence d’infrastructures sociales de base étrangle déjà une jeunesse pour la plupart sans perspective. Quid de la promotion des cadres qui pourraient plaider pour leur localité ? Ranérou qui regorge pourtant d’énormes potentialités a du mal à décoller sur le plan économique. Désœuvrée, une partie de la jeunesse noie son chagrin dans le «boul falé», alcool très prisé dans le département de Ranérou. Initialement conçu pour servir de parfum, le «boul falé» fait des ravages chez les adolescents. Bocar Diallo, président du Conseil départemental de la jeunesse, par ailleurs membre du Parti de la réforme à Ranérou-Ferlo, rappelle au chef de l’Etat Macky Sall ses promesses tenues lors d’une audience accordée aux militants de ce parti à la veille de la Présidentielle. «Macky Sall nous avait promis de se pencher sur les problèmes urgents du département, afin de corriger certaines erreurs. Mais jusque-là, nous n’avons encore rien vu ou entendu», dit-il. «Pourtant, Macky Sall avait promis à cette occasion de donner des instructions aux membres de son gouvernement aussitôt après sa réélection pour régler les questions urgentes», rappelle Bocar Diallo. Il s’agit de l’accès à l’emploi et aux financements, à l’eau potable de manière courante. «L’Etat parle souvent de plusieurs forages réalisés dans le département de Ranérou-Ferlo, mais comparé à d’autres contrées du pays, ce département semble manquer de tout. Malgré les efforts de l’Etat, Ranérou-Ferlo souffre toujours d’un problème lié à l’accès à l’eau potable», dit-il. Dans le cadre des programmes Promovilles, Puma, Pudc, les jeunes de Ranérou demandent à l’Etat de construire des espaces de loisir, un stade départemental multifonctionnel, un Cdeps (Centre d’éducation populaire et sportive), mais également et surtout la promotion des cadres et des jeunes politiques qui sont dans le département.
Faible taux de scolarisation
Dans le domaine de l’éducation, le faible taux de scolarisation et le déficit du personnel enseignant plombent le système qui a souvent recours aux classes multigrades dans plusieurs écoles. A cela, il faut ajouter la vétusté des établissements, la multiplication des abris provisoires, le manque de cantines scolaires, de murs de clôture, entre autres. Dans ce département, il n’y a que deux lycées, celui de Vélingara et du chef-lieu départemental non encore construits. Et pourtant, ces deux établissements sont ouverts depuis 2011.
Un système de santé malade
Sur le plan sanitaire, la situation est peu reluisante. En plus du centre de santé de Ranérou, le département dispose de 15 postes. L’enclavement interne, l’éloignement entre les localités et la mauvaise qualité des pistes rendent très difficile la fréquentation de ces structures par les populations. L’insuffisance du personnel constitue l’un des maux du système de santé. Beaucoup de services au sein du centre de santé de Ranérou ne fonctionnent plus, faute de personnels. Il s’agit particulièrement de la Chirurgie générale à cause de l’absence d’anesthésiste, de dentiste et du Service de radiologie. Il faut souligner que ces services disposent d’un équipement neuf qui risque de s’user à cause de sa non-utilisation. «Bref, les populations éprouvent d’énormes difficultés pour se faire soigner, l’essentiel des services n’étant disponibles qu’à Ourossogui située à environ 8 km de Ranérou. Il s’y ajoute que le dysfonctionnement de ces services oblige l’évacuation de la majeure partie des victimes d’accidents vers le centre hospitalier régional d’Ourossogui», explique un haut responsable médical.
Désenclavement et promotion des cadres
L’enclavement et l’habitat avec une population éparpillée un peu partout constituent la principale entrave au développement du département. Le tronçon qui relie Vélingara à la Rn3 est un réel problème pour les habitants de la localité. En effet, la route latéritique est en état de dégradation très avancée. Tandis que sa réhabilitation est toujours à l’état de projet. Des localités comme les communes de Lougré-Thiolly et de Vélingara-Ferlo restent coupées pendant une bonne période de l’hivernage des autres zones alors que des cités comme Salalatou, Houdalaye, Mbam, Mbem-Mbem, Thionokh, Katané disposent de pistes très défectueuses où les déplacements «sont pénibles et prennent beaucoup de temps aux usagers». Ils le ressentent quand il s’agit de rejoindre les Tribunaux d’instance de Matam et de Kanel, car Ranérou n’est pas dotée d’infrastructures judiciaires alors «que les conflits et les litiges sont légion».
En ce qui concerne les activités économiques, le département reste dominé par la pratique de l’élevage. Ce secteur dispose de certaines potentialités relatives à l’existence de grands espaces riches en pâturage. Cependant, les pannes fréquentes des forages, le faible niveau d’organisation des éleveurs, les feux de brousse, l’enclavement constituent des contraintes majeures au développement de ce secteur dans le département. Toutefois, faudrait-il souligner que cet élevage commence sa mue, car certains éleveurs modèles commencent à voir le jour, en développant un élevage semi-extensif. «Il suffit d’un coup de pouce pour qu’ils puissent décoller», explique-t-on. Et ils attendent…