Dégâts de l’exploitation minière : Les acteurs globalisent leurs moyens de lutte

A Koudiadiène, une localité de la commune de Chérif Lô, département de Tivaouane, des centaines de rôniers incarnant un charme écologique et un atout économique depuis l’époque coloniale disparaissent progressivement du fait de l’exploitation minière dévastatrice de la Société sénégalaise des phosphates (Sephos). Lesquelles espèces, sauvagement agressées, se sont invitées à l’atelier de renforcement des capacités des organisations de la société civile sénégalaise sur les obligations extraterritoriales. Une rencontre organisée par l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev Afrique), en partenariat avec Fian international et l’Organisation des Nations unies pour les droits de l’Homme.
Selon Amadou Kanouté, directeur exécutif de Cicodev Afrique, c’est «un combat que nous portons et nous menons déjà». Il explique : «Nous avons fait une étude à Koudiadiène qui a démontré que ces multinationales (Ndlr : qui exploitent les minerais de la localité) ne respectent pas la majeure partie des engagements internationaux en termes de compensation des communautés impactées par les projets». Alors que, dit-il, «ces communautés vivent dans cette zone de Koudiadiène où toute l’économie repose fondamentalement sur le rônier». Il renseigne que les «multinationales sont en train de payer à ces populations 5 000 francs Cfa pour chaque rônier enlevé. Et quand nous avons fait l’étude, nous avons vu qu’un rônier peut rapporter 650 mille francs Cfa pendant un an tout simplement aux gens qui les ont cultivés. Parce que de la racine jusqu’au bourgeon, un rônier soigne et nourrit. Un rônier permet d’avoir de la boisson, et aussi de faire des mobiliers pour la maison». Selon lui, «c’est ce coût réel qui doit être pris en charge quand on doit payer une compensation à une communauté qui ne vit que de cette économie».
Surtout que, fera remarquer le patron de la Cicodev Afrique, «les textes de ce pays l’exigent. Le Code de l’environnement et le droit international exigent aussi que quand vous faites une excavation pour sortir du minerai, du phosphate ou tout autre produit, vous avez l’obligation de remblayer pour pouvoir rendre la terre aux communautés qui vivent de l’agriculture». Et de regretter, «cela n’a pas été fait. C’est un paysage lunaire que nous avons trouvé sur les lieux. Et nous avons attiré l’attention de la multinationale sur son obligation de remblayer ces terres pour les remettre aux paysans et aux pasteurs». A l’en croire, «des enfants sont morts du simple fait qu’il y avait ce paysage lunaire où les pluies sont tombées, les eaux se sont enfoncées et les enfants se sont baignés et n’en sont jamais ressortis». M. Kanouté a souligné : «Quand nous avons mené cette bataille au plan national et nous n’avons pas pu avoir gain de cause, il a fallu qu’on la mène en Espagne d’où est originaire cette entreprise. Et cela a porté des résultats parce que l’entreprise s’est soudainement sentie isolée par toute l’industrie de l’extraction minière qui lui reproche de ne pas respecter sa responsabilité sociétale vis-à-vis des communautés. L’entreprise était donc obligée de signer une charte avec les communautés.» Laquelle charte, selon Amadou Kanouté, «est en train d’être suivie par la Cicodev pour veiller au respect des engagements» ; d’où l’importance de cet atelier «pour nous donner les moyens pour mener une bataille au niveau national et même au plan international, dans les pays d’où sont originaires ces multinationales qui travaillent chez nous». Et l’objectif de cette rencontre de deux jours est de renforcer les capacités des organisations de la société civile sénégalaise sur ce qu’ils appellent les «obligations extraterritoriales».
Comme aujourd’hui «nos économies se globalisent, il faut donc que les organisations de la société civile qui travaillent sur les questions des droits humains, de souveraineté alimentaire, de justice sociale, des droits économiques et sociaux, globalisent leurs moyens de lutte», indique M. Kanouté, qui trouve que c’est là toute la pertinence de la rencontre. C’est, dit-il, «pour nous informer sur les instruments qui peuvent nous permettre, pendant que nous menons le plaidoyer au niveau national, de pouvoir porter ce même plaidoyer auprès des institutions internationales comme le système des Nations unies, l’Union africaine, toutes les institutions qui s’occupent des droits de l’Homme au niveau international». Il ajoute : «Il y a des instruments que nous pouvons utiliser pour obliger les opérateurs économiques qui sont de l’extérieur, mais qui travaillent dans nos pays, à travailler en respectant les droits humains de l’environnement, la justice sociale tel qu’ils l’auraient fait dans leur pays.»