Le pari d’achever le déminage humanitaire en Casamance avant mars 2011 est l’ambition du Centre national d’action anti-mine du Sénégal (Cnams).

Le chiffre donne des vertiges : Au total, 830 victimes des mines ont été recensées en Casamance depuis l’éclatement du conflit qui a duré trois décennies. Soumis à la convention d’Ottawa qui l’engage depuis septembre 1998, le Sénégal est appelé à limiter les dégâts. Il s’agit de procéder au déminage de la partie sud du pays avant le 1er mars 2021. Le Centre national d’action anti-mine du Sénégal (Cnams) a donc du pain sur la planche, comme le montre son directeur qui s’est longuement épanché sur la question et a beaucoup insisté sur les difficultés que rencontre son équipe dans l’exécution de cette tâche délicate. «Notre mission consiste à nettoyer les trois régions sud du pays des mines et des explosifs de guerre conformément à la convention d’Ottawa. Les activités se déroulent dans un contexte de crise qui n’est pas complétement éteinte. C’est ce qui explique la lenteur du travail qui n’est jamais interrompu. C’est le rythme qui gêne souvent et qui ne répond pas à l’attente des populations. Certes nous connaissons des problèmes de temps à autre sur le terrain, mais le travail n’est jamais à l’arrêt», explique colonel Barham Thiam. Sur les raisons de l’arrêt des travaux durant la période hivernale, le patron du Cnams se veut explicite : «Nos activités sont suspendues durant la saison hivernale à cause de la pluviométrie et l’état boueux du sol. Le personnel est un peu gêné par la pluie et les mines peuvent se déplacer par le phénomène de ravinement.» Annonçant la reprise des activités début décembre, le directeur précise qu’il s’agit d’un Déminage humanitaire (Dh) qui a ses exigences. «Par définition, le Dh se base sur l’adhésion de tout le monde. Personne n’est laissé sur les carreaux. Si nous voulons travailler dans le déminage humanitaire tel que prescrit par la convention d’Ottawa, il faut bien que tout le monde y adhère. C’est des contacts, la société civile, des volontaires, les autorités administratives…», précise-t-il.

«Mener la mission avec tact et patience»
Il poursuit : «Nous ne serons pas impatients au point de brûler ses étapes. C’est tout le monde qui est invité. Nous prendrons le temps qu’il faudra pour avancer lentement, mais sûrement. Si une seule frange n’adhère pas à ce qu’on fait, tout est possible. Le retard peut être plus considérable. La convention d’Ottawa nous a fixé le délai du 1er mars 2021. Ça peut être relativement court. Si toutes les conditions sont favorables, nous avons assez de moyens pour respecter ce délai. C’est l’adhésion de tous qui conditionne notre travail.» Interpellé sur la présence des mines à Sédhiou, colonel Barham Thiam indique que «dans le département de Goudomp, il y a des localités dont la suspicion est confirmée» ; d’où son invite aux populations déplacés «à ne pas profiter de cette période de ni paix ni guerre en Casamance pour rejoindre leur localité» d’origine. «Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Je peux comprendre que les populations qui ont abandonné leur terroir, leur, exploitations agricoles et qui n’ont pas souvent l’hôte qui les reçoit dans des conditions idéales, la vie étant difficile pour certains à supporter leur famille et les charges du voisin venus se greffer à eux, soient nostalgiques au point de vouloir escamoter tout et regagner à tout prix leur village. Mais il ne faut point brûler les étapes», prévient le spécialiste des mines. «Il faut que nous soyons là en précurseurs et que nous puissions engager nos moyens techniques, regarder s’il y avait une contamination par mine. Nous devons nous assurer d’abord que la localité conserve son statut et les fermes ne sont pas piégées puisque l’homme est formaté pour oublier. Après 33 ans d’abandon de la localité, on a tendance à dire ah la paix est enfin revenue, il faut y aller rapidement et c’est en ce moment que les mines sont dangereuses. La mine est plus dangereuse avec le temps. Plus elle dure sous le sol, plus on est vulnérable.» Colonel Thiam invite donc «chacun autour du sous-préfet, du préfet, du gouverneur, du Cnams de toute la sensibilité à venir prendre le contact, ouvrir les voies à accéder à ces localités et que le Cnams puisse travailler en précurseur». Il se dit conscient que «cela n’est pas toujours facile de convaincre tout le monde».
Sur un autre registre, le directeur du Cnams a souligné le coût exorbitant du déminage. «Le financement coûte trop cher. Ça tourne autour de 5 à 10 dollars américains, c’est-à-dire 5 000 F Cfa par m2 de surface déminée. Si vous rapportez cela à la surface totale estimée à 1,2 million m2, c’est extrêmement beaucoup d’argent. Comme le Sénégal est un pays émergent, les priorités sont multiples», dit-il en saluant néanmoins l’effort consenti par l’Etat pour les mettre à l’aise. «On ne veut pas se targuer de ce privilège d’être mis en postposition, mais l’Etat met assez de moyens à notre disposition pour fonctionner, contribuer au déminage avec l’appui des partenaires techniques et financiers. L’argent va arriver avec le budget de 2020 et le travail va reprendre», rassure M. Thiam
Par ailleurs, la prise en charge des 830 victimes reste un énorme poids. «C’est des victimes directes, c’est-à-dire des populations qui ont sauté sur des mines, si elles ne sont pas indemnes, elles sont dotées en prothèses. Et des victimes indirectes qui sont les veuves et les orphelins, elles sont prises en charge en éducation, formation professionnelle, orientation scolaire, appui en fournitures par les moyens du Cnams», poursuit M. Thiam.