Le haut magistrat Ousmane Kane ne supporte le manque de respect des jeunes magistrats à l’endroit de leurs aînés. Devant le mutisme de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) face à ce comportement de certains de leurs collègues, il a décidé de quitter l’Ums hier, à travers un communiqué rendu public.

Sa décision est prise et semble irrévocable. En tout cas, Ousmane Kane n’est plus membre de l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Le Premier président de la Cour d’appel de Kaolack l’a fait savoir hier dans un communiqué rendu public. Dans ledit document adressé au président de l’Ums, Souleymane Téliko, le magistrat a livré les raisons qui ont motivé sa décision.  «Le combat pour le changement du système ne sera pas gagné par I’Ums seule, encore moins par des invectives à l’endroit des magistrats de la hiérarchie qui ne sont pas eux-mêmes à l’abri d’abus de ce système dont j’ai été moi-même victime déjà en1994», a-t-il fait remarquer.
En fait, le haut magistrat n’apprécie pas du tout le manque de respect dont les magistrats de la hiérarchie font l’objet de la part des jeunes magistrats.  «Les chefs de la hiérarchie judiciaire,  conspués et insultés par des collègues  pour lesquels ils ont contribué  à la formation»,  a relevé le président Kane.  Et  ne pouvant plus supporter ces invectives, il a choisi de partir de l’Union des magistrats du Sénégal. «En ce qui me concerne, ne pouvant plus supporter ces insultes, je vous présente ma démission de I’Ums», a-t-il déclaré, avant de donner un conseil à ses collègues. «Il serait d’un apport décisif si les magistrats apprenaient à respecter la hiérarchie», suggère-t-il.
Le Premier président de la Cour d’appel de Kaolack dira que tout est parti de l’affectation controversée de leur collègue Ngor Diop.  Elle a été l’occasion, explique-t-il, pour «les magistrats  insulteurs de leurs aînés de reprendre du service, comme ce fut le cas lors de l’Assemblée générale extraordinaire de l’Ums à Dakar, il y a quelques années, à l’occasion de laquelle des jeunes collègues ont passé leur temps à abreuver d’insultes les hauts magistrats qui avaient osé prendre la parole, ignorant certainement que l’ergonomie de la salle rendait les insanités qu’ils proféraient parfaitement audibles».

«Le silence insoutenable de l’Ums»
Ainsi, le Premier président de la Cour d’appel, Ousmane Kane, pense qu’«au-delà de l’impolitesse inacceptable dont certains collègues ont fait montre dans les échanges à la suite du communiqué de I’Ums, c’est la gratuité des attaques et le silence du bureau qui sont insoutenables».
D’ailleurs, rappelle le président de la Cour d’appel de Kaolack, «la fiche de consultation du collègue Ngor Diop a été passée le 8 juillet 2020, dans un lot de l0 mesures, alors que le mobile de l’affectation du collègue invoqué par le bureau n’a été révélé que dans le communiqué interne du 9 août 2020, soit 30 jours plus tard».
Suffisant pour lui de  se demander par quelle alchimie, «les membres du Conseil supérieur de la magistrature (Csm), loin du ressort de la Cour d’appel de Saint-Louis, pouvaient avoir la moindre connaissance de la raison qui sous tendrait la mesure frappant le collègue».
Revenant sur l’affectation de leur collègue Ngor Diop, le président Ousmane Kane pense que si l’information donnée par le bureau est avérée, cela ne saurait se réduire à sa seule personne. «C’est plutôt le système qui l’aurait permis qu’il faut corriger, à savoir le pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice dans la gestion de la carrière du magistrat, qui lui permet d’affecter un magistrat pour le sanctionner ou lui octroyer une promotion indue», dit-il.
En outre, le président Ousmane Kane se plaît même de rappeler certaines choses relatives à la minimisation du Conseil supérieur de la magistrature par certains collègues. «Je dois à la vérité de dire, notamment à l’intention des collègues qui trouvent le Conseil supérieur de la magistrature inutile, sans violer le secret de nos délibérations, qu’à chaque fois qu’une mesure proposée par le ministre a fait l’objet de contestation, notamment de la part des magistrats élus, ne serait-ce que pour un défaut de consultation du magistrat concerné, le président de la République a demandé qu’elle soit ajournée ; tout comme il avait accepté le principe de la mise en compétition des postes, sauf pour certaines fonctions», dit-il.
A l’en croire, ces discussions majeures avaient connu un début d’exécution par le précédent Garde des sceaux. Il avait initié, rappelle-t-il, la pratique de ce qu’il avait appelé les consultations améliorées. Selon le président Kane, «ces consultations permettaient de discuter des mesures envisagées, sous sa présidence, avant leur présentation de la signature du président de la République, ce qui sonnait la fin des consultations à domicile si décriées». Ainsi, il suggère de soumettre le «problème à qui de droit, avec le sens de la mesure et de la délicatesse qui convient». C’est cela qui aiderait à améliorer les conditions matérielles de travail des magistrats, croit-il.