Le chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a annoncé vers minuit ce mercredi 19 août, sa démission de la tête du pays. Il a dans la foulée, dissous l’Assem­blée nationale et le mini-gouvernement qui avait été mis en place il y a quelques semaines. Durant cette journée du mardi, les choses sont allées très vite à Bamako.

Il faut dire que les choses se sont précisées très tard dans la nuit du mardi après la démission du Président Ibrahim Boubacar Keita. Le Comité national pour le salut du Peuple (Cnsp), dirigé le Colonel-Major Ismaël Wagué, anciennement Chef d’état-major de l’armée de l’air, a finalement pris les choses en main après une journée de flou, car les militaires ont tardé à exprimer leurs intentions après avoir neutralisé certains officiels et officiers.
Pourtant, ce mardi 18 août 2020 paraissait une journée normale jusqu’à 8h du matin. En effet, le camp militaire Soundiata Keïta de Kati, ville militaire située à environ 15 km de la capitale, a connu une mutinerie. Les magasins d’armes de la garnison ont été pillés et chaque militaire s’est muni d’une arme.
Au même moment, des soldats ont fait irruption au ministère des Finances et sont repartis avec le ministre Abdoulaye Daffé pour une destination inconnue. Dans la foulée, plusieurs personnalités sont arrêtées dont le président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné. La Cité administrative de Bamako, qui abrite presque tous les ministères du pays, a été interdite d’accès par les militaires, qui ont occupé les lieux.
Déjà à 10h, les services publics, les institutions de la République, les banques et institutions financières et plusieurs stations-services avaient fermé leurs portes. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont commencé à affluer vers le Boulevard de l’indépendance en début d’après-midi. L’on pouvait entendre des déclarations telles que «Nous vous aimons», «Vous êtes nos héros», «IBK dégage». Ces manifestants escortaient ainsi les cortèges des militaires quittant Kati pour Bamako.
Plusieurs généraux ont été arrêtés dont Ibrahima Dahirou Dembélé, ministre de la Défense, et M’Bemba Moussa Keïta, ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile.
Aux environs de 16H 30mn, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier ministre, Dr Boubou Cissé, et le chef de la sécurité d’Etat, Moussa Diawara, sont arrêtés au domicile du chef de l’Etat. Les militaires les escortent ainsi de Sébénicoro au camp Soundiata Keïta de Kati.
Notons que depuis plusieurs mois, le Mali souffle le chaud et le froid entre instabilité sécuritaire au Nord et au Centre du pays. La crise socio-politique s’est envenimée suite aux élections législatives du 29 mars dernier. La Cour constitutionnelle a validé l’élection des membres de la nouvelle assemblée dont plus d’une trentaine portait à contestation. Malgré l’appel au recomptage des voix et la réintégration des députés floués, la Cour constitutionnelle a fait la sourde oreille et Moussa Timbiné du parti présidentiel (Rpm) a été élu président de l’Assemblée nationale à l’unanimité. Figurant parmi les députés contestés, son choix à la tête de l’institution a été la goutte d’eau qui fera déborder le vase.
Et le 5 juin 2020, un mouvement appelé Mouvement du 5 juin M5-Rfp naitra. Regroupant plusieurs partis politiques de l’opposition et de la Société civile, le M5 choisira comme personnalité morale, l’Imam Mahmoud Dicko, ancien président du Haut conseil islamique. Ainsi le mouvement se réunira à plusieurs reprises à la Place de l’indépendance de Bamako pour demander la démission du président de la République.
Face à cette situation, la Cedeao décide de mettre en place une commission de médiation dirigée par l’ancien Prési­dent du Nigeria, Good Luck Jona­than, accompagné du président de la Commission de l’institution régionale. Après une première mission tenue en juillet dernier, ils ont rencontré toutes les parties prenantes afin de trouver une issue favorable à la crise. Mais, il n’y avait de moyen de trouver une solution unanime.

Une histoire de mardi
Une semaine plus tard, Bamako a accueilli 5 chefs d’Etat, notamment ceux du Sénégal, du Niger, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigeria. Cette mission, restée une journée entière à discuter avec le Président déchu IBK, le M5-Rfp et la mouvance présidentielle, a échoué à mettre les parties en synergie. Une source au sein des forces armées maliennes nous rapportait lors de la mission des chefs d’Etats que «si le M5 et IBK refusent de s’entendre sur une solution commune, nous les militaires prendrons les choses en main». Avec l’acte qu’ils ont posé mardi, l’on dira que les militaires ont coupé l’herbe sous les pieds du M5-Rfp en mettant en place le Comité national pour le salut du Peuple (Cnsp) dirigé par le Colonel-Major, Ismaël Wagué, ancien chef d’état-major de l’Armée de l’air.
A titre de rappel, le Président Modibo Keïta a été renversé par un coup d’Etat militaire le mardi 19 novembre 1968. Le mardi 26 mars 1991, le général Moussa Traoré est aussi déchu par un putsch militaire. Le mardi 22 mars 2012, le général Amadou Toumani Touré est chassé par un coup de force militaire. Et le mardi 18 août 2020, le Président Ibrahim Boubacar Keïta est victime aussi d’un coup de force militaire.