Au marché Petersen, les marchands ambulants cherchent à être recasés et demandent des indemnisations à l’Etat. Le site a été rasé pour les besoins des travaux du Brt.Par Aliou DIALLO

– «Ne pleure pas Assane. Ça ira !», lance un marchand ambulant à son copain Assane Ndao, étreint par la tristesse. Le chagrin ronge les deux amis. Assane n’était pas en larmes. Mais sur son visage se lisait le découragement. C’est un homme abattu. Il fait partie des centaines de marchands ambulants de Petersen victimes des travaux du Bus rapide transit (Brt). Leur lieu de commerce est aujourd’hui un champ de ruine. Les bulldozers ont fini de raser les magasins qui ont eu la malchance d’être sur le tracé du Brt. Pendant que Assane et Cie se résignent sur leur sort, les ferrailleurs fouillent dans les décombres.
Malick est un jeune mécanicien. Il a profité de l’absence de son patron de l’atelier pour venir chercher de la ferraille à revendre. «Je revends le kilogramme à 175 francs Cfa. Je vais ajouter la somme qui sera récoltée à ma petite épargne, ça me permettra d’envoyer de l’argent à ma maman au Baol», déclare le garçon habillé d’un jean bleu méconnaissable à cause de l’huile, de même que son t-shirt blanc. Des tonnes de gravats, des tas d’immondices, des objets de toutes sortes occupent ce vaste espace. Le périmètre est clôturé par des zincs par endroit.
A quelques mètres, la police surveille les éventuels fauteurs de troubles. Les ambulants n’ont pas le cœur à une manifestation. Ils ont choisi de s’adresser à la presse sur le site, hier. Ils réclament un recasement et un dédommagement. «Nous ne sommes pas contre le projet du Brt. Nous n’avons jamais été dédommagés, je défie quiconque de prouver le contraire. Nous demandons au chef de l’Etat de nous recevoir, nous voulons des solutions immédiates», soutient Dame Badiane, responsable des marchands ambulants de Petersen.
Dame Badiane est entouré de ses collègues. Tous désorientés. «Ne sachant plus quoi faire, hier (Ndlr mercredi), j’ai mis mes bagages dans un bol, à la recherche de clients dans le marché. Nous savons nettement que nous ne pouvons rien face à cette situation, parce qu’il s’agit de l’Etat. Mais nous demandons aux autorités de nous laisser travailler jusqu’à la fin du mois de ramadan. Après la Korité, nous allons voir où aller», déclare Nogoye Diack, vendeuse d’habits qui, en 2000, faisait partie, dit-elle, des marchands ambulants déguerpis du port et qui ont été recasés à Petersen. Donc ça fait 22 ans qu’elle est là pour subvenir aux besoins de sa famille.
Ndongo Sarr s’est installé en 2004 au cœur de ce marché bruyant. Son petit commerce lui permettait d’entretenir son épouse et ses 4 enfants, restés dans la ville de Touba. Au milieu d’une foule, il fait des va-et-vient. Il ne sait plus quoi faire. Dans sa tête, il pense à comment liquider ses pièces. «J’ai acheté plein de bagages pour la fête de Korité. Je ne sais pas encore où est-ce que je peux écouler ma marchandise en stock», révèle le marchand ambulant. Il raconte ce qui parait comme un film pour lui et ses collègues. Il dit : «Dimanche vers les coups de 9h, la Senelec a débarqué avec des agents du Brt. Nous leur avons demandé l’objet de leur présence. Ils nous ont fait savoir qu’ils sont venus couper l’électricité dans les magasins après l’expiration des 10 jours de sommation. Nous avons été très surpris, parce que nous n’avons jamais été recensés et nous n’avons reçu aucune sommation.»
Venu apporter soutien et réconfort aux déguerpis, Cheikh Wade, l’un des coordonnateurs de la Plateforme des associations du secteur informel, lance un appel au Président Macky Sall. «Cette situation ne peut pas continuer. Le président de la République a mis en place la Der (Ndlr Délégation générale à l’entreprenariat rapide) et beaucoup d’autres institutions dans le cadre de l’emploi des jeunes. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas comprendre qu’on déguerpisse ces jeunes-là qui vont se retrouver sans travail», déclare M. Wade. Et d’ajouter : «Je demande au Préfet de Dakar d’accorder plus de respect à ces marchands ambulants. Parce qu’on ne peut pas concevoir que, partout où le Brt est passé, on a dédommagé les marchands ambulants et les occupants et que les marchands de Petersen soient lésés. C’est un manque de respect notoire. C’est une injustice que nous ne laisserons pas passer.» Il prend les autorités pour responsables si la situation dégénère.