La prolifération de l’éclaircissement dentaire pratiqué par des personnes non qualifiées suscite une vive levée de boucliers au sein de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes (Oncd). Sa présidente, Dr Myriam Thérèse Arlette Dia Ntab, dénonce un danger pour la santé publique et appelle l’Etat à mettre fin à cet exercice illégal.

Par Amadou MBODJI – Le secteur de la santé bucco-dentaire au Sénégal traverse une zone de turbulences. En cause : la pratique «irrégulière» de l’éclaircissement dentaire par des individus n’ayant aucune compétence médicale. Face à ce qu’il considère comme une dérive grave, l’Ordre national des chirurgiens-dentistes (Oncd) est monté au créneau lors d’un point de presse tenu hier à son siège.

Un cri d’alerte contre l’exercice illégal
Pour Dr Myriam Thérèse Arlette Dia Ntab, présidente de l’Oncd, l’heure est à la vigilance. «L’objet de ce point de presse est de lancer un cri d’alerte, un haro sur l’exercice dentaire illégal au Sénégal. Devant l’ampleur et la banalisation de cette pratique, l’Ordre interpelle les autorités», a-t-elle déclaré d’emblée. Elle pointe du doigt des publicités mensongères orchestrées par des individus non habilités qui profitent d’un vide de contrôle.

L’Oncd rappelle avec insistance que l’éclaircissement dentaire, bien que perçu comme un acte esthétique, n’est pas anodin. C’est un acte professionnel qui relève exclusivement du chirurgien-dentiste. «C’est loin d’être un acte dénué de risques», prévient la présidente, soulignant que des complications graves peuvent survenir si le protocole scientifique n’est pas respecté.

La complicité involontaire des médias
Si le phénomène est né sur les réseaux sociaux, il s’exporte désormais dangereusement vers les médias classiques. L’Oncd déplore que des animateurs, chroniqueurs ou artistes se fassent, parfois inconsciemment, les porte-voix de ces contrevenants.

Le cas le plus frappant cité par Dr Dia Ntab est la diffusion récente, sur la chaîne nationale Rts1, d’un dossier de presse sur l’éclaircissement dentaire à une heure de grande écoute. Un reportage jugé regrettable par l’Ordre, car il induirait une «compréhension hautement biaisée» des risques associés à ces pratiques.

Un cadre légal pourtant strict
L’incompréhension des professionnels est d’autant plus grande que la loi sénégalaise est explicite. La loi 05-2023 du 13 juin 2023 stipule en son article 1 que «nul ne peut exercer la profession de chirurgien-dentiste s’il n’est titulaire d’un diplôme d’Etat de docteur en chirurgie dentaire (ou équivalent) et inscrit au tableau de l’Ordre».

Il est donc paradoxal que des praticiens illégaux bénéficient d’une telle visibilité alors que les textes déontologiques interdisent toute publicité aux chirurgiens-dentistes diplômés. «Il est choquant et frustrant de voir des personnes non qualifiées promouvoir leurs services en toute impunité, mettant en danger la santé publique», s’insurgent les membres de l’Ordre.

Un appel à la répression
L’Oncd, soutenu par les associations du secteur, réclame désormais des actes concrets de la part des autorités étatiques, sanitaires et judiciaires. Il demande un renforcement des mesures de régulation, de contrôle et de sanction. La présidente a conclu en rappelant qu’une jurisprudence existe pourtant : l’Ordre a déjà remporté un procès concernant le blanchiment dentaire. Pour les professionnels, ce précédent juridique devrait suffire à fonder une action rigoureuse pour assainir le secteur et protéger le sourire des Sénégalais.
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