Il y a quelque chose de paradoxal dans notre pays. Quand ailleurs la dictature et le fascisme sont le fait des pouvoirs en place, le plus souvent de militaires après un putsch, dans notre pays, c’est dans l’opposition qui se réclame de la démocratie que se manifestent des comportements et pratiques qui empruntent les allures d’un fascisme rampant.
C’est ainsi que dans le cours des manifestations violentes qui ont émaillé notre pays durant la période du 3 au 8 mars avec un solde macabre de plus d’une dizaine de morts, et même après, des journalistes, avocats, hommes politiques du pouvoir, féministes et citoyens anonymes ont fait l’objet d’injures, de menaces de mort et d’attaques physiques violentes.
Il faut cependant noter pour le rappeler que Ousmane Sonko, lui-même, au soir de l’élection présidentielle de 2019, avait proféré publiquement des menaces à l’encontre d’organes de presse qui commençaient à révéler les tendances sur la base des procès-verbaux de bureau de vote rassemblés par leurs reporters. C’était déjà un signe !
Mais devant la timidité de la réaction du corps des journalistes et la banalisation du fait par les forces démocratiques et républicaines, ce qui devait arriver arriva. Ainsi O. Sonko et ses partisans sont passés à la vitesse supérieure. Ils ont emprunté le grand boulevard ouvert par la complaisance et la banalisation des phénomènes extrémistes et dont certains médias ont fait la promotion de manière consciente ou inconsciente.
Des journalistes, pour avoir fait leur travail et tenté d’équilibrer leurs informations, ont fait l’objet d’injures et de menaces de mort sur les réseaux sociaux et sur leur téléphone personnel, simplement parce que les propos tenus dans leurs émissions n’épousaient pas les positions et intérêts de leur leader incriminé dans l’affaire du viol. Certains d’entre ces journalistes, dont ceux «en ligne», craignant pour leur vie, ont dû alerter et porter plainte contre des énergumènes identifiés ou contre X devant le procureur de la République.
Des organes de presse ont également reçu les mêmes injures et menaces. Pis, Le Soleil, Rfm et Tfm du groupe Gfm ont été attaqués et les véhicules des journalistes et autres personnels incendiés.
Des avocats sont menacés de mort verbalement et par écrit, «une liste d’avocats dressée et diffusée avec leurs photos et adresses personnelles assortie de mots d’ordre précis pour leur régler leur compte» (propos du Bâtonnier) et dont la mise en œuvre a conduit au saccage et à l’incendie criminel de la maison de l’avocat de Adji Sarr, Me El Hadji Diouf.
Des féministes qui ont osé briser le silence imposé par le refus systématique des organisations de femmes de se prononcer, et de prendre la défense de la jeune fille, dans l’unique souci de protéger la victime présumée, sur la base de la même présomption d’innocence conférée au présumé violeur, ont également été victimes d’injures et de menaces de mort, au point de les amener à craindre pour leur vie.
Jamais dans notre pays de tels phénomènes n’ont été observés, même pas avec A. Wade et ses «calots bleus». Un nouveau virus infecte le paysage politique, celui de la terreur de la pensée unique qui, après avoir anesthésié la pensée critique, paralysé les corps rétifs, va par la destruction, le vandalisme, les incendies s’emparer du pouvoir et régner sur nos vies. Voilà le projet funeste et fascisant que dessinent ces apprentis sorciers du moment.
Il n’est pas utile de revenir sur le fait dominant depuis des années, plus virulent aujourd’hui, dans les réseaux sociaux où tout ce qui est dit en contradiction avec O. Sonko et son parti fait l’objet d’un lynchage effroyable. Injures et menaces sont la marque de fabrique de cette opposition soutenue par des forces politiques et des activistes se réclamant du progrès, du patriotisme et même de la révolution, pour certains. C’est la pire forfaiture que notre histoire politique n’ait jamais connue.
Quand politiquement on veut s’imposer en fanatisant les troupes, en promouvant l’intolérance, la haine des adversaires politiques, en faisant régner la terreur par les injures et les menaces de mort, pour la pensée unique, quand de surcroît on passe à la violence physique, la destruction des biens, les incendies des maisons et permanences de partis, les attaques des institutions, on construit les bases du fascisme. Et quand on aura le pouvoir, on régnera par la terreur, la violence physique, on instaurera un régime fasciste. Alors, on abolira toutes les libertés démocratiques et les idées progressistes comme l’ont fait les «chemises noires» de Mussolini et les «chemises brunes» de Hitler, avant leur prise du pouvoir.
Face à cela, la seule attitude progressiste en cohérence avec la mise en œuvre de politiques au service des masses populaires pour un accès universel à l’eau, l’électricité, la santé, l’éducation, les routes, demeure la culture de la paix, de la confrontation sereine d’arguments libres de toute contrainte, adossée à la construction de consensus par le dialogue fécond pour l’intérêt du plus grand nombre, du Peuple. Mais il faut également, dans le même élan, dresser une posture de fermeté absolue pour la défense de la République et de ses valeurs de démocratie et de libertés, comme l’ont fait certains intellectuels et forces politiques progressistes.
Cela, les forces vives de notre pays l’ont compris. Elles ont toutes dénoncé les agissements de terreur, de violence destructrice, perpétrés par les militants et sympathisants de Sonko, suite à son appel à l’insurrection pour se protéger contre la plainte pour viols répétés et menaces de mort déposée par la jeune fille Adji Sarr. Il s’agit des centrales syndicales, du Synpics, des étudiants, du patronat, d’organisations évoluant dans le secteur de l’éducation, etc.
Nous sommes tous avertis, surtout quand «une deuxième vague plus ravageuse» nous est promise.
El Hadji Momar SAMBE
Sg du Rta-S/Péncoo Réew
sambem2@gmail.com