Une jeunesse déboussolée, désolée et désemparée a-t-elle encore quelque chose à perdre ? Dans les profondeurs de l’Océan atlantique, pour la énième fois, des milliers de jeunes Sénégalais bravent les vagues de la mer au péril de leur vie et se mettent à la recherche d’un havre de paix. Une jeunesse dont l’espoir s’est effondré comme un château de cartes ou des maisons de glace, a-t-elle encore vraiment des raisons d’avoir peur ? Tout semble être perdu puisque rien ne se profile à l’horizon ! Quand tous les chemins semblent bouclés, il faut impérativement trouver une issue, même au prix des douleurs qui nous assaillent. Ah la jeunesse ! Voilà la période la plus belle mais la plus compliquée, dit-on souvent ! Que feront ceux qui ne réussissent pas ? Combien seront-ils à prendre les pirogues ? Personne ne saura le dire. C’est du suicide, rétorqueront les masses. Quelques dizaines arriveront à destination. Beaucoup de morts en mer par noyade ou de faim, après avoir erré des jours et des jours dans l’océan avec comme arme, un Gps encore douteux. Les familles patientent et attendent le coup de fil libérateur pour dire «je suis bien arrivé en Europe». L’absence de ce coup de fil, après quelque temps, signifie qu’il est peut-être temps de faire le deuil. Peut-on vraiment justifier ce choix irréversible des jeunes envers l’Europe ? Ce fameux slogan de Barça ou «Barsakh», Nicaragua ou l’univers des ancêtres, la réussite ou la mort, n’est-il pas dicté par les exigences de la société ? Chaque miette de vie est une occasion pour conquérir la dignité, et quels que soient les obstacles qui se dressent sur le chemin. Partir ou rester ? Qu’importe ! Juste une vie meilleure, diront les sans-espoirs. Les grandes décisions semblent toujours irrationnelles. Et c’est dans ce contexte, me semble-t-il, qu’on est en situation de guerre. Mais hélas ! Les discours des politiques politiciens continuent de masquer la réalité sociale. Que font juste les tenants du pouvoir pour faire face à cette situation qui secoue ce pays ? Le silence d’une jeunesse abandonnée dans le chômage et dans le désespoir dans l’autre bout du Sénégal, devrait être une préoccupation majeure de tout gouvernant. Gouverner, c’est savoir se maintenir dans la difficulté pour l’assouvissement des besoins de son Peuple. Gouverner, c’est savoir également s’oublier soi-même pour le compte de son Peuple. Gouverner, c’est accepter de fléchir le genou pour le bonheur de sa jeunesse.
Nul gouvernant ne devrait se mouvoir dans le luxe pendant que son Peuple traverse la cascade des événements malheureux. Nul gouvernant ne devrait avoir l’esprit tranquille pendant que sa jeunesse s’éparpille dans les profondeurs des océans. Je ne pourrai malheureusement qu’apporter mon désaccord à celles et ceux qui se laissent aller à la facilité de cette maxime : «La jeunesse est l’avenir du pays.». Je me soustrais de cette conception facile qui n’est que du pur sophisme afin de maintenir les jeunes dans l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans cesse des mêmes catégories de personnes à la tête du pays. On nous fait croire que nous sommes l’avenir de ce pays, «ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais», martelait Pascal.
Cheikh TOP
cheikhtop5@gmail.com
Professeur de Philosophie au Lycée de Diawara