Notre pays a le charme de produire à partir du néant des situations qui vont se révéler des casse-têtes entre les mains de gros enfants gâtés qui jouent à décrédibiliser davantage le débat public et fragiliser sans limite la parole politique. Ces situations et postures mettent le citoyen lambda dans un état d’exaspération totale et un embarras, lorsqu’il est confronté à ce qui fait office de représentation sur la scène politique. Des responsables tortueux, qui passent leur temps à se dédire et renier sur des questions aussi banales, les unes que les autres, ont le haut du pavé. Ils ne se gênent pas pour l’ouvrir fort, alors qu’ils traînent toutes les tares qui doivent pousser à ce que rien de ce qu’ils développent, ne soit pris au sérieux.

Le cirque permanent que des politiciens de tous bords entretiennent dans notre pays a de quoi révulser, surtout que toutes les prises de position sont doublées d’une couardise de gens qui ne s’assument jamais. Le ping-pong entre experts de l’enfumage et manufacturiers du faux que nous ont offert Aminata Touré et Bougane Guèye pour refuser la paternité d’un courrier adressé au chef de l’Etat par une ligue de recalés, pour en faire une polémique au centre du débat public est d’un ridicule tel qu’on finit par se faire une religion de gens qui n’ont aucune mesure des enjeux de l’heure. De frêles ego qui se voient au-dessus de tout, jouent des coudes pour créer une polémique autour d’un courrier qu’une ligue boiteuse d’une quarantaine de recalés aura pondu. Ce courrier, qui a résulté d’une audience avec le président de la République, pour que nos enfants gâtés se rejettent la faute et certains d’entre eux se débinent, n’aurait jamais dû avoir une réponse. L’audience ne devait se tenir, car il n’y a aucun intérêt à écouter des voix éprouvées par la rigueur d’un système de vérification et qui en termes de représentativité au niveau national n’ont guère le pesant de leur discours. Je soulignais avec beaucoup de joie maligne, les claques que l’étape du parrainage a pu donner à beaucoup d’acteurs de notre vie publique. Beaucoup de nos grands seigneurs, qui se sont vus trop grands, se sont cognés à un mur de réalités qui leur révèle qu’ils ont beau avoir une existence médiatique, s’agiter de toute énergie et avec zèle à chaque occasion qui se pointe à eux, ce n’est pas pour autant qu’ils sont représentatifs ou pourraient même gagner une élection dans leur conseil de quartier.

C’est à coup de logorrhées interminables sur les plateaux télévisés ou en boucle sur les ondes. C’est aussi en pondant des textes creux et souvent insipides qui miment tragiquement des journaux intimes d’adolescents contrariés qu’ils arrivent à se rappeler de façon intempestive à la communauté nationale. C’est en se donnant en spectacle comme on a pu le voir ces derniers jours qu’ils suscitent un peu d’intérêt dans une civilisation où les contenus «appâts à clics» et les polémiques pour faire du buzz excitent plus qu’ils ne devraient le grand public. Ce n’est pas une vision politique sérieuse qu’ils partagent, ce ne sont pas des idées sérieuses et concrètes sur le fonctionnement de nos institutions qu’ils professent.

Rien des sorties ou des prises de parole de cette caste politique n’évoque de façon sincère une prise en compte de l’intérêt général ou des enjeux collectifs. Tout se résume aux intérêts vexés et privilèges contrariés face à la réalité du jeu politique, d’entrepreneurs politiques qui n’ont de mérite que celui de s’agiter dans un espace public sans trouver de réels répondants pour leur faire face. Dans l’opération de charme auprès de l’opinion, on aura vu certains de nos illustres recalés demander au président de la République de permettre à Bassirou Diomaye Faye, candidat à l’élection présidentielle, de «compétir» à armes égales à la Présidentielle, en étant élargi de prison. L’insulte à la séparation des pouvoirs passée sous silence, car on ne peut oublier que beaucoup de nos si nobles gardiens du respect des règles républicaines se donnent une importance à parler toujours d’une nécessaire transparence et indépendance de la Justice. Un objectif est d’effacer une série de faits graves qui ont eu à déstabiliser le fonctionnement de l’Etat du Sénégal et menacer son autorité, au point que Ousmane Sonko en tête et beaucoup de ses sbires soient mis en détention pour des faits graves de troubles à l’ordre public et association à des entreprises terroristes. Si on veut, sur le prétexte fallacieux qu’un candidat sur la tête duquel de telles accusations pèsent, soit autorisé à se pavaner dans les rues dans un souci de jeu démocratique, on pourrait vider toutes les prisons du pays pendant qu’on y est.

Revenons au mur du parrainage, puisque c’est aussi de ça qu’il s’agit. Si en trois mois, une personne et sa machine politique ne sont pas en mesure de collecter plus de 40 000 signatures de leurs compatriotes, en bonne et due forme, devrait-on perdre du temps à souffrir des errements et caprices de tels individus le temps d’une campagne électorale aussi sérieuse que celle pour l’élection présidentielle ? Doit-on accorder parole et intérêt à des gens qui initient des choses, et ne sont guère en mesure de les assumer, et mentent en permanence à l’opinion ? Le Sénégal peut-il se permettre, avec les enjeux de l’heure dans le fonctionnement de son économie, dans la gestion de son virage énergétique avec l’exploitation des hydrocarbures et dans la sécurisation de son territoire et de sa façade maritime, que la parole publique soit constamment prise en otage par des prestidigitateurs sans talent que celui d’une gueule qui porte ? D’aucuns diront que le jeu démocratique est fait de telle sorte. On ne peut priver des individus de parole, aussi viles que puissent être leurs opinions. Toutefois, il y a un jeu qu’on ne peut laisser prospérer.

A force de se faire assaillir par des «tocards» et de penser que toute conduite outrageuse doit pouvoir se discuter, cette République et ses premiers dépositaires finissent à en perdre leur âme. C’est regrettable qu’à l’heure où l’Etat devrait être le plus fort, on ne cesse dans ce pays de le fragiliser à coups de calculs politiciens, d’aménagements de petits intérêts et surtout qu’on ne cesse d’accorder une importance à des individus dont la pire des erreurs communes que nous ayons fait en tant que communauté nationale, aura été de leur permettre une existence politique et médiatique.

Nos militants de la démocratie et de l’inclusivité sans filtre oublient toujours le coup financier d’une élection sur les maigres ressources du contribuable sénégalais. On ne peut imaginer le cauchemar d’une élection avec une cinquantaine de fanfarons et d’agitateurs. L’impression des bulletins de vote ou même la gestion de la sécurité de ce contingent donnent déjà le tournis.

Le fiasco des élections législatives de 2017, avec 47 listes en compétition pour un siège au Parlement, est encore frais dans les mémoires.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn