La presse ne saurait se développer et atteindre des objectifs utiles pour l’entreprise, les acteurs et la République, si les autorités en font un secteur ennemi à abattre. Le Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse du Sénégal (Cdeps), qui a lancé cette alerte hier lors d’une rencontre avec la presse, fustige la présentation publique des dettes fiscales des entreprises de presse par le ministre en charge de la Communication et exige la transparence totale sur les montants alloués et une enquête sur les 800 millions de francs censés être destinés à la presse. Par Ousmane SOW –

Le Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse du Sénégal (Cdeps) n’a pas attendu pour répliquer à la sortie du ministre de la Communication qui a partagé des chiffres sur la dette fiscale et le Fonds d’appui et de développement de la presse (Fadp). Face à la presse hier, le Cdeps dénonce une tentative «de diabolisation» et de «manipulation» visant à affaiblir les entreprises de presse et à compromettre leur rôle dans la République. «La presse ne saurait se développer et atteindre les objectifs utiles pour l’entreprise, les acteurs et la République si les autorités en font un secteur ennemi à abattre pour installer un silence total sur le fonctionnement du pays», a fait savoir le Cdeps. Evoquant la dernière sortie du ministre, le Cdeps fustige la présentation publique des dettes fiscales des entreprises de presse et la gestion du Fonds d’appui et de développement de la presse (Fadp) par le ministre en charge de la Communication, qualifiant cette pratique d’infamante et illégale. «Nous dénonçons la fausseté des annonces faites à l’occasion de ces interventions publiques. Il s’agit d’une opération de manipulation et de diabolisation à des fins politiques pour saper la crédibilité de la presse et/ou pour organiser la disparition d’entreprises pour en créer d’autres, totalement acquises à des causes partisanes. Le Cdeps note que les montants des dettes fiscales dues par les entreprises de presse et annoncées par le ministre sont inexacts et constate que le chiffre décliné est un fourre-tout de 40 milliards de francs Cfa, qui agrège droits simples, taxation d’office et pénalités. C’est une méthode infamante pour le Cdeps qui trouve scandaleux que, de tous les secteurs économiques du pays, les entreprises de presse soient les seules dont les autorités publient illégalement les données, en violation totale du secret de leur situation fiscale», précise l’organisation pa­tronale. Le Cdeps dénonce l’utilisation de telles méthodes qui, selon lui, «visent à braquer l’opinion publique contre les entrepreneurs de presse ainsi présentés comme des hors-la-loi». Pour le patronat de la presse, les entreprises de presse continuent, comme elles l’ont toujours fait, de travailler avec les services fiscaux à chaque fois que nécessaire. «Les entreprises de presse ne refusent donc pas de s’acquitter de leurs obligations fiscales et ne peuvent pas accepter que les autorités les privent de leur droit de faire aménager le versement de ce qui est dû», précisent-ils d’emblée.

Le Cdeps, qui se réjouit du succès de la journée sans presse décrétée le 13 août dernier, rappelle aussi que sur le Fonds d’appui et de développement de la presse (Fadp), les montants annoncés par le ministère de la Communication sont «sciemment incomplets» et loin d’être exhaustifs. Sous ce rapport, le Cdeps se dit étonné de la politique de «clarification sélective» du ministre de la Communication et «demande» à ce que les services de l’Ins­pection générale de l’Etat fassent «la lumière sur les montants effectivement alloués aux entreprises de presse et sur les 800 millions de francs de l’aide à la presse détournés, parce que n’étant pas allés aux entreprises de presse».

«Les montants du Fadp annoncés par le ministère sont sciemment incomplets»
Sur la situation sociale des entreprises de presse, Mamadou Ibra Kane et Cie, qui étaient en conférence de presse à la Maison Babacar Touré, ont aussi pointé du doigt l’absence de rigueur dans les déclarations de la tutelle. Selon eux, les affirmations du ministre reposent sur un échantillon de 217 journalistes, un nombre dérisoire au regard des 2118 détenteurs de la Carte nationale de presse sur 2700 demandes. «L’Etat ne disposerait-il pas de services qualifiés pour mener des enquêtes fiables sur la situation sociale des entreprises de presse en termes de contrats enregistrés, de salaires et de cotisations sociales ? Le Cdeps dénonce cette manipulation du ministre en charge de la Communication pour créer des tensions entre employeurs et employés, et à quelle fin ?», s’interroge le Cdeps.

Pour finir, le Cdeps a rappelé ses nombreuses propositions aux autorités pour une meilleure régulation du secteur de la presse. Propositions qui, selon le Conseil, ont été systématiquement ignorées. «Le Cdeps tient à rappeler qu’il a formulé à plusieurs reprises des propositions aux autorités pour une meilleure prise en charge des problèmes du secteur et a toujours noté le manque de volonté du gouvernement pour une régulation de la presse, préalable pour asseoir un écosystème viable», a regretté le Cdeps.