Développement de l’élevage à Vélingara : Des étudiants de l’Eismv décèlent les freins

Vendredi 25 avril. Une équipe de 6 étudiants en 5ème année à l’Ecole inter-Etats des sciences et médecine vétérinaires (Eismv) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, en stage rural de fin de formation, a visité les étables de l’éleveur Sadio Mballo et fils du village de Kael Bessel (commune de Kandia), à 2 km au nord de la ville de Vélingara. Les étables visitées étaient juste des abris en paillotte d’une dimension quelconque, délimitées à l’ouest par une mangeoire de 2 briques de hauteur. Le pourtour du rectangle qui fait tout au plus 20 m2 est barricadé par des piquets en bois, au-dessus duquel sont entreposés des résidus de récoltes destinés à l’alimentation du bétail, protégeant, en même temps, les veaux, seuls dans l’étable, du très brulant soleil du moment. L’abri reste très poreux à la saleté, à la poussière et à l’invasion d’insectes, de reptiles et de rapaces de toutes sortes. D’ailleurs, l’endroit n’est pas plus propre qu’un dépotoir de détritus. A l’intérieur comme aux alentours. Le maître des lieux, Sadio Mballo, explique : «J’ai 7 vaches laitières en stabulation ici. Elles sont allées chercher à manger dans la brousse. Les veaux sont restés sur place et nous leur donnons à manger et à boire de temps à autre. Une manière d’économiser l’aliment disponible. Avant de laisser divaguer les vaches, nous leur avons retiré un peu plus de 5 l de lait frais.» Et d’ajouter : «Les jeunes se détournent de l’élevage, alors qu’ils sont plus à même de faire certains travaux. Peut-être qu’ils prendront conscience un jour et aideront à agrandir et entretenir ce lieu, et s’occuper correctement des animaux.»
L’état des lieux et les déclarations de l’éleveur Mballo ont suscité la réaction des étudiants en 5ème année d’études de sciences vétérinaires. Mlle Fatimata Nassa, originaire du Burkina Faso, a fait ces remarques : «Il y a beaucoup d’efforts à faire, notamment sur les lieux de stabulation des animaux. D’abord dans la manière de stocker les aliments. Ils sont exposés à l’air, à la merci du vent, de la poussière et des insectes dont certains secrètent des toxines. L’alimentation doit être conservée de manière à ne pas être en contact avec la saleté et toutes ces impuretés qui peuvent nuire à la santé des animaux.» Elle poursuit : «Le plancher (des étables) doit être soit sableux, soit antidérapant. Alors qu’ici le nettoyage n’est pas correctement fait. On a l’impression d’être devant une petite poubelle. Les reptiles, les termites et les salamandres, très toxiques, peuvent s’y inviter.»
Amadou Sow, étudiant sénégalais, a eu ses remarques et recommandations : «Ici, l’élevage est pratiquée dans des conditions difficiles sur le plan de la production laitière. On peut avoir 10 vaches laitières qui ne produisent pas plus de 5 litres de lait par jour. Alors que cette quantité devrait être la production d’une seule vache. La faiblesse de la production laitière est expliquée par la pression des pathologies. En discutant avec les éleveurs, on remarque que les animaux ont souvent des problèmes respiratoires, ils souffrent de la fièvre aphteuse ; des maladies qui empêchent une bonne production de lait. Mais surtout, il y a, à la base, un problème d’alimentation. Dans le cadre d’un élevage où l’animal divague dans la brousse à la recherche de sa nourriture, il fait une débauche d’énergie qui l’empêche de produire correctement. C’est dommage de trouver des vaches qui produisent du lait en si faible quantité.»
Dans le même sillage, Augustin Tuyishima, étudiant originaire du Congo-Brazaville, souligne : «Il y a une pratique d’automédication avec une utilisation incontrôlée et systématique d’antibiotiques par les éleveurs ou par des auxiliaires en santé animale. On utilise les antibiotiques, même sans la présence d’une maladie bactérienne. Il est recommandé d’utiliser les antibiotiques de manière appropriée. Il faut auparavant qu’il y ait une pathologie diagnostiquée, la pathologie doit être bien identifiée avant l’absorption d’antibiotiques. Le problème d’antibiorésistance est une réalité dans le milieu de l’élevage. C’est uniquement le vétérinaire qui est autorisé à administrer les antibiotiques. Ici, les éleveurs ont ces produits à la maison qu’ils utilisent à l’occasion. Quand un animal développe une résistance à un germe, le même germe se retrouve chez l’homme qui consomme cet animal en ne respectant pas les délais de latence.»
Le Dr Sahidi Adamou, assistant au service de chirurgie-reproduction à l’Eismv, qui a conduit la délégation, a dévoilé les activités menées par ses étudiants. «Nous avons fait beaucoup d’activités de vaccination contre la pasteurellose et la peste des petits ruminants notamment. Nous avons aidé à la prise en charge des pathologies d’origine parasitaire le plus souvent, nous avons fait dans l’appui-conseil en embouche et en production laitière», raconte le vétérinaire. Avant de suggérer : «Ici, les éleveurs doivent faire beaucoup d’efforts pour vivre de leur élevage. Il faut beaucoup d’efforts pour arriver à la sédentarisation. Pour cela, il faut l’appui de l’Etat.»
El Hadji Ndiaye, coordonnateur des programmes d’Avsf pour la Casamance, revient sur le partenariat entre Avsf et l’Eismv. Il indique : «De manière assez régulière, nous recevons des étudiants de l’Eismv, soit pour des sujets de mémoire, soit des thématiques spécifiques qu’ils viennent traiter dans le cadre de la mise en œuvre de nos projets, des thématiques assez classiques liées à la santé animale, au développement de l’élevage, etc.» Globalement, renseigne-t-il, «nos stagiaires ont aidé nos projets à avancer sur les activités planifiées, ils ont aidé la communauté en faisant des consultations gratuites, des traitements gratuits sur l’ensemble des animaux qu’ils ont trouvés aussi bien dans les fermes que dans le monde rural. Le bilan est très satisfaisant au niveau des communautés d’éleveurs, mais aussi au niveau du déroulement de nos projets. Nous avons fait énormément de sensibilisation, de visites à domicile et de causeries avec eux. La mobilisation des communautés était fort encouragée certainement par les consultations et traitements gratuits.»
Par Abdoulaye KAMARA (Correspondant) – akamara@lequotidien.sn