L’Initiative prospective agricole et rurale (Ipar), en partenariat avec le Réseau sénégalais des think tanks (Senrtt) et le Rapport alternatif sur l’Afrique (Rasa), a organisé un webinaire de partage et de réflexions sur la prise en compte des recommandations du Rapport quadriennal mondial sur le développement durable 2023 au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Les travaux ont été modérés par Dr Pape Abdoulaye Seck, ancien ministre de l’Agriculture et ancien ambassadeur du Sénégal auprès du Fida, de la Fao et du Pam à Rome.Par Mamadou T. DIATTA –

L’échéance de l’Agenda 2030 approche, et les signaux semblent être au rouge. Du moins si l’on s’en tient aux faibles avancées notées sur certains indicateurs. Tel est le constat fait par le webinaire organisé à quelques mois du prochain Sommet mondial sur les Odd (18 et 19 septembre 2023) et visant à vulgariser le processus du Rapport mondial sur le développement durable (Gsdr) et à partager ses principaux messages.

Dr Ibrahima Hathie, économiste agricole, chercheur émérite à l’Ipar et membre du groupe indépendant des scientifiques (Igs) mandaté pour rédiger le rapport 2023, est formel : «A partir de 2019, on s’est rendu compte qu’on n’était pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs en 2030. Malheureusement, il y a eu de nombreux chocs dont celui du Covid-19, les conflits internationaux, régionaux, tels que la guerre russo-ukrainienne en cours, sans oublier au niveau régional, les conflits au Sahel, la crise économique, etc.»

«Toutes ces crises ont fait que pour certains Odd, on a même connu un recul», a poursuivi Dr Hathie. Pour l’expert, «actuellement, la question qui se pose, c’est comment accélérer la cadence afin d’avoir des chances d’atteindre les Odd en 2030». D’après lui, «si nous ne transformons pas les Odd, nous n’aurons aucune chance d’atteindre ces objectifs, même en 2050».

Série de recommandations
Même constat pour le Dr Pape Abdoulaye Seck, ancien ministre de l’Agriculture du Sénégal. Il reconnaît «qu’il y a des reculs sur certaines questions, notamment celles liées à l’environnement». Dr Seck tempère, toutefois, en soutenant que «cela pourrait être une opportunité». En effet, à ses yeux, c’est le moment pour l’Afrique de «travailler à mieux combiner : science, politique et société». Il a fait remarquer que «l’Afrique est un continent sous-peuplé de chercheurs avec une contribution de -1% au capital de connaissances du monde par rapport au Japon, qui compte à lui seul 5500 chercheurs». D’après l’ancien ministre, «le continent noir reste tributaire de soutiens extérieurs pour faire de la recherche». Il invite ainsi à créer les conditions pour avoir «un nouveau type de chercheur, des chercheurs bâtisseurs».

Au Sénégal particulièrement, Dr Seck recommande de «revaloriser le conseil agricole et rural qui doit être le levier de la transformation et des compétences dans le secteur de l’agriculture». Il faut également «renforcer l’Ancar et l’accompagner à travailler avec la Société civile».

Dr Cheikh Mbow, Directeur général du Centre de suivi écologique (Cse), indique : «Le retour vers l’agro-écologie, qui se trouve être une innovation, reste une sagesse pour nous.» Il insiste par contre sur «un retour à nos pratiques» en matière d’agro-écologie.

Pour l’accès à l’énergie, Dr Mbow dresse un état des lieux très peu reluisant. Il annonce : «Plus de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’énergie ou y ont accès que par des cycles ou par moments de façon interrompue.. Il préconise de «renverser la logique pour que les ressources africaines profitent à l’Afrique».
Yves Lamine Ciss, maire de Mont-Rolland, pense, pour sa part, qu’il y a «un fort besoin de localiser les Odd pour atteindre le développement». La base, soutient-il, «c’est l’agriculture».

Les intervenants au webinaire ont tous évoqué les modalités de prise en compte des problématiques propres au Sénégal et à l’Afrique de l’Ouest, de définir un agenda d’articulation des recommandations du rapport aux politiques et stratégies nationales et régionales. Ils ont insisté sur la nécessité de contextualiser la mise en œuvre des initiatives pour tenir compte des réalités nationales.

Réalisation des Odd Les 6 transformations nécessaires et les leviers à activer

Le Gsdr 2023 (Rapport mondial sur le développement durable) s’appuie sur les six transformations identifiées dans la Stratégie mondiale de développement durable de 2019. Ces transformations ont pour noms : «Bien-être humain et capacités, des économies durables et justes, systèmes alimentaires durables et nutrition saine, décarbonation de l’énergie et accès universel, développement urbain et périurbain, et enfin prise en compte d’un environnement commun mondial.»

Le rapport réalisé en 2019 identifie aussi 4 leviers qui peuvent être déployés de manière cohérente à travers chaque point d’entrée pour apporter les transformations nécessaires. Il s’agit de la gouvernance, de l’économie et des finances, de l’action individuelle et collective et de la science et de la technologie. S’ajoute à ces 4, un levier émergent : les capacités. Si chaque levier peut contribuer individuellement à un changement systémique, le rapport recommande, toutefois, de les combiner, en fonction du contexte, pour réaliser les transformations nécessaires en vue d’équilibrer les dimensions du développement durable et réaliser l’Agenda 2030.
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