Diagnostic – Problèmes économiques, liberté d’expression : La presse sénégalaise regarde vers le futur

Le lancement, ce jeudi, des Assises nationales des médias 2023 a été l’occasion, pour les professionnels des médias, de revenir largement sur les difficultés qui assombrissent le futur de la corporation.Par Ousmane SOW –
Quel avenir donnons-nous aux professionnels des médias et aux générations futures ? Quelle presse aurons-nous demain ? En tout cas, débattre, réfléchir et échanger autour de ces grandes questions qui intéressent la profession, s’impose comme une nécessité pour la Coordination des associations de presse (Cap) qui a lancé ce jeudi, les Assises nationales des médias. Et pour Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), la situation des médias au Sénégal pose problème aujourd’hui. Et le premier problème, dit-il, est d’ordre économique. «Aujourd’hui, la presse sénégalaise est en phase de faillite. Il faut qu’à travers ces assises, l’on tente de revoir le modèle économique», a-t-il notamment déclaré. Et pour ce faire, il indique que des défis doivent être relevés, car ces dernières années, des mutations sont venues bouleverser le monde médiatique, surtout avec l’avènement des réseaux sociaux. «La presse sénégalaise traditionnelle est aujourd’hui dépassée et quotidiennement bousculée dans son offre d’information utile et d’intérêt public. Et il faut que nous comprenions que sans la transition technologique, nous allons tout le temps être confrontés à des problèmes économiques», a-t-il dit en s’adressant aux journalistes. A l’en croire, aujourd’hui, avec la technologie, le Sénégal peut être à la hauteur de ce qui se fait dans le monde, mais aussi conquérir la sous-région et le continent africain.
Le président du Cdeps a évoqué également les atteintes à la liberté de presse et d’expression. «Les journalistes sont arrêtés, emprisonnés, violentés et gazés lors des manifestations, comme s’ils étaient des ennemis. Nous, journalistes, n’avons pas une position politique, nous ne sommes pas au service des gouvernants, ni des partis politiques. Nous ne sommes pas au service des lobbies. Nous sommes au service des Sénégalais. De ce point de vue, on doit nous permettre de travailler de manière digne, sans pour autant qu’on soit violentés», fait-il valoir. Babacar Diagne, président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), va plus loin en invitant les journalistes à se regarder dans la glace et à s’interroger «ensemble, de manière inclusive, pour trouver des solutions». Il souhaite que les conclusions qui vont être tirées à l’issue de ces Assises nationales, puissent ouvrir de nouvelles pages dans la marche du développement de la presse au Sénégal.
Mettre de l’ordre dans la profession
Quant au président du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias, Mamadou Thior, il a réaffirmé la volonté du Cored de mettre de l’ordre dans le travail des médias. «Il ne faut pas confondre journalisme et affairisme. Encore moins mettre en avant nos appartenances et accointances politiques ou religieuses», a dit Mamadou Thior, rappelant que le Peuple veut une information juste et équilibrée, porteuse de valeur. Dans son speech, il a regretté le fait qu’aujourd’hui, le secteur des médias soit envahi par des personnes poursuivant des objectifs «inavoués».
Il y a aussi, selon lui, des non-professionnels qui arrivent à diriger des rédactions, avec toutes les dérives qui peuvent en découler. De son avis, la facilité avec laquelle on crée un site en ligne ou un quotidien fait beaucoup de tort à cette profession. M. Thior estime que la presse est tellement sérieuse qu’il ne faut pas laisser n’importe qui créer ses supports. «C’est bien de créer un média, mais pas pour en faire un moyen de pression, comme c’est la tendance générale de nos jours», a-t-elle affirmé. Pour le président du Cored, ces assises doivent ouvrir une nouvelle page dans la pratique du journalisme au Sénégal. «Une page marquée par l’indépendance, la rigueur, le respect de la vie humaine, mais aussi le renforcement de la stabilité nationale», déclare M. Thior, tout en invitant les journalistes à garder à l’esprit la fonction de veille et d’alerte de la presse, pour restaurer la confiance entre «nous et le public qui est notre raison d’être».