Avec la hausse du prix du baril et l’appréciation du dollar, les pays non exportateurs doivent consacrer plus de ressources à l’achat de produits pétroliers. Au Sénégal, la note est encore plus salée puisqu’au nom de la décision du président de la République de faire de 2018 une année sociale, les autorités ont choisi de ne pas répercuter le prix aux consommateurs. Le ministre de l’Economie, des finances et du plan a révélé hier que cette option a déjà coûté au Sénégal plusieurs milliards, prélevés dans d’autres secteurs ; d’où ces problèmes de liquidité récemment évoqués.
2018 a été décrétée année sociale par le Président Macky Sall. Et dans un tel contexte, difficile pour le gouvernement de prendre certaines décisions. C’est en filigrane ce que le ministre de l’Economie, des finances et du plan a expliqué hier en marge de la revue annuelle conjointe entre le Sénégal et la Banque mondiale. Amadou Ba qui présidait la cérémonie d’ouverture de cette revue a expliqué les raisons des problèmes de liquidité successivement soulevés par le Fonds monétaire international (Fmi) d’abord et par le chef des Opérations de la Banque mondiale, Mme Louise Cord. «Il est inadmissible que le président de la République dise que 2018 est une année sociale, l’environnement international change, pas de la faute du Sénégal, le prix du pétrole est aujourd’hui à près de 80 dollars, le dollar s’est apprécié…», indique Amadou Ba. Qui précise que les problèmes de liquidité évoqués par les partenaires financiers sont «passagers», en expliquant leur genèse par les fluctuations du prix du baril de pétrole et l’appréciation du dollar. «Le carburant et tout ce qui est produit pétrolier représentent 20% de nos recettes. Or depuis un an, les cours mondiaux se sont nettement appréciés. A cela, il faut ajouter l’appréciation du dollar. Ou bien on décide de tout répercuter sur le prix à la pompe, alors on se fera de l’argent et on financera l’ensemble de nos projets, ou bien on bloque les prix comme l’a voulu le président de la République. Mais cela entraîne des tensions et quelques difficultés», argue le ministre. Il souligne que du fait de cette situation, rien que pour cette année, la Senelec a reçu un appui de 70 milliards de francs Cfa, ainsi qu’une reconnaissance de dette de 125 milliards de francs. «C’est autant de ressources qui sont prélevées dans d’autres secteurs. C’est ça la vérité. Maintenant, c’est au choix. Ou bien on décide d’augmenter les prix et ce sont les Sénégalais les plus faibles qui vont souffrir, ou bien on serre, mais le temps d’ajuster tout cela, on se retrouve avec quelques difficultés qui sont passagères, voulues et souhaitées par le gouvernement du fait de la politique sociale menée», déclare M. Ba. En vérité, indique-t-il, appliquer la vérité des prix implique une augmentation de 110 à 125 F sur le prix du carburant et une hausse d’au moins 20% sur celui de l’électricité. Devant cette situation, le choix du gouvernement a été vite fait. «Nous avons préféré faire un ajustement sur les dépenses et c’est ce qui crée toutes ces tensions qui sont passagères et qui seront corrigées au fur et à mesure que nous avancerons dans l’année 2019», rassure M. Ba. Mais déjà, le Sénégal a vu son déficit budgétaire s’aggraver. Entre 2017 et 2018, il est passé de 362,2 milliards (3% du Pib) à 475,2 milliards (3,5% du Pib).
Situation budgétaire tendue
Dans son allocution, Mme Louise Cord n’a pas manqué de relever les problèmes liés à la mise en œuvre des projets et programmes de la Banque mondiale. Selon elle, un des problèmes reste «la situation budgétaire particulièrement tendue du gouvernement qui a entraîné une insuffisance des fonds de contrepartie, en particulier pour supporter les coûts de réinstallation des personnes affectées par les projets et des retards de paiement des fournisseurs et des entrepreneurs». Pour elle, cela limite le potentiel des programmes pour produire l’ensemble des résultats et des impacts attendus, créant des demandes de prolongation qu’il sera difficile de satisfaire et des retards dans l’exécution des projets.
Dernièrement, au terme de la revue du Fmi dans le cadre de l’Instrument de soutien à la politique économique, le chef de mission de cette institution parlait «de problèmes de liquidité». Et c’est seulement après ces deux sorties que les autorités étatiques ont bien voulu reconnaître leur existence.
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