C’est sans doute l’un de ses meilleurs messages à la Nation. Au mal de la jeunesse, Macky Sall a annoncé un mai délicieux. Le chef de l’Etat a aussi, dans les prolongations de l’affaire Sonko-Adji Sarr, lancé un appel à préserver l’unité nationale.

Son costume du 8 mars 2021 était d’un bleu sombre, comme les jours de violences qui ont rythmé le Sénégal. Ce 3 avril, le Président Macky Sall semble de plus en plus s’éloigner du blues avec son costume bleu clair, comme sa cravate. Il ne lui manquait qu’une blouse blanche pour qu’il soit confondu à un médecin. Parce que, même si «la maladie (le Covid-19) est toujours là», Macky Sall est conscient que l’épidémie de violences de début mars est encore plus grave et nécessite des soins intensifs. En 20 minutes de français et 15 de wolof, il a fait comprendre qu’il a vraiment compris. Et puisque cette fête de l’indépendance a coïncidé avec les Pâques, on dira que le Président Sall a livré un message urbi et orbi en restant «à l’écoute des pulsions profondes du pays, du Sénégal des villes, des banlieues et des campagnes». Il a donc fait un diagnostic sans complaisance et proposé une ordonnance. On peut même le résumer ainsi : un mal, des mots. Il est vrai que le chef de l’Etat a évité le mot qui revient le plus ces derniers jours sur l’espace public : «ethnicisme». Mais il l’a tout de même abordé par un champ lexical autour de la «Nation unie». Ce qui nous «rassemble», nos «diversités», notre «vivre ensemble», notre «pays indivisible», notre «pluralisme intégrateur», notre pays de «paix et de convivialité». Macky Sall ne s’est pas contraint de se prononcer sur la sensibilité du contexte et des débats. Et c’est justement sur ce point qu’il était d’ailleurs le plus attendu. Et le martèlement de cette circonstance «ce soir», la mise en évidence de ce «devant vous» solennel et attentif sont révélateurs du malaise qu’il éprouve à en parler. Le chef de l’Etat prescrit alors que nous préservions «cet art de vivre bien sénégalais», qu’«il ne saurait y avoir de place pour le particularisme, quel qu’il soit», que «les ressorts de la Nation sénégalaise sont solides», que nous gardions à l’esprit «ce qui pourrait les affaiblir», que nous «évitions tout propos et tout comportement qui pourraient les fragiliser».

Un mai délicieux
De même, Macky Sall appelle au «respect des institutions et des principes» de la République que «nul n’a le pouvoir, ni le droit de mettre en péril». Ce sont là des médicaments qui pourraient baisser les douleurs déjà ressenties. Il est aussi dans le concret discursif avec ses «j’ai décidé de…» qui constitue la dernière partie de son discours. C’est là où il était attendu, puisque le 8 mars il avait déjà fait des annonces que beaucoup avaient prises pour des promesses comme les autres. Il fait d’ailleurs exprès de faire le rappel. «Comme je vous l’avais annoncé dans mon message du 8 mars…». Au sortir de cette révolte des jeunes notamment, qui ont pris le virus des pillages de magasins, de stations-service et autres…, le président de la République a sorti un traitement de choc contre le péril jeune jusque-là incurable. Dans un style personnalisé, il use de son «je» et «vous» pour s’adresser directement à cette frange la plus importante de la société qui a sans doute perturbé son sommeil pendant quelques jours. Par une complicité recherchée, il enchaîne : «Jeunes du Sénégal», «chers jeunes». Pour des jeunes et même des adultes dont on justifie le pillage des magasins Auchan et autres par la faim et le chômage chronique, Macky Sall préparé un «mai» délicieux. C’est le cahier de doléances de la fête du travail qui s’annonce moins compliqué pour certains syndicats. En principe. «J’ai décidé d’allouer, dès le mois de mai, 80 milliards de F Cfa au recrutement de 65 mille jeunes», avec un quota spécial réservé au recrutement de 5 000 enseignants. «Je procéderai au mois de mai à l’inauguration du Data center de Diamniadio». Ou encore «je suis également heureux de vous annoncer que la 3e usine d’eau de Keur Momar Sarr sera mise en service en mai prochain». Ce mai est un test pour le respect des promesses de Macky Sall. Il s’agit pour lui d’éviter que ce pays en convalescence connaisse une rechute. Ou une deuxième vague de manifestations ?