Discours – Projet d’abrogation de la loi d’amnistie : Diomaye réaffirme la détermination du pouvoir
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L’abrogation de la loi d’amnistie a été abordée dans son discours à la Nation par le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. En phase avec les membres de son camp, le chef de l’Etat estime qu’à travers l’abrogation de cette loi, c’est l’éclatement de la vérité sur des évènements politiques tragiques qui est recherché, plutôt qu’un règlement de comptes politiques comme prétend une certaine opinion. Par Amadou MBODJI –
L’abrogation de la loi d’amnistie occupe une place forte de l’actualité ces derniers temps. C’est ainsi que le Président Diomaye Diakhar Faye n’est pas resté insensible à la question évoquée par les membres son camp. C’est pourquoi, lors de son discours à la Nation tenu avant hier, le chef de l’Etat a parlé de la nécessité d’abroger cette loi d’amnistie pour, dit-il, faire éclater la vérité sur les évènements politiques tragiques de 2021 à 2024 ayant causé la perte de plusieurs personnes avant la troisième alternance politique.
«Des épreuves les plus dures de l’esclavage, aux luttes contemporaines pour l’indépendance et la démocratie en passant par la colonisation, nous avons démontré, avec constance, une résilience inébranlable. C’est dans cet esprit et par devoir de mémoire, de vérité et de justice, que nous avons commémoré, pour la première fois, l’anniversaire du massacre de Thiaroye. Nous avons voulu, d’une part, rendre hommage aux victimes et graver leur mémoire dans notre conscience collective. Et, d’autre part, jeter les bases de la restauration de la vérité historique sur cet épisode tragique de notre histoire.
La même dette morale nous engage aussi envers les victimes des évènements survenus entre 2021 et 2024 et leurs familles. Nous ne pouvons rechercher la vérité sur des faits survenus il y a 80 ans et accepter l’omerta sur les évènements tragiques vécus ces quatre dernières années», déclare le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye en s’adressant, à travers son discours, à la Nation sénégalaise.
Pour le chef de l’Etat, il ne s’agira de «revanche» en parlant de l’abrogation de cette loi d’amnistie votée par les députés du pouvoir d’alors qui ont aujourd’hui ont basculé dans l’opposition.
«Ce faisant, il ne s’agira pas d’une revanche à prendre, mais d’une justice à rendre aux victimes des évènements survenus entre 2021 et 2024 et leurs familles. Nous ne pouvons rechercher la vérité sur des faits survenus il y a 80 ans et accepter l’omerta sur les évènements tragiques vécus ces quatre dernières années. Ce faisant, il ne s’agira pas d’une revanche à prendre, mais d’une justice à rendre aux victimes et à leurs familles, de les apaiser, et de réaffirmer la sacralité de la vie humaine», appuie le président de la République.
La loi d’amnistie a été évoquée par le Pm Ousmane Sonko lors de sa Déclaration de politique générale (Dpg) de vendredi dernier à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, un projet de loi pour l’abrogation de cette loi d’amnistie a été annoncé par le Pm durant cette Dpg.
«Il sera proposé à votre illustre assemblée, un projet de loi rapportant la loi d’amnistie votée le 6 mars 2024 par la précédente législature, pour que toute la lumière soit enfin faite et les responsabilités établies de quelque bord qu’elles se situent. Il ne s’agit pas ici, de chasse aux sorcières», martèle le Pm Ousmane Sonko.
«Aucun sentiment de revanche ne nous anime, loin de là ! Il s’agit uniquement de justice, pilier sans lequel aucune paix sociale ne peut être garantie», avait soutenu devant l’Hémicycle le Pm.
Du côté de l’opposition, si on défend la thèse de l’abrogation de cette loi d’amnistie, il y a d’autres qui soutiennent le contraire. Parmi eux, l’ancienne ministre de la Justice sous le Président Macky Sall, Aïssata Tall Sall. Cette dernière, qui a défendu la loi d’amnistie devant la quatorzième Légis-lature, a alerté sur les risques d’une telle abrogation en attirant l’attention du Pm dans ce sens lors de sa Déclaration politique générale (Dpg). «Et cette loi d’amnistie, si vous voulez l’abroger, abrogez-la, je n’ai jamais dit que vous ne pouvez pas l’abroger, mais quand vous l’aurez abrogée, faites face aux conséquences. Et c’est là où le Peuple jugera. Ne pensez pas que moi, j’ai peur de la loi d’amnistie. Je l’ai défendue parce que c’est mon devoir de ministre de la Justice, je l’ai défendue parce que c’est ma conviction profonde. Je ne suis pas comme ceux-là qui sont d’accord dedans et dehors ont peur d’assumer leurs responsabilités», a fustigé la députée Aïssata Tall Sall.
L’Assemblée nationale du Sénégal avait adopté, en début mars 2024, le projet de loi d’amnistie portant sur les faits liés aux manifestations politiques ayant secoué le pays entre février 2021 et février 2024, conduisant à la libération de plusieurs prisonniers arrêtés au plus fort de la tension politique dont le chef de l’Etat et son Pm.
Le texte controversé a été approuvé par la majorité des députés. Sur les 165 parlementaires, 94 s ont voté pour son adoption, 49 contre et 3 abstentions au terme d’une journée marathon de vifs débats et d’échanges parfois houleux. Le texte du projet de loi indique que l’amnistie couvrira «tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non».
Plusieurs pertes en vie humaine avaient été enregistrées lors de ces événements politiques tragiques, avant la survenance de la troisième alternance au Sénégal avec l’avènement d’un nouveau régime avec à sa tête le Président Bassirou Diomaye Faye et son Pm Ousmane Sonko.
ambodji@lequotidien.sn