Le leader de Pastef, en déclarant publiquement que les Sénégalais d’ethnie diola seraient discriminés par le régime de Macky Sall, ne faisait que poursuivre une entreprise de «démolition» qu’il avait déjà portée jusqu’à la Cpi.Par Madiambal DIAGNE
– Le leader de Pastef et maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, lors d’une cérémonie de présentation de condoléances à la famille d’un manifestant tué à Bignona, accusait le Président Macky Sall d’ostraciser les Diolas. Ce n’était pas la première fois qu’il tenait un discours régionaliste et «ethniciste» mais, cette fois-ci, la déclaration avait été plus explicite et avait provoqué un grand tollé. Ainsi, d’aucuns pensaient qu’il trouverait le moyen de se raviser. Oh que non ! Le jour de la fête de la Tabaski, il a encore fait une nouvelle déclaration, disant persister dans ses propos. En réalité, Ousmane Sonko a de la suite dans les idées et avec ses sorties récurrentes, il cherche à faire avancer le dossier d’une plainte qu’il avait déposée devant la Cour pénale internationale (Cpi) contre le Sénégal pour actes de discrimination, de génocide et d’ostracisme contre les peuples de Casamance, en particulier les personnes d’ethnie diola.
La plainte de Sonko qui a scandalisé l’Onu
Ousmane Sonko avait déposé une série de plaintes contre l’Etat du Sénégal au niveau du Bureau de la Cpi. La première plainte demandait une enquête sur la mort de 14 civils à l’occasion des manifestations de mars 2021, quand il s’était agi pour ses partisans de s’opposer à la comparution de Ousmane Sonko devant le Justice sénégalaise pour répondre des griefs de sévices sexuels portés contre lui par Adji Sarr. La plainte a été annulée car la Cpi a vite considéré que les autorités légitimes de l’Etat du Sénégal avaient le droit d’assurer le maintien de l’ordre dans une situation où un leader politique appelait publiquement à l’insurrection et au renversement des institutions démocratiquement élues. Aussi, la plainte de Ousmane Sonko n’était accompagnée d’aucun élément de preuve pouvant étayer l’incrimination ou attester d’une action illégitime des forces de sécurité. Il faut dire que Ousmane Sonko avait communiqué sur l’objet de cette plainte et que la Cpi, par la voix de Fatou Bensouda et de son successeur Karim Khan, avaient indiqué être en train de mener des investigations. On connaît la suite.
L’autre plainte était relative à des allégations de Ousmane Sonko que l’Etat du Sénégal chercherait à le tuer et cela «anéantirait les espoirs de la Casamance». Il ne fournira aucun élément pour appuyer sa plainte qui sera également déclarée infructueuse. La réponse de la Cpi était donc de faire invalider les différentes plaintes parce qu’elles n’apportaient aucune preuve préalable pour le déclenchement d’une enquête, à part des vidéos de nervis et d’hommes en civil qui tiraient sur d’autres civils.
Seulement, c’est la plainte déposée contre l’Etat du Sénégal et les Sénégalais pour discrimination qui a suscité le plus d’émoi dans les couloirs des institutions onusiennes. Ousmane Sonko s’est bien gardé de communiquer sur cette nouvelle plainte de sept pages, en date du 4 février 2022, et dans laquelle il accuse «l’Etat du Sénégal et les Sénégalais de discriminer les Casamançais : les Diolas, Mandingues, Soninkés et Manjaques, et qu’ils ne sont pas traités comme le reste de la population, que les Sénégalais ont des préjugés les empêchant d’accéder à des postes importants». Ousmane Sonko soutient également que le Président Macky Sall méprise singulièrement les populations «diolas». Il pousse les allégations de stigmatisation jusqu’à écrire que le chef de l’Etat du Sénégal considère ce peuple «comme des paresseux, qui passent leur temps à boire de la bière à base de riz». Ousmane Sonko considère notamment que «le système est organisé de sorte que les populations de Casamance n’ont pas accès aux plus hautes fonctions de l’Etat du Sénégal et que ces mêmes populations n’ont pas un accès aux ressources et infrastructures publiques au même titre que les autres populations du pays». Le procureur de la Cpi, Karim Khan, ne pouvait croire en de telles accusations qui n’étaient accompagnées d’aucune preuve de faits précis ou même d’un enregistrement d’une déclaration du Président Macky Sall allant dans ce sens. Aussi, le procureur, qui semblait bien connaître le Sénégal, ne pouvait s’imaginer que des «populations sénégalaises soient traitées comme des Rohinjyas ou des Ouighours, par exemple». En outre, l’image positive du Sénégal à travers le monde n’autorise pas à croire à ces allégations. Karim Khan demanda à différents experts de l’Onu leur avis sur le sujet et, de façon unanime, ces derniers lui indiquèrent que les accusations sont fallacieuses. La question a même provoqué une empoignade entre des agents de nationalité sénégalaise. En effet, certains experts sénégalais étaient outrés d’entendre rapporter de pareilles ignominies sur leur pays alors qu’un autre de leur concitoyen, proche de Ousmane Sonko et qui travaille au département humanitaire de l’Onu à Genève, tenait coûte que coûte à amener la Cpi à instruire la plainte. La plainte sera ainsi invalidée à l’instar des autres, d’autant que le bureau du procureur n’a pas pris les plaintes au sérieux et n’a même pas jugé utile de les communiquer au Sénégal.
Mais Ousmane Sonko ne lâchera pas pour autant ses actions devant l’Onu. C’est ainsi que le vendredi 17 juin 2022, le jour de la marche interdite de la coalition Yewwi askan wi (Yaw), ses soutiens dans les artères de l’Onu avaient réussi à faire convoquer une réunion extraordinaire par zoom, pour suivre en direct les péripéties du refus que lui avait opposé la police d’aller prendre part à la prière du vendredi comme il disait vouloir le faire. L’allégation de l’empêcher à exercer son culte religieux a été évoquée et on aura compris que Ousmane Sonko, en décidant d’aller prier ce jour-là, n’était pas moins dans une mise en scène pour vilipender le Sénégal et se poser en victime d’ostracisme.
Un coup d’épée dans l’eau
Ousmane Sonko n’a pas réussi à faire admettre ses allégations de crimes contre l’Humanité. La Cpi n’a pas jugé opportun, pour différentes raisons, d’ouvrir une procédure de présomption de crimes contre l’Humanité sur le cas d’espèce. Au regard de l’article 13 du Statut de Rome instituant la Cpi, seuls les Etats parties au Statut de Rome et le Conseil de Sécurité de l’Onu peuvent demander la mise en œuvre de la Justice pénale internationale. Le procureur de la Cpi, organe indépendant, en vertu de ses pouvoirs propres, peut aussi ouvrir une enquête, de sa propre initiative, après avoir obtenu l’autorisation des juges. Pour ce faire, le procureur doit être convaincu de la crédibilité des allégations entre autres critères. Tel n’est pas le cas concernant la plainte de Ousmane Sonko et le procureur Karim Khan l’a invalidée ; dans le droit positif sénégalais, la terminologie appropriée est de dire que la plainte a été classée sans suite. Au demeurant, la Cpi est saisie de tout, même de demande de divorce ou de paiement ou des affaires les plus ordinaires à travers le monde. Le cas échéant, la Cour, qui ne se voudrait pas dupe, procède à un filtre. Les services du procureur de la Cpi n’ont pu communiquer sur cette dernière affaire de plainte pour crime contre l’Humanité, discrimination raciale contre les peuples de Casamance, car la règle impose au bureau du procureur de n’évoquer les procédures en public que si et seulement si la partie demanderesse le fait. Encore une fois, Ousmane Sonko a caché aux Sénégalais et au monde sa démarche d’avoir porté plainte contre chacun des Sénégalais qui discriminerait les populations de Casamance. Il reste qu’on peut bien se demander si Ousmane Sonko a porté plainte contre lui-même, si tant est qu’il se reconnaît être sénégalais ?
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