Dans le cadre de la lutte contre le vol de bétail, l’Etat avait voté la loi n°2014-27 du 3 novembre 2014 pour réprimer plus sévèrement cette pratique. Mais, la solution peut aussi être technologique avec, entre autres, un système de traçage ou de géolocalisation.Par Abdou Rahim KA –
Dans la croisade contre le vol de bétail, la loi a évolué, des moyens techniques et humains ont été déployés, mais le mal persiste. Un constat qui pousse certains acteurs, la Fao notamment, à plaider pour une lutte plus inclusive, concertée et harmonisée. Au plan législatif, une première approche a consisté, par le truchement de la loi n°2014-27 du 3 novembre 2014, à aggraver et réprimer plus sévèrement (peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans et amende de 50 000 à 500 000 francs) le vol de bétail dans les cas où il est commis «au préjudice d’une personne qui tire de l’exploitation dudit bétail l’essentiel de ses revenus ou qui fait de son élevage son activité principale».
Plus tard et pour gagner en efficacité, le législateur, avec la loi n°2017-22 du 22 mai 2017 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal, élargit l’aggravation à tout vol de bétail et porte la peine d’amende «au quintuple de la valeur du bétail sur lequel porte le vol, sans pouvoir être inférieure à 500 000 francs, quelle que soit la valeur du bétail ou en cas de simple tentative».
Une volonté et une main plus ferme de l’autorité dont des acteurs de l’élevage et membres des comités de vigilance peinent encore à voir la matérialité sur le terrain. Dr Astou Fall, coordonnatrice de la Cellule de lutte contre le vol de bétail (Clcvb) du ministère de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage, constate aussi que «l’application de cette loi pose problème», et l’explique par un défaut de dénonciation par les victimes et une insuffisance des ressources judiciaires et sécuritaires. «Au Sénégal, les Forces de l’ordre et les institutions judiciaires manquent souvent de moyens pour enquêter sur les cas de vol de bétail, surtout dans les zones rurales reculées», dit-elle.
Le dispositif de lutte contre le vol de bétail est aussi technique. Samba Thioye, Directeur départemental de l’Elevage et des productions animales de Birkilane, invite les éleveurs à un certain nombre de diligences : rendre l’animal identifiable et procéder, en cas de perte, à la déclaration auprès des services techniques. «Pour un animal volé, l’éleveur doit se rendre au niveau du service technique qui doit enregistrer la perte et retracer les marques et particularités de l’animal. Ce dossier doit ensuite être déposé au niveau de la gendarmerie pour enquête.
Nous effectuons aussi des inspections ante et post mortem. Nous prenons la robe et les marques particulières afin de procéder à l’identification et au traçage de l’animal avant son abattage», rappelle-t-il. Il constate cependant, pour le déplorer, que les éleveurs n’adhèrent pas forcément à ce dispositif technique du ministère. «Il va falloir aller vers des concertations avec tous les acteurs pour non seulement avoir une meilleure traçabilité du cheptel, mais aussi limiter la propagation des zoonoses», préconise le technicien.
Identification du bétail oui, mais avec des moyens plus modernes pour plus d’efficacité. Dr Ibrahima Thiam, expert en production animale au niveau du Bureau sous-régional de la Fao pour l’Afrique de l’Ouest, fait observer que l’efficacité du marquage traditionnel est limitée au terroir de l’éleveur, mais aussi que la question du vol, du fait de sa transversalité, doit mobiliser les efforts de tous. Il appelle à une «sensibilisation et une collaboration plus forte entre les acteurs, que ce soit le ministère de l’Elevage, les acteurs de la Justice, les Forces armées, les élus locaux, les comités de vigilance, les chefs de village, etc.».
Au plan technique et pour ce qui relève de la compétence de son organisation, le spécialiste affirme que les options sont nombreuses.
«Il est possible d’aller vers des solutions comme la pose de boucle d’oreille. Derrière la boucle, il y a un code qui permet d’identifier le pays, la région, le département, la commune d’appartenance, et même l’exploitation de l’éleveur et le numéro. Cette boucle peut être améliorée avec une puce électronique qui a l’avantage de pouvoir intégrer d’autres données relatives à la santé animale, à la reproduction, à la traçabilité», explique-t-il. Les puces électroniques peuvent également être placées sous la peau de l’animal avec cet avantage d’être plus discrètes et invisibles.
Comme potentielles solutions technologiques, le docteur cite aussi le collier avec puce ou Gps et les bolus que l’on peut faire ingérer à l’animal. «La Fao est disposée à travailler, de concert avec le ministère en charge de l’Elevage et l’ensemble des acteurs, à l’identification et au déploiement de la solution qui conviendra le mieux aux réalités sénégalaises», ajoute-t-Il. Il affirme par ailleurs l’engagement de son organisation à accompagner le Sénégal dans la mise en place d’un cadre juridique qui encadrera, au besoin, les solutions techniques et le statut et l’action des volontaires des comités de vigilance.
Sur la question de l’identification et de la traçabilité, le ministère de l’Elevage, par la voix de la coordonnatrice de la Cellule nationale de lutte contre le vol de bétail, confirme une collaboration et des projets déjà en cours. «Dans le Programme de modernisation de l’élevage, il y a un volet qui prévoit l’identification et l’enregistrement des animaux avec l’usage des nouvelles technologies, et un plan de gestion des ressources animales qui vise à renforcer le mouvement des troupeaux avec un intérêt pour la géolocalisation», expose Dr Astou Fall. Le déploiement de la technologie à grande échelle, avec l’appui de partenaires comme la Fao et la Banque mondiale, devrait donc être bientôt effectif, à en croire Dr Astou Fall. Il y a cependant des préalables comme le renforcement de la couverture du réseau en zone rurale, la création d’un cadre légal, une base de données centralisée et la sensibilisation des éleveurs sur les avantages de la sécurisation technologique du troupeau.
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