Le Synpics a lancé hier au Cesti la distribution des gilets de presse pour la Présidentielle. La section Saes de l’établissement en journalisme s’y est farouchement opposée, une semaine après l’interdiction de la même activité à l’Ambassade des Etats-Unis au Sénégal
On n’était pas loin du pugilat. Un épanchement de sentiments jusque-là contenu entre deux entités qui se sont regardés en chiens de faïence. Regard noir qui trahit le dépit, Bamba Kassé ne peut contenir sa colère. Au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), le nouveau Secrétaire général du Synpics tente de s’introduire en force dans la salle Foyer. Teint clair, taille assez mince, un membre du Saes, debout devant la porte, s’interpose. La tension est à son paroxysme entre les enseignants de l’école de journalisme et les professionnels des médias convoqués par le Synpics pour récupérer les gilets de presse en perspective de l’élection présidentielle. L’accès à la salle cadenassée par les enseignants est un exercice périlleux. Dans l’après-midi d’hier, le calme olympien régnant d’habitude sur les lieux a volé en éclats. Anxieux de cette scène pour le moins inhabituelle, la plupart des étudiants affichent leur amertume. Lui se donne en spectacle. Bamba Kassé rouspète, gesticule et dévore les bâtons de cigarettes. Il l’a mauvaise. «Le Saes/Cesti fait de la politique.
Ces enseignants nous disent que la semaine dernière, on a refusé la tenue de cette cérémonie à l’Ambassade des EtatsUnis, donc le Synpics ne pourra pas tenir cette activité ici aujourd’hui. C’est incroyable ! Ils veulent laver l’affront que les Améri cains ont subi», enrage M. Kassé. Frontalement, Mouminy Camara, responsable du Saes/Cesti, hurle : «Ce que vous dites Bamba Kassé n’est pas vrai. On se bat pour le respect des franchises universitaires. Les raisons que vous évoquez sont fallacieuses.» Un peu plus tôt dans la journée, dans un communiqué, le Saes/Cesti avait prévenu que la cérémonie de distribution n’allait pas se produire dans leur établissement. Ces syndicalistes gardent en travers de la gorge la décision «arbitraire» du gouvernement portant annulation de la cérémonie faite à l’Ambassade des Etats-Unis, «un partenaire du Cesti», soulignent-ils.
Il faut aussi relever que le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) a obtenu l’autorisation de la directrice du Cesti, Mme Cousson Traoré Sall, pour tenir la rencontre dans cet espace de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. D’ailleurs, à la demande de Mme Sall, un menuisier a été chargé de défoncer le cadenas mis par les enseignants dans la porte de la salle pour s’opposer à la rencontre. Droite dans ses bottes, après la destruction du cadenas, la directrice du Cesti a ouvert la porte tout en s’adressant à Bamba Kassé. «La salle est à vous. Vous pouvez y tenir votre activité ou aller ailleurs. Vous avez le choix», intime-t-elle avant de s’éclipser. Mais le point de presse du Synpics ne sera que de courte durée. Les syndicalistes du Saes reviennent à la charge et font barrière entre les conférenciers et les cameramen. «L’histoire retiendra qu’un syndicat puissant dénommé Saes combat un autre syndicat minime qui s’appelle Synpics pour des raisons diplomatiques», regrette Bamba Kassé debout sur une chaise posée sur le plateau du présidium. Après des minutes de conciliabules, le calme est revenu et la distribution des gilets de presse s’est finalement tenue. Malgré tout, le Synpics a tenu à dénoncer vigoureusement l’attitude du Saes/Cesti. (Voir encadré
Tensions diplomatiques entre le Sénégal et les Etats-Unis ?
Après l’acte 12 des gilets jaunes en France samedi dernier, c’est donc l’acte 2 de l’affaire des gilets de presse au Sénégal. Et ce sujet risque de jeter un froid diplomatique dans les relations entre le Sénégal et les Etats-Unis. Ce, moins de 2 mois après le lancement du Millénium challenge corporation (Mcc) aux Etats-Unis par le Premier ministre Mahammed Dionne. Ce pays qui s’est vu interdire la distribution de 250 gilets de presse pour l’élection présidentielle, «prend très mal» cette décision, d’après une source proche de son ambassade basée à Dakar. Dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, avait invoqué des «raisons de souveraineté» pour annuler l’activité des Américains qui devaient passer par le Cesti pour la distribution des gilets aux médias sénégalais. Mais la question qui taraude les esprits, c’est comment en moins d’une semaine, le Synpics a pu confectionner 350 gilets de presse ? Qui a financé la production ? N’est-ce pas l’Etat du Sénégal ?
En tout cas, ce n’est pas la première fois que le Cesti subit une interdiction du recteur de l’Ucad. En juillet 2017, un séminaire de Oxfam sur les hydrocarbures qui devait se tenir au Cesti, avait été délocalisé à cause du profil du conférencier… Ousmane Sonko. La manifestation avait finalement été organisée au Centre de Bopp.
En attendant, le Saes/Cesti prépare son plan d’actions de riposte. Un mouvement de grève est prévu dans les jours à venir.