Membre de cette 13ème Législature, Abdoulaye Wilane ne cautionne pas une dissolution de l’Assemblée nationale, émise par Me Aïssata Tall Sall. Dans cet entretien, le député maire de Kaffrine, porte-parole du Ps, se prononce sur la Présidentielle, le dialogue national et l’éventualité d’une amnistie pour Khalifa Sall et Karim Wade.
Quelle lecture faites-vous de l’issue de l’élection présidentielle avec la réélection de Macky Sall ?
L’élection, à nos yeux, s’est bien déroulée par rapport au passé. Nous saluons le vote massif des Sénégalais dans la sérénité et la dignité. Cela hisse notre pays à un niveau d’exemplarité appréciable dans la sous-région, aux niveaux continental et mondial. Les candidats ont fait preuve de responsabilité. C’est vrai qu’il y a eu de la nervosité, de la fébrilité, de l’anxiété et de la mélancolie parfois. Mais au finish, les acteurs politiques qui étaient en opposition, ont fait montre d’une grande retenue et de sens élevé de la responsabilité. Enfin, Macky Sall a été proclamé vainqueur par le Conseil constitutionnel. Nous le félicitons et nous nous en félicitons, en tant que Parti socialiste.
Des résultats rejetés par les candidats de l’opposition avec en tête Idrissa Seck et Ousmane Sonko…
Ils sont dans leurs rôles. En démocratie, être contesté, c’est être constaté. Je ne vais pas dire qu’ils sont K.o debout, tout le monde constate que dans la nuit du 24 au 25 février, ils ont très rapidement convoqué la presse pour orienter les Sénégalais vers un deuxième tour.
C’est le cas aussi du Premier ministre qui a donné les résultats avant l’heure en parlant d’une victoire de Macky Sall avec 57% au minimum…
C’est Ousmane Sonko et Idrissa Seck qui ont co-organisé un point de presse pour orienter les gens vers l’attente d’un second tour. Ce n’est que quelques heures après que le Premier ministre, après avoir rassemblé les résultats issus des centres de vote, a indiqué les informations dont l’état-major du directoire de Benno bokk yaakaar disposait. Ces candidats qui se sont rendu compte de la victoire irréfutable et imparable de Macky Sall ont été estomaqués et groggys. Ils étaient K.o débout et, par la même occasion, habités par la mélancolie de l’espoir trahi. Voilà ce qui explique qu’ils aient dans un premier temps refusé de reconnaître leur défaite. Ils n’ont pas de preuve pour constituer des éléments de recours. C’est de bonne guerre parce qu’en refusant de céder, ils se donnent un temps pour consolider le bloc des sympathisants qui avait voté pour eux aussi bien pour Idrissa Seck que pour Ousmane Sonko. Ces positions ont été émises parce que chacun avait en tête la position de cette place de deuxième pour occuper le statut du chef de l’opposition. Malheureusement, Idrissa Seck et Ousmane Sonko sont mal placés pour occuper cette fonction parce qu’ils ont été portés par des coalitions qui étaient toutes circonstancielles. Ces leaders qui ont soutenu Sonko et Idy ne l’auraient pas fait s’ils étaient candidats. Donc, ceux qui parlent du statut du chef de l’opposition gagneraient à explorer d’autres voies, à savoir l’Assemblée nationale où le parti d’opposition avec le plus grand nombre de députés devrait aspirer à occuper ce statut. Il est peu probable que tous ceux qui avaient soutenu Idrissa Seck le suivent pour 5 ans encore.
A l’Assemblée nationale aussi, les députés sont élus sur la base de coalitions…
Si vous prenez le Parti de l’unité et du rassemblement, il a le plus grand nombre de députés issus d’une liste qui n’est pas une coalition. Si vous allez dans les coalitions, il y a des députés issus des partis.
Si on suit votre logique, c’est le Pds qui doit incarner le chef de l’opposition ?
En principe oui. Si on prend la Présidentielle, celui qui s’est radicalement opposé à Macky Sall, c’est Abdoulaye Wade et son parti. Objectivement, l’opposant de Macky Sall, c’est Abdoulaye Wade. Il ne m’appartient pas de dire que c’est tel ou tel qui doit incarner le chef de l’opposition. J’invite juste les acteurs politiques à y réfléchir sereinement.
Que pensez-vous du ralliement de Me Aïssata Tall Sall au camp présidentiel ?
C’est son droit parce qu’elle est libre.
Quels doivent être les termes de référence du dialogue national appelé par le président de la République ?
Le président de la République a été capable de gérer les divergences au sein de Benno bokk yaakaar et même dans la grande coalition de la mouvance présidentielle. Il donne la preuve aux Sénégalais qu’il est à la hauteur de ses responsabilités, qu’il est la clef de voûte des institutions de la République. C’est un appel sincère de la part d’un homme définitivement entré dans l’histoire et veut y rester. C’est à nous Sénégalais de percevoir l’intérêt supérieur du Sénégal. Chacun doit, à son niveau, faire preuve de responsabilité. Ce n’est pas un hasard si le Président Sall a mis à contribution ses illustres prédécesseurs, à savoir les Présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Enfin, c’est un appel au dialogue qui ne concerne pas uniquement les forces politiques. Les forces sociales, syndicales, les élites entrepreneuriales, patronales, les communautés religieuses et tous les médiateurs sociaux sont concernés. Le Président Macky Sall est dans son rôle. Si nous l’aidons durant ce quinquennat qui sera celui de la transformation, cela va être l’opportunité de mettre en œuvre toutes les réformes d’intérêt national. Ces réformes ne peuvent avoir lieu que dans le cadre d’un consensus fort pour refonder le Sénégal.
Taxawu senegaal exige d’abord la libération de Khalifa Sall comme condition de participation au dialogue. Etes-vous pour une grâce en faveur de l’ex-maire de Dakar ?
Impossible n’est pas politique. Si nous dialoguons, cela nous permettra de dépasser des situations difficiles. Ce qu’il faut éviter, c’est une inadéquation entre le fond et la forme. Si on dialogue pour régler des contentieux réglés par la justice, cela va poser problème. Je comprends les amis de Karim Wade et de Khalifa Sall qui rêvent d’une loi d’amnistie pour ces derniers. Le député Abdou Mbacké Bara Dolli a dit de façon catégorique qu’il a été abordé pour proposer une loi d’amnistie en faveur de Khalifa Sall et Karim Wade. Personnellement, je pense qu’il faut aller à ce dialogue.
Allez-vous voter une éventuelle proposition de loi d’amnistie pour Khalifa Sall et Karim Wade ?
Je ne sais pas. Je n’en connais pas les motivations. Malgré le fait que je suis un député indépendant mais j’appartiens à un parti, à un groupe parlementaire.
Conseillerez-vous à Macky Sall de gracier Khalifa Sall, ensuite de l’amnistier en même temps que Karim Wade ?
Après le temps de la justice, le président de la République a des prérogatives avec la grâce. Sur ce sujet, je n’ai pas à lui donner des conseils par voie de presse. Au nom de l’intérêt supérieur du Sénégal, s’il considère que prendre de telles décisions peut favoriser l’Unité nationale, je ne peux que les respecter. Je ne suis pas un homme politique qui fait du chantage ou des menaces à l’encontre d’un président de la République.
Mais une amnistie pour Khalifa et Karim pourrait apaiser la tension dans le pays…
Pourquoi pas. Mais il n’y a pas que ces questions comme problème dans ce pays. Je rappelle que je n’ai de l’animosité ni pour l’un ni pour l’autre. J’éprouve de l’affection et de la fraternité pour chacun des deux. Mais ce n’est pas à moi de décider.
Est-ce qu’on peut s’attendre à un congrès du Ps cette année ?
C’est inévitable pour deux raisons. Nous devons renouveler nos instances que nous avons mis entre parenthèses pour les besoins de la Présidentielle. Pour les Locales, il va falloir décider de la manière dont on va y aller. Mais le congrès aussi peut être organisé par d’autres rencontres.
De parti qui gérait le pouvoir, le Ps se retrouve à soutenir. Est-ce que le parti n’a pas perdu son influence ?
Pas du tout. La vie est faite de hauts et de bas.
Le Ps est-il dans ses moments bas ?
Le Ps est dans une situation très forte avec plein d’espoir. Son avenir est radieux. Nous sommes une force politique incontournable et notre représentativité, si elle ne s’est pas améliorée, ne s’est pas effritée. Nous avons montré qu’on peut servir son pays en étant au pouvoir, dans l’opposition, comme en étant associé au pouvoir. Nous sommes fiers de notre compagnonnage avec Bby. Au-delà de 2019, nous souhaitons que Bby soit perpétuée. Des hommes et des femmes qui nous flétrissaient jadis nous ont rejoints dans la mouvance présidentielle. Ils ont fait moins bien que nous.
Vous faites allusion à qui ?
Vous les connaissez. Je ne vous citerai pas de noms.
Vous parlez de Me Aïssata Tall Sall par exemple ?
Je ne veux pas citer des individus. Je ne suis pas le porte-parole du Ps pour tirer sur des personnes.
Que pensez-vous du débat sur une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale émis par Me Aïssata Tall Sall ?
C’est une idée à elle. Cela traduit son niveau d’intelligence, d’analyse et de perception des situations, des enjeux et des défis à relever. Maintenant, ni mon parti ni mon groupe parlementaire n’ont discuté de cette affaire. Cependant, je pose des questions. Que se passe-t-il pour que l’on dise qu’il faut dissoudre l’Assemblée nationale ? Y’a-t-il une crise ? L’esprit des lois doit être inextricable aux idées et propositions qu’on formule. Si le Président dissout cette Assemblée nationale, est-ce qu’il va réinvestir les mêmes candidats ? Sinon va-t-il s’allier avec certains de ses amis qui sont venus le soutenir lors de la Présidentielle ? Est-ce qu’il pourra satisfaire toutes les forces politiques qui sont avec lui à l’Assemblée nationale et qui étaient dans d’autres listes ? Je peux citer Modou Diagne Fada, Aïssata, Baldé… Est-ce que Macky Sall a besoin de plus que ce qu’il a pour le moment à l’Assemblée nationale ? Pourquoi Macky Sall doit avoir peur de finir son dernier mandat avec une nouvelle élection qui interviendrait à 2 ans de sa fin ? Et on aura deux systèmes parrainage qu’on n’a pas encore expérimentés aux Locales et aux Législatives. Quand on est un homme d’Etat, on ne doit pas se précipiter à formuler certaines idées. Après ces questions que je me pose, je dis que cette idée est saugrenue et anti-Macky, voire anti- .