La distribution des films du continent est l’un des maillons faibles de l’industrie cinématographique du Sénégal. Mais avec la mise en service des salles Canal et Ousmane Sembène et l’arrivée de Pathé, l’écosystème pourrait changer. Et selon Khalilou Ndiaye, distributeur, il faudrait également mettre à niveau les petites salles de Dakar et des régions pour accompagner le mouvement.

Les bons chiffres que réalise le film burkinabé Les trois lascars, sont-ils le signe d’un renouveau du secteur cinématographique ? La question se pose au regard de la quasi absence des salles de cinéma sur le continent, il y a encore 10 ans. Mais ces dernières années, les groupes français ont su exploiter ce maillon faible de l’industrie cinématographique sénégalaise pour s’installer. Hormis Canal et sa salle, Pathé est en passe de mettre en exploitation une salle multiplexe de 7 écrans et dont l’écran principal a la particularité de mesurer 21 mètres, ce qui en fait le plus grand dans cette partie du continent. Ces salles se sont ajoutées à celle tenue par un Sénégalais, le complexe Sembène. Et pour Khalilou Ndiaye, exploitant de salle de cinéma, cette floraison de salles «va relancer la sortie cinéma» au Sénégal. Toutefois, le professionnel estime que l’écosystème n’est pas complet. Hormis le fait que les grandes salles sont toutes dans les capitales sénégalaises, de nombreuses petites salles ont dû fermer leurs portes. Devenues des centres commerciaux ou des églises, ce sont pourtant ces petites salles qui drainaient le gros de la population au cinéma. «Il faudrait juste que les salles de quartiers et dans les régions, soient modernisées pour accompagner le mouvement», estime M. Ndiaye. Les entrées record obtenues par Les trois lascars, ne sont pas une surprise pour ce professionnel. «Sur ces 56 000 entrées, 47 000 entrées ont été réalisées au Burkina et en Côte d’ivoire, un pays qui connait une relance de la fréquentation avec le réseau de salles Majestic qui offre un confort aux normes européennes», indique M. Ndiaye. Mais de toute façon, cette comédie a tous les atouts pour convaincre le spectateur à fréquenter les salles. «Boubacar Diallo a souvent fait des scores pareils au Bur­kina et les comédies marchent toujours assez bien», dit-il.
Depuis la dernière édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouaga­dougou (Fespaco), les distributeurs africains ont mis en place le Réseau d’exploitants et de distributeurs africains (Reda). Autour de 15 salles du Sénégal, du Mali, de la Côte d’ivoire, du Tchad, du Cameroun et du Burkina, le Reda a pour but de mutualiser les connaissances et expériences des distributeurs du continent. Assurer la formation des membres, fournir un service de qualité, élargir le marché et organiser des sorties communes de films, sont aussi au programme de ce vaste réseau. Dans la pratique, le fonctionnement du réseau devrait permettre de renforcer la chaîne de distribution pour les films du continent. «Chaque salle va garder son autonomie. Dans chaque pays, il y aura un référent pour coordonner les actions au niveau local. Il y aura un distributeur agréé à mandater pour négocier les droits, signer les contrats et le distributeur local référent, pour coordonner les sorties et la communication», expliquait M. Ndiaye au tout début du projet. Mais aujourd’hui, l’ouverture de nouvelles salles démontre l’existence d’une demande. Et pour Khalilou Ndiaye, «la relance se fera quand les salles seront plus confortables et avec une bonne programmation».