Tout le monde savait que le recours introduit par des députés de l’opposition devant le Conseil constitutionnel, contre la loi instituant le parrainage citoyen des candidatures à l’élection présidentielle et votée le 19 avril 2018, allait être infructueux. Les initiateurs du recours ne s’y trompaient pas eux-mêmes. Déjà avaient-ils reconnu l’incompétence du Conseil constitutionnel pour juger de l’affaire dont ils venaient pourtant de le saisir. Dans nos colonnes, Me Madické Niang, député du Parti démocratique Sénégalais (Pds), admettait que le Conseil constitutionnel ne saurait être compétent pour juger d’une loi constitutionnelle (Voir Le Quotidien du 29 avril 2018). Il n’avait donc le choix que de débouter les requérants. C’est fait. Mais c’est l’occasion de profiter ou de prendre prétexte de l’arrêt du 9 mai 2018 pour insulter le Conseil constitutionnel et toutes les institutions judiciaires qui seraient à «la solde de l’Exécutif et du Président Macky Sall». On peut dire alors que le recours devant le Conseil constitutionnel apparaît en quelque sorte comme une manœuvre, qu’il avait des motivations autres que d’obtenir un arrêt favorable. Il fallait saisir cette haute juridiction pour occuper les médias et pouvoir commenter la décision rendue dans le sens d’accabler les juges et mettre la pression sur la justice. C’est la même démarche ou logique qui préside à la nouvelle décision de partis d’opposition qui consiste à faire un recours devant la Cour suprême pour espérer une décision qui invaliderait la saisine de l’Assemblée nationale dans le cadre d’une procédure d’adoption d’une loi constitutionnelle. On voudrait en effet que la Cour suprême, saisie en matière administrative, constate que le numéro d’ordre du courrier de transmission à l’Assemblée nationale, par le secrétariat général du gouvernement, de la loi modifiant le Code électoral relativement à l’instauration d’un système de parrainage citoyen des candidatures, précédait celui de la transmission de la loi constitutionnelle. Qu’est-ce que cela pourrait prouver ou changer dans le fond de la loi ? De toute façon, l’Assemblée nationale avait voté la réforme de la Constitution avant de songer à examiner les lois ordinaires subséquentes à cette modification. C’est comme si dans l’esprit de certains hommes politiques, un projet de texte législatif entrerait dans le droit positif dès qu’il aura été transmis à l’Assemblée nationale par le gouvernement.
La saisine de la Cour suprême est on ne peut plus incongrue, drôle et puérile, et pourrait être perçue comme un moyen d’amuser la galerie, mais on devrait s’interdire d’en rire. La démarche équivaudrait à saisir un juge des affaires familiales pour trancher un différend relatif à un problème de délimitation de frontières entre deux pays. Il va de soi que le juge saisi se déclarerait fatalement incompétent. Qu’à cela ne tienne ! Des responsables de l’opposition sont résolus à multiplier les recours tous azimuts. Ainsi, prévoient-ils de saisir des instances internationales comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union africaine et l’Organisation des Nations unies de différends nés de lois électorales nationales au Sénégal. Les autorités de ces instances internationales ne devraient pas manquer de trouver ridicules de telles manœuvres. Seulement, il se trouvera des personnes qui en profiteront pour se payer la tête du Sénégal et chercher à ravaler notre modèle démocratique à une démocratie «banania». On en connaît, de nombreux chefs d’Etat qui ne souffrent pas de la qualité de la démocratie sénégalaise et du bon fonctionnement de ses institutions. Le Président Alpha Condé de la Guinée par exemple et son gouvernement sont toujours enchantés de prendre prétexte de sorties d’opposants sénégalais pour se payer la tête de Macky Sall et jeter l’opprobre et le discrédit sur le Sénégal. A défaut de pouvoir ressembler au Sénégal et à ses dirigeants, ils chercheraient à faire croire que le Sénégal ressemble à leur pays. Ces farouches aigris se plairont à trouver dans des déclarations et autres démarches de l’opposition des raisons de légitimer leurs incartades et leurs lacunes démocratiques.
Quand les médias ont peur de la colère des opposants…
Il faut ainsi dire qu’il y a de ces démarches qui continuent à faire le jeu de l’adversaire, pour ne pas dire de l’ennemi. Il est à regretter que l’image du Sénégal semble être le cadet des soucis de certains opposants. On ne manquera pas non plus de relever que les médias ne sont pas exempts de reproches dans cette habitude à relayer toutes les inepties et à ne pas s’autoriser un droit ou un devoir de critique et de clairvoyance. C’est comme si les médias sont frileux de relever qu’une démarche de l’opposition est absurde ou même stupide. Plus grave, ils semblent être en proie à une certaine forme de peur ou de complexe à avoir un libre arbitre ou de pouvoir prendre leurs responsabilités. Ils devraient avoir l’audace de refuser de relayer des propos qu’ils savent déjà mensongers ou pertinemment erronés. Par contre, il demeure encore de bon ton de servir de caisse de résonance à toutes les inepties. Les journalistes sont comme tétanisés ou terrorisés à l’idée de prendre des postures antagonistes à celles des opposants politiques. Voudraient-ils s’épargner la caricature facile de passer pour être des gens «vendus ou inféodés au pouvoir» ? Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum enseignât que «le mensonge organisé prend le dessous sur une vérité désorganisée». Le phénomène ne prend pas uniquement sur les professionnels des médias, devrait-on également relever et regretter. Un universitaire, juriste de renom, avait été par exemple interrogé par la rédaction du journal Le Quotidien sur les limites du recours d’un groupe de députés de l’opposition contre la loi sur le parrainage citoyen. Cette personne dont la voix ferait autorité dans les milieux académiques s’était permise de donner un éclairage scientifique pour constater que le recours sera improductif. Malheureusement, ce spécialiste qui s’était donné de bonne grâce à fournir un éclairage juridique avait fini par saisir la rédaction pour demander que son identité ne soit pas révélée. Notre interlocuteur voulait éviter de passer éventuellement pour une personne qui défendrait le gouvernement. La demande était ridicule et irresponsable. Comme si ce serait un sacrilège pour un universitaire de donner un avis scientifique défavorable à une partie. La rédaction du Quotidien avait alors pris la décision de ne pas se joindre à une telle lâcheté et à décider de «sucrer» l’avis de cet universitaire. Assurément, un tel avis n’avait d’intérêt que s’il était assumé par une autorité académique. Quel respect et estime peut-on avoir pour une personne d’un tel acabit ou d’une telle couardise ? La leçon de l’histoire est qu’il apparaît que même les universitaires s’interdiraient de donner un avis contraire aux desiderata des opposants politiques. Or, ces derniers s’illustrent tous les jours par des prises de position qui renseignent à suffisance sur leur attitude nihiliste. On en voudrait pour preuve l’affaire des arrestations de présumés terroristes islamistes. Combien de fois des responsables politiques de l’opposition, sans même accéder aux informations des services de sécurité ou des autorités judiciaires, se fendaient de déclarations pour fustiger les arrestations qui constituaient à leurs yeux des atteintes aux libertés individuelles et une démarche du gouvernement sénégalais qui chercherait ainsi à plaire à un pays comme la France ? Les déclarations étaient nombreuses pour défendre des personnes dans une affaire dont le commun des Sénégalais ignorait les tenants et les aboutissants. On peut aujourd’hui, vu la tournure du procès public de ces affaires de présomption ou de liens avec des milieux terroristes islamistes, se dire que la police et la gendarmerie avaient agi opportunément. On ne sait même pas à quoi le Sénégal venait ainsi d’échapper. A l’opposé, si de telles arrestations n’avaient pas été opérées et que les projets funestes, décrits par les protagonistes devant la barre du Tribunal de Dakar, avaient été exécutés, les mêmes opposants politiques ne se priveraient pas d’accabler le gouvernement de n’avoir pas été en mesure d’assurer la sécurité des Sénégalais. On se rappelle encore les accusations de laxisme et d’incapacité, portées par les mêmes responsables de l’opposition contre le gouvernement, suite à l’attaque en Casamance dans la forêt de Boffa et qui avait fait plusieurs victimes. Le Pds avait publié le 7 janvier 2018 un communiqué virulent contre le gouvernement, le tenant pour responsable des tueries en Casamance. Le parti de Me Wade déclarait notamment «interpeller l’Etat sur ses devoirs et lui rappelle sa responsabilité de sécuriser les populations et de veiller sur leurs biens, quelle que soit la partie du Sénégal dans laquelle elles vivent. Les Sénégalais ont assez souffert des conséquences des errements, des manquements, des actes d’incompétence et d’incapacité du régime de Macky Sall. Ces défaillances récurrentes dans la gestion de la sécurité des paisibles populations sénégalaises ne sauraient être tolérées».
Aujourd’hui, on peut se demander où sont les prompts défenseurs de l’imam Alioune Ndao et autres qui occupaient les plateaux de télévisions et les colonnes des journaux pour les laver à grande eau ? Dans une chronique en date du 9 novembre 2015, nous mettions en garde contre cette manie. Nous écrivions notamment «qu’on peut présumer que si l’Etat du Sénégal a subitement décidé d’opérer des coups de filet et d’arrêter des personnes couvertes du manteau religieux, certainement que des liens précis ont pu être établis et que des menaces réelles ont été identifiées». Ces mots avaient provoqué de violentes diatribes contre notre personne, proférées par des éditorialistes, des militants d’organisations humanitaires et d’hommes politiques.
A LIRE AUSSI...
Join the Conversation
1 Comments
Leave a commentCancel comment
Bonjour M. Diagne,
Merci pour tes éditos trés pertinents et lucides. C’est comme si vous lisiez mes pensées pour écrire. C’est fou dans ce pays;ou en peut critiquer à satiété le Président et ou on ne doit rien reprocher à Idrissa seck, meme s’il débite des insanités et autres absurdités?Chapeau pour le courage manifesté et assumé. Trés fier de vous. Tous les lundis, je cours chercher mon journal préféré juste pour vous lire. Tout ce que je vous reproche, c’est que le journal papier n’est pas toujours disponible, meme à Dakar. S’il l’était, j’ai l’intime conviction que le quotidien serait le journal le plus lu au Sénégal. Parole d’un liseur de journaux.Toutes mes félicitations et bon courage. Bon ndogou à tous les diagnéne