Tout bizarre que cela puisse être l’élection de l’inquiétant Donald Trump, le Brexit de la Grande- Bretagne contre l’entité géopolitique la plus contestée du monde (l’Union européenne), le passage à gauche de Benoît Hamon un ancien émigré français au Sénégal, le vent en poupe d’un jeune Emmanuel Macron sans idées majeures ni programme («je n’ai pas programme», a-t-il dit, Bruno Lemaire a produit près de mille pages de propositions pour la France, il n’a eu que 2,4% aux primaires de la droite), le succès du catholique François Fillon dans une France anticléricale et même plus proche de nous, l’arrivée inattendue d’Adama Barrow visiblement surpris et très mal à l’aise dans «un petit pays africain», phénomènes apparemment si loin l’un de l’autre mais peut-être si proches en tous cas des phénomènes anti-politiciens.
Ce n’est pas  l’effet papillon qui est ici en jeu, non plus un mouvement d’ensemble ou une mondialisation qui ne veut rien dire mais une série d’événements politiques qui révèlent au moins quelque chose d’inacceptable : notre arrogance intellectuelle nous cache l’Infini, pour ne pas dire la Vérité. Nous sommes tous dans les modes, coutumes et préjugés d’une fausse démocratie dont le statut nomologique nous reste inconnu. Une démocratie et un droit-de-l’hommisme culturel qui a  fabriqué des hommes politiques d’une gentillesse commerciale. Les gentils deviennent alors des menteurs sortis des boites à outils de pompeuses agences de communication. En quoi notre système d’information inventé par la démocratie est-elle  efficace ? Une chose est sûre, nous sommes très informés, surinformés, déformés par de fausses vraies informations  mais très peu renseignés. Quel est le journal le plus informé du pays ? Les lecteurs ne se posent jamais cette question. Personne ne sait qui est Donald Trump, Adama Barrow ou Barack Obama. Pourquoi ce dernier a-t-il gracié Chelsea Manning en oubliant délibérément Edward Snowden ? La réponse est certainement dans la question.
L’histoire a toujours été en marche, malheureusement les historiens n’ont plus la parole sauf… Emmanuel Todd. L’Histoire n’est pas une discipline sexy comme la Sociologie et l’ambigüe science politique, c’est une faiblesse communicative en démocratie. Il est temps que les historiens parlent, qu’ils nous disent ce qu’il se passe dans ce monde qui nous turlupine les méninges. «Qu’est-ce que le monde est en train de nous faire ?» doivent-ils nous expliquer. Mais le problème est que la plupart des grands historiens sauf Fernand Braudel et François Furet, ne sont pas des techniciens de l’Histoire : Thucydide, Plutarque, Karl Marx, Léon Tolstoï, Henry Kissinger, Winston Churchill. Emmanuel Leroy Ladurie auteur de «L’histoire du climat depuis l’an mille» est là encore silencieux tandis que son brillant disciple, «le prophète» Emmanuel Todd continue à prophétiser selon les données démographiques. Peut-être la structure familiale explique tout !
En Afrique le Malien Sékéné Mody Sissoko, le Sénégalais Abdoulaye Ly, le Burkinabé Joseph Ki Zerbo,  ne sont plus. Le professeur Boubacar Barry est ici modestement entre le Fouta Djalon et le Walo des fiers guerriers aux confins du désert brûlant de fièvre islamiste et de  convoitises coloniales françaises. Le Mali, ex- Soudan toujours français a fort à faire ! Avis d’expert militaire, le Mali est la porte d’entrée  géostratégique de l’Afrique occidentale. C’est cela le Renseignement.
Tandis que le monde nous agace, nous titille, le  «monde comme il va» joue contre notre orgueil insensé. C’est à croire qu’il y a deux mondes : Le monde réel et le monde fabriqué par une élite désemparée. Le déni du «monde réel» est la maladie du siècle. Que tout «le monde des hommes» se tienne prêt, le monde tout court, tel qu’il est et tel qu’on a toujours refusé de s’imaginer ira crescendo contres nos us et coutumes modernes, notre vulgarité faite de connexion internet, notre progressisme calamiteux fait de rêvasseries même pas poétiques sur des gratte-ciels construits juste pour s’écrouler. Le développement c’est quelque chose qu’on nous racontera. Il n’existe même pas, il n’a jamais existé. Ah ! que nous manquons d’ambition. Nos rêves sont faits de béton armé et de ferraille, c’est bruyant et ça fait mal. C’est un rêve d’hommes sans âme. Au même moment se passent des choses qui échappent à notre vigilance d’historiens englués que nous sommes dans l’actualité. C’est à croire que c’est la fin de l’Histoire avec un grand H, l’Histoire comme discipline. Le monde réel est en train d’invalider notre savoir démodé et décadent. Il ne reste plus qu’à ranger nos parchemins poussiéreux, nos doctorales toges témoins d’une science morte  et enfin décider à vivre la vie réelle. Vivre rien que vivre !