Rendre la ville de Dakar propre est un vœu pieux du chef de l’Etat qui en a affiché la volonté depuis l’entame de son second mandat. Seulement, l’état d’insalubrité de la capitale sénégalaise a atteint un niveau critique qui ne peut pas être réglé comme le veut Macky Sall en un mois. Pour les spécialistes interrogés, c’est un long processus qui demande l’implication des citoyens, des moyens et une ferme volonté des autorités.
C’est un pari osé : Le président de la République a affiché sa volonté de rendre les villes du Sénégal propres. Dès l’entame de son second mandat, le chef de l’Etat en a fait sa priorité. Au point de demander à ses concitoyens de relever le défi de rendre la ville de Dakar propre en un mois, dans sa déclaration le jour de la Tabaski. Une période durant laquelle l’on se rend compte combien la ville de Dakar est sale. Dans cet environnement, les déchets ont fini par faire partie du décor, sans compter les canaux d’évacuation des eaux usées qui se déversent dans certains quartiers de la ville. L’insalubrité est alors devenue chronique. C’est donc un vaste chantier auquel le président de la République veut s’attaquer. Mais est-ce un défi qui peut être réalisé à court terme ? Les personnes interrogées affichent un certain pessimisme. Pour certains, les choses peuvent être améliorées dans un court terme. Mais pour que l’insalubrité soit un vieux souvenir, il faudra encore des années et des années. Pour eux, c’est un très long processus. Selon Madani Sy, secrétaire général du Syndicat national des agents du nettoiement, «il y a beaucoup de choses à faire en amont et en aval pour espérer voir les choses bouger». Le syndicaliste évoque le comportement des populations qui doivent changer, les autorités qui doivent prendre leur responsabilité et sanctionner quand des dérives sont commises, des infrastructures qui répondent aux normes. Et aussi mettre les techniciens de surface dans des conditions de performance. D’après Madani Sy, «il faut un travail de cohésion, mais aussi une conscience citoyenne et des infrastructures qui répondent aux normes environnementales». Ainsi pour accompagner cette vision de lutter contre l’insalubrité, M. Sy estime qu’il faut mettre en place des usines de recyclage, des bacs à ordures parce que c’est important de disposer d’équipements adaptés. Dans la même veine, le syndicaliste en appelle au respect des textes régissant ce secteur. Optimiste quant à l’atteinte de cet objectif dans le long terme, Madani Sy salue le travail qui est en train d’être fait avec les déguerpissements et les désengorgements. Mais pour que les résultats puissent suivre, le syndicaliste appelle les responsables à assurer le suivi et montrer plus de volonté. Sinon, prédit-il, «on sera dans un éternel recommencement».
L’assainissement, l’autre défi à relever
La question de la salubrité ne se limite pas seulement à la gestion des déchets, il y a également l’assainissement. Un problème dans la ville de Dakar qui fait face à la vétusté de son réseau d’assainissement et aussi aux mauvais comportements des populations qui jettent des déchets solides dans les canaux d’évacuation. Un autre défi à relever dans le vaste chantier de lutte contre l’insalubrité. Sur ce point aussi, le spécialiste sur la question, Dr El Hadj Mamadou Sonko, soutient qu’il est «assez difficile d’y arriver en si peu de temps, quels que soient les moyens qui seront mis en place et la volonté politique». D’après l’enseignant à l’Institut des sciences de l’environnement, «en l’état actuel de la situation (ce qui est fait et ce qui reste à faire), il semble presqu’impossible de réussir un tel pari, même en une année». Parlant du réseau d’assainissement de Dakar et dans certains quartiers, l’universitaire relève la vétusté et aussi le fait qu’il est en «sous capacité par rapport aux quantités d’eau usées rejetées par une population qui a plus que doublé depuis la mise en place du réseau». Quid des moyens à mettre en place pour relever le défi lié à l’assainissement ? Dr Sonko n’est pas optimiste concernant la volonté des gouvernants d’investir dans ce sous-secteur. Selon l’enseignant, l’assainissement «coûte très cher et souffre du fait que souvent les gouvernants rechignent à y investir». Poursuivant ses explications, il souligne qu’investir «dans l’assainissement, c’est souvent mettre sous terre des milliards et cela est difficile à décliner en résultats politiques, vu que ce n’est pas visible comme les ponts, les route, etc.». S’agissant de l’Office national de l’assainissement (Onas), l’enseignant estime qu’il n’a pas les moyens de mettre aux normes le réseau d’assainissement. Ce, souligne-t-il, «malgré l’existence d’une bonne expertise en son sein». Selon M. Sonko, les moyens font défaut. D’après lui, «la redevance d’assainissement indexée à la facture d’eau dans les villes dites assainies ne permet de couvrir son budget». Ce qui fait que, informe le spécialiste, «il doit recourir à divers projets, à des dons ou à l’appui budgétaire de l’Etat».
Désengorgement, déguerpissement, assainissement, gestion des déchets, désensablement sont autant de défis à relever pour faire de Dakar, comme le veut le président de la République, une des capitales les plus propres en Afrique. Le chemin risque d’être long, vu le niveau de l’insalubrité. Les personnes interpellées ont toutes salué cette volonté affichée par la plus haute autorité du pays. Elles espèrent que cette volonté soit suivie d’actes et surtout à tous les niveaux. Chose fondamentale en plus du travail qui doit être fait par les gouvernants, c’est le changement de comportement des populations. D’ailleurs, le Professeur Cheikh Diop de l’Ise recommande une éducation dès le bas âge sur la question de la salubrité.