A chaque 25 mai, se célèbre la Journée de l’Afrique, commémorant la création de l’Organisation de l’unité africaine (Oua) en 1963, devenue l’Union africaine (Ua) en 2002. Cette année, Dr Cheikh Guèye, Secrétaire permanent du Rapport alternatif sur l’Afrique (Rasa), partage une analyse critique et prospective sur les avancées et défis persistants de l’Afrique en matière de souveraineté.Par Ousmane SOW –

Depuis 60 ans, l’Afrique a connu des progrès significatifs, notamment avec la fin de l’apartheid et l’indépendance de plusieurs nations. Mais d’après Dr Cheikh Guèye, Secrétaire permanent du Rapport alternatif sur l’Afrique (Rasa), dans un «message» livré le 25 mai dernier, date de la célébration du 61e anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), aujourd’hui connue sous le nom d’Union africaine (Ua), la décolonisation est loin d’être achevée. Il explique : «Si la libération de l’Afrique semble avoir avancé depuis 60 ans avec la fin de l’apartheid et l’indépendance de plusieurs pays, la décolonisation est loin d’être achevée, notamment du point de vue politique, économique, sécuritaire, et culturel, et les dépendances se perpétuent sous l’influence d’une mondialisation qui reproduit inlassablement et violemment l’impérialisme compulsif des pays dits développés.» Et selon lui, la journée du 25 mai offre une opportunité de revisiter les différentes dimensions de la souveraineté africaine, qu’elles soient culturelles, économiques, monétaires, politiques, sécuritaires, environnementales, numériques et juridiques. Reconnu comme la Journée de la Libération de l’Afrique, ou Journée de l’Afrique, cet événement annuel, dit-il, renouvelle la réflexion sur le devenir des sociétés africaines et du continent, et est l’occasion de s’interroger sur les progrès réalisés sur le chemin de la souveraineté. Le Rapport alternatif sur l’Afrique (Rasa), initiative portée par des institutions africaines et internationales telles qu’Enda Tiers Monde et l’Institut des futurs africains (Ifa), se distingue par son approche scientifique et stratégique. «Cette initiative élabore des rapports qui reflètent réellement la sensibilité et le vécu des Africains dans les différents milieux où ils se trouvent», explique Dr Guèye, tout en rappelant que les deux premiers numéros du Rasa ont déjà accompagné les dynamiques souverainistes et de résistance à travers le continent africain. «Le troisième numéro, qui est en chantier, constituera un cadre de consolidation, d’affinement, d’inculturation et d’appropriation des réflexions prospectives sur le devenir souhaitable des sociétés et Etats africains au moment où le continent et sa jeunesse brûlent d’une nouvelle exigence impatiente et ambitieuse autour de sa souveraineté», précise-t-il.

Dans son message, il est revenu sur le Rapport alternatif sur l’Afrique publié en 2021 et qui, selon lui, est structuré autour de sept axes, portant sur la dimension de la souveraineté des sociétés africaines face à la mondialisation, de l’économie, de la politique, de la culture, de la révolution numérique, entre autres. Toujours pour Dr Cheikh Guèye, le Rasa a également esquissé les fondements et contours d’une vraie puissance pour des Etats africains décomplexés et souverains. A cet effet, il dira : «Il s’est avéré important de déconstruire la vision de la puissance à l’heure où les crises de toute nature ne cessent de révéler l’impuissance des puissants.» Et de poursuivre : «La puissance de demain sur laquelle devraient miser les pays africains serait celle qui articule le court, le moyen et le long termes dans la pensée et dans l’action, ainsi que dans leurs effets et impacts combinés.»

Toutefois, dans son message, Dr Cheikh Guèye insiste aussi sur les enjeux d’une transition post-capitaliste africaine, où les progrès technologiques joueront un rôle-clé. «Pour l’Afrique, il urge d’approfondir et d’élargir les expériences panafricaines devant mener vers la création de l’Etat fédéral qui, seul, sera capable de contrecarrer les stratégies de domination actuelles prenant appui sur la fragmentation de nos peuples dans des Etats néocoloniaux faibles, incapables, pris individuellement, de garantir les conditions de leur propre survie ou d’avoir une marge de manœuvre suffisante pour bien négocier, de façon souveraine, les termes de leur insertion dans le système mondial», affirme Cheikh Guèye, précisant que le Rasa continuera à inspirer et accompagner les nouvelles dynamiques de récupération ou de reconquête de la souveraineté africaine, et d’offrir des éléments d’une projection vers un avenir de «liberté, de dignité et de prospérité».