Les 30 ans de carrière du pionnier du graffiti au Sénégal, figure culturelle, artiste engagé, Docta, ont été célébré ce mercredi à la galerie Le Manège. C’est une nouvelle démarche qui pourrait permettre à Docta d’intégrer d’autres maisons de distribution et des galeries dédiées à des pratiques d’inspiration urbaine.

30 ans de créativité, ça se fête ! La galerie Le manège de l’Institut français a invité Docta pour une grande exposition rétrospective ce mercredi. Le sens de cette journée, c’est de fêter les trois décennies de création et d’engagement du pionner du graffiti au Sénégal, voire en Afrique. Les amis de Lamine Mola Sadio, alias Docta, n’ont pas été en reste. Entre autres, les rappeurs Matador, Simon et Malal Talla, mais aussi le Pr Massamba Guèye. Devant ces invités, Docta a présenté une exposition du nom de Bitti biir, autrement «extérioriser l’intérieur» et qui célèbre les 30 ans de vie du graffiteur qui semble se rajeunir. Pour l’occasion, l’artiste a délaissé les murs pour s’exprimer sur des toiles, particulièrement des toiles de jute. Plus d’une vingtaine d’ouvres ont étés exposées. La plupart évoquent des sujets d’actualité tels que les problèmes de l’urbanisation, les accidents de la route ou encore le scandale pétrolier au Sénégal. «Celui qui est accusé de corruption dans cette affaire en lien avec le pétrole doit rendre compte», a dit l’artiste. Vêtu d’un boubou traditionnel, d’un jeans coloré avec de la peinture assortie à des chaussures fermées, les dreadlocks délicatement couverts par un foulard, Docta revendique une fibre révolutionnaire. Selon ce graffiteur, chaque visiteur enrichit l’œuvre de son propre regard. «Chaque tableau est perçu différemment selon la personne qui le regarde.» Un propos qui nous rappelle Marcel Duchamp, peintre, plasticien, homme de lettres français, qui disait que c’était le regardeur qui faisait le tableau. En tout état de cause, le public semble content. Certains se prennent en photo devant les tableaux, d’autres filment ou contemplent religieusement les œuvres. «C’est évocateur, c’est puissant, c’est humoristique», se réjouit Marie Pierre. La cinquantaine, elle est venue seule après avoir eu écho de cet évènement. Elle vient de découvrir la grandeur de l’artiste. «C’est sans doute une maturité. Moi, je ne connais pas le parcours de Docta, mais ça donne l’envie d’aller voir comment il en est arrivé à cette exposition. Ça parle rapidement, c’est accessible. Je suis Parisienne, donc le graff ça me parle, c’est le quotidien d’un Parisien. Je n’arrive pas à comprendre certains tableaux, mais ça m’imprègne, ça attire mon œil», explique-t-elle. Justin, la trentaine, est Congolais. Il est logé à proximité de l’Institut français. Ce jeune homme est venu par hasard en ayant appris qu’il y a du monde dans la galerie Le Manège et dans la cours de l’Institut français. Il est du même avis que Marie Pierre au sujet des œuvres de Docta. «C’est impressionnant. Pour moi, il y a du talent», s’exclame-t-il. Avant d’ajouter : «j’ai remarqué que par rapport à la vidéo qui est projetée de l’autre côté, il y a des graffitis sur les murs de l’autoroute. Quand on arrive à Dakar, on ne fait pas souvent attention à cela. Mais je crois que maintenant on va pouvoir être plus sensible par rapport à ces créations artistiques. Très souvent, on pense que le graffiti, c’est le langage de la rue. Mais quand on regarde l’agencement des couleurs, le travail qui est fait, la réflexion, on se dit qu’il y a de l’art derrière». «Il y a du talent», répète-t-il.

Expo au Centre hip-hop des Halles à Paris
Matador, figure emblématique du rap sénégalais, est un ami de Docta. Ils ont débuté ensemble dans le rap. En effet, le graffiteur avait embrassé la voie du rap avant de revenir à ses premiers amours, le graffiti et les fresques murales. Pour manifester sa satisfaction et son amitié, Matador a offert un petit concert au grand bonheur des visiteurs. «C’est un plaisir pour moi, parce qu’au début c’était difficile. Mais il (Docta) a fait le travail qu’il fallait. Et aujourd’hui, si on arrive à exposer du graffiti ici, ce n’est pas quelque chose de petit. Parce qu’avant, le graff c’était seulement dans la rue. On ne pensait pas avoir des expositions dans les galeries même au niveau international. C’est énorme », a déclaré le rappeur. Cette exposition, organisée par l’Institut français en l’honneur de Docta, a été également conçue dans la perspective de sa présentation à la place, Centre hip-hop situé aux Halles à Paris, dans le cadre de la saison Africa 2020.
Stagiaire