Les relations financières du Sénégal s’inscrivent dans un univers structuré, dominé par les grandes places de la mondialisation économique, notamment l’axe Washington-Paris. Dans cet écosystème, la globalisation financière accompagne naturellement la mondialisation des échanges. On y retrouve les grands acteurs de la haute finance internationale : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, les banques africaines de développement, la Banque islamique de développement et même des institutions privées comme JP Morgan Bank, récemment sollicitée par nos autorités. Ces acteurs obéissent à des règles, des usages, des codes : s’y aventurer exige du tact, de l’intelligence et du réalisme, non des sorties iconoclastes et des postures intempestives.
Le financement du développement économique repose sur quatre leviers : le déficit budgétaire, l’épargne, la fiscalité et l’endettement. Le déficit keynésien, inspiré par John Maynard Keynes, repose sur l’idée d’investir massivement en période de crise pour relancer la machine économique : grands travaux, emplois, revenus distribués, consommation relancée. Cette approche interventionniste, souvent décriée, a pourtant fait ses preuves. Joe Biden a injecté 1700 milliards de dollars après la Covid-19 pour soutenir entreprises et ménages. Donald Trump, dès son arrivée, avait proposé 550 milliards pour de nouvelles infrastructures et la réhabilitation de vieux quartiers. Les social-démocraties européennes -de la Suède à la France en passant par la Norvège, le Danemark et la Finlande- pratiquent la même recette : une économie de marché combinée à une forte intervention publique. On appelle cela l’Etat providence. Cela fonctionne.
Chez nous, l’épargne reste marginale, faute de revenus suffisants et d’une économie solide. La fiscalité est devenue le levier préféré de nos gouvernants, parfois jusqu’au matraquage, dans un contexte d’inflation et de dérégulation des prix. Mais aucune fiscalité nationale, aussi «patriotique» soit-elle, ne peut financer à elle seule l’ampleur colossale des investissements nécessaires au développement. C’est un leurre que de le prétendre. Et c’est un péril que de s’y enfermer.
Reste l’endettement. On le diabolise, mais c’est un instrument central de toute stratégie de développement. Toutes les grandes puissances s’en sont servies. S’y refuser par dogmatisme, c’est se condamner à l’immobilisme. La question n’est pas de s’endetter aveuglément, mais de le faire avec intelligence, stratégie et lucidité, en renouant un dialogue apaisé avec les bailleurs classiques -Fonds monétaire international, Banque mondiale, institutions régionales et banques privées. Ce dialogue semble timidement reprendre. C’est une bonne nouvelle. Elle marque le retour au réalisme.
Car la gouvernance positive n’est jamais affaire de slogans ou de bravades. Elle exige de l’intelligence, du tact, de l’entregent, de la souplesse et un sens aigu du réel. Les envolées populistes et les rhétoriques plébéiennes n’apporteront rien à une jeunesse impatiente, exigeante, qui attend des résultats et non des incantations. Les illusions finissent toujours par se dissiper. Ce dont le Sénégal a besoin, ce ne sont pas de nouveaux marchands de vent, mais de véritables alternatives : des programmes solides, réalistes et débarrassés de toute démagogie. Voilà le seul défi qui vaille.
Mohamadou Tidiane DIOP
Membre du bureau politique Act