Air Afrique, cet incomparable outil d’intégration né le 28 mars 1961 à Yaoundé, a vécu ; l’oraison funèbre fut prononcée le 25 avril 2002 à Abidjan.
S’il est vrai que la clameur ayant suivi sa disparition s’est tue, il n’en est pas moins vrai que résonne encore dans nos oreilles, l’écho du carnage financier opéré dans le processus de la liquidation des quartiers de sa dépouille par des personnes très éloignées du spectre de la famille aéronautique sous la conduite du prince Ali Baba Wade, entouré d’un cartel de copains et coquins autour d’un festin festif. Tout cela s’est fait bien sûr sous le regard vigilant, intéressé de Père Wade qui, après avoir reçu le mandat de ses pairs à Brazzaville d’élaborer un plan de sauvetage de la compagnie Air Afrique en rapport avec le Gouverneur de la Bceao de l’époque, Konan Banny, a préféré précipiter dans le précipice, la compagnie agonisante pour créer, avec la Ram, une compagnie locale qui a vécu le temps d’une rose. Le moment était véritablement mal choisi car le plus grand marché contributeur dans la production d’Air Afrique, en l’occurrence la République de la Côte d’Ivoire, était en état de dépression liée au conflit interne sous Gbagbo.

Notre propos constitue une piqûre de rappel.
Dans un mois, précisément le 25 avril, 262 agents d’Air Afrique, de nationalité sénégalaise, dont le seul tort est d’avoir été au moment de la liquidation, en service hors du Sénégal, auront couru pendant 20 années, soit 7300 jours après, le règlement de leurs droits légaux. Le bilan de cette période de galère est lourd et macabre. Plus d’une centaine d’agents disparus dans la précarité, des ménages disloqués, des enfants déscolarisés, des familles expulsées de leurs maisons faute de paiement. Pourtant, la dépouille n’était pas sans graisse, jugez-en.
Un immeuble sis sur la place de l’indépendance, 12 villas au Point E, un important stock de pièces détachées, 2 avions en réparation, un terrain de 9 ha ayant abrité le centre de formation sur le périmètre aéroportuaire. Ce patrimoine extrêmement important fut liquidé dans des conditions opaques, en conflit avec la transparence et l’orthodoxie.
Est-il besoin de revenir sur cette Opa exercée par le Prince Wade sur le Handling, véritable biberon nourricier qui, à lui seul, permettait de clore la liquidation en raison de son fort potentiel d’attractivité et de lucrativité, comme l’ont fait tous les autres pays membres. Ici chez nous, au Sénégal, on a décroché la palme, l’oscar de mauvaises pratiques dans la privatisation, en octroyant de façon gratuite, sans ticket d’entrée pendant 10 ans, ce marché juteux avec un quasi-monopole, un personnel qualifié, du matériel bradé, à 2 sociétés écran. Fort heureusement pour les ex-Air africains, la Justice immanente a prévalu et sonné le glas d’une gestion immonde, mafieuse, captieuse, irriguée par le système wadien en mars 2012.
Depuis lors, le Président Macky Sall, en justicier, redresseur de torts, n’a eu de cesse d’enjoindre le gouvernement de finaliser la liquidation de la compagnie Air Afrique. Ces instructions demeurent à ce jour lettre morte. En effet, le gouvernement excelle dans le dilatoire, se réfugiant derrière des arguments de comptoir, alors que le liquidateur dispose de tous les éléments permettant le règlement des droits dus aux ex-travailleurs d’Air Afrique. Nous ne sommes pas dupes ; ce jeu de yoyo, outre son caractère chronophage, obère à terme la capacité d’investissement de nos droits. Il est vraiment temps d’agir car il se fait tard. Nous comprenons difficilement l’inexécution des directives présidentielles, ce qui nuit à l’image de notre Etat et particulièrement à la stature du Président Macky Sall, aujourd’hui président en exercice de l’Union africaine. Nos regards se tournent vers le Directeur général du Budget et l’Agent judiciaire de l’Etat.

Papa Massar NDOYE
Ancien Représentant d’Air Afrique Dakar