La mise en place d’une commission d’enquête autonome sur l’affaire Suez, relative à l’attribution du contrat d’affermage et de distribution d’eau au Sénégal : C’est la requête du Forum social africain. En conférence de presse hier, il a réclamé la suspension de la procédure. D’ailleurs, une plainte contre Suez en France est annoncée.

Le Forum social africain annonce une plainte contre la société Suez. C’est le Tribunal de première instance de Paris, chargé des questions économiques, qui sera saisi de l’affaire. En effet, cette plainte vise «des soupçons de corruption» dans l’attribution provisoire du con­trat d’affermage et de distribution d’eau au Sénégal. Au pays de la Téranga, les initiateurs promettent également de déposer une dénonciation auprès de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac).
En 2016, l’Etat du Sénégal avait lancé un appel d’offres international sur la gestion de l’eau. Parmi les candidats ayant soumissionné au départ, seuls trois ont été retenus à l’étape de la pré-qualification. C’est ainsi que la Sénégalaise des eaux (Sde), Véolia et Suez, toutes deux françaises, ont déposé leurs offres techniques. Et l’Etat a accordé dans un premier temps le contrat à Suez, avant que l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) ne suspende la décision provisoire au nom de la transparence.
Ainsi, le Forum social africain qui a salué cette décision accuse le ministre de l’Hydraulique et de l’assainissement d’alors, Mansour Faye, d’avoir favorisé Suez. «En 2016, lorsque le gouvernement lançait l’appel d’offres, Suez a remis en mars 2016 plusieurs véhicules à la ville de Saint-Louis, dont deux bennes tasseuses ont été officiellement réceptionnées devant la presse par le maire de la ville qui se trouve être le ministre de l’Hydraulique», a déclaré le coordonnateur du Forum social africain, Mignane Diouf. Il parle d’ailleurs d’une trentaine de camions.
Hier, en conférence de presse au centre Bopp, M. Diouf et ses camarades ont posé des questions quant au bien-fondé d’une telle dotation puisqu’au Sénégal nul ne connaît Suez dans une activité liée à l’environnement pouvant justifier une telle dotation. «Est-ce une simple coïncidence ? Un hasard de générosité ? Allez-y savoir ! En tout cas, le doute est là, et nous suspectons un amadouement, une corruption, au vu de l’insistance et de l’acharnement par lesquels des personnes veulent vaille que vaille attribuer ce marché à Suez», dira M. Diouf. Autre élément de «suspicion» soulevé, c’est une supposée déclaration du directeur général de Suez, Bertrand Camus, qu’il aurait tenue dans les colonnes de Jeuneafrique, affirmant avoir déjà mis beaucoup de millions d’euros dans ce dossier d’appel d’offres.
Aujourd’hui, le Forum social africain demande la traçabilité de cet argent dans les caisses du Trésor, afin d’en savoir les raisons pour lesquelles il a été donné et qui en sont les bénéficiaires. Pour toujours étayer les «charges de soupçons avérées», le Forum social africain révèle que le Consortium des entreprises (Cde), en charge de la construction de Keur Momar Sarr (Kms3), est un partenaire local de Suez. Donc, estiment les membres du Fsa, il y a un «flagrant conflit d’intérêts» d’autant plus que c’est Suez qui est censé gérer la distribution d’eau. Alors, il réclame la suspension de la procédure, la mise en place d’une commission d’enquête autonome sur l’affaire. D’ailleurs, la publication d’un livre bleu sur le dossier est envisagée.
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