Le ministère de l’Education nationale a raison de mettre en garde les enseignants qui sont en grève pour protester contre le report de la Présidentielle. Un inspecteur du Travail interpellé sur la question, se basant sur les textes du Bit, soutient que la grève pour des raisons politiques n’est pas couverte par la liberté syndicale.

Par Dieynaba KANE –

Pour protester contre le report de la Présidentielle, des organisations syndicales de l’enseignement ont décrété des mots d’ordre de grève. Ce qui a fait réagir le ministère de l’Education nationale qui, dans une note, a fait savoir que cette attitude n’est pas conforme au droit de grève. Un inspecteur du Travail interpellé sur cette question a donné raison à la tutelle. Selon notre interlocuteur, le Bureau international du travail (Bit) a clairement établi les motifs pour lesquels les organisations peuvent aller en grève. Selon lui, «si c’est pour des raisons politiques, le Bit fait la distinction et dit que ce champ-là n’est pas couvert par la liberté syndicale».

Un inspecteur du Travail, qui a requis l’anonymat, renseigne que les organisations syndicales peuvent user du droit de grève par exemple «contre la politique économique et sociale», c’est-à-dire «si d’une année à une autre, on observe une baisse des ressources allouées à l’éducation». Ce qui, souligne-t-il, va naturellement avoir des conséquences sur le budget. Sous ce rapport, déclare-t-il, les syndicalistes peuvent user de ce droit «sur la politique adoptée par l’Etat qui ne leur permet pas de bien faire leur travail».

Maintenant, précise-t-il, con­cernant les grèves qui sont dé­clenchées sur la base de l’annulation d’une élection présidentielle, «les travailleurs ne peuvent pas bénéficier d’une pro­tection, c’est ce que dit le Bit».

Un autre point abordé avec l’inspecteur du Travail, les préavis de grève brandis par certains syndicalistes pour justifier leur mouvement de ces derniers jours. Et d’expliquer : «Au Sénégal, on a l’obligation, avant d’aller en grève, de déposer un préavis, et dans celui-ci, il faut préciser les points qui motivent la grève. La plupart des syndicats d’enseignants ont déposé des préavis, nulle part ne figure le report de l’élection. Cela veut dire que ce point n’est pas inscrit dans leur plateforme, donc s’ils vont en grève, ils ne peuvent pas invoquer ce point. Mais s’il y a des points qui n’ont pas été pris en charge présentement par le gouvernement, ils peuvent y aller sur cette base alors qu’indirectement, c’est le report qui les motive.» D’après notre interlocuteur, les syndicalistes peuvent prendre pour prétexte par exemple la question des décisionnaires, qui n’est pas encore réglée, pour mener leur lutte.

Seulement, ce qui est observé ces derniers jours, c’est que les syndicalistes soutiennent que le mouvement d’humeur entre dans le cadre de la protestation contre l’annulation du scrutin qui était prévu pour le 25 février. «C’est cela la difficulté, ils n’ont pas dit qu’ils vont en grève parce que certains points de leur plateforme revendicative ne sont pas satisfaits, mais ils font des arrêts de travail pour lutter contre le report de la Présidentielle», a-t-il reconnu. Sur cette base, l’inspecteur du Travail trouve que ce sont eux-mêmes qui ont avoué, et le ministère de l’Education, dans sa mise en garde, a convoqué les textes du Bit qui font la distinction.

Interpellé sur le droit des enfants à l’éducation qui est en train d’être violé, le professionnel soutient qu’un «syndicat de l’enseignement peut aller en grève, mais cet exercice ne doit pas entraver le système éducatif». Poursuivant ses propos, il attire l’attention sur le fait que «c’est un droit reconnu par la Constitution, mais encadré par la loi 6133 du Statut général de la Fonction publique». «C’est là qu’on met les verrous, par exemple pour empêcher que le droit d’aller en grève ne handicape pas une entreprise ou secteur d’activité. Au Bénin par exemple, les enseignants peuvent aller en grève, mais la durée dans une année ne doit pas dépasser 10 jours. L’Etat aurait pu encadrer ce droit d’aller en grève. Il n’y a pas ce verrou, les syndicats usent de ce droit et ce sont les élèves qui trinquent», a-t-il regretté.
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