L’année scolaire risque de connaitre des perturbations, les syndicats d’enseignement ont sonné l’alerte hier lors de la cinquième session pré-rentrée initiée hier à Saly par le Haut conseil du dialogue social pour une année scolaire apaisée et moins de conflits.
L’année scolaire 2018 a connu une accalmie et s’est déroulée sans heurt. Mais celle qui pointe son nez à l’horizon risque d’être mouvementée. C’est pourquoi, le Haut conseil du dialogue social a initié une cinquième session pré-rentrée pour arrondir les angles, afin d’éviter que l’année scolaire connaisse une crise. La présidente du Hcds, Mme Innocence Ntab Ndiaye, rappelle que l’absence de crise en 2018 a été l’œuvre du monitoring fait par l’ancien Premier ministre. «Nous voulons donc consolider cette accalmie, faire en sorte que cette année, nous ayons le même apaisement du secteur, mais cela passe nécessairement par deux choses : par la mesure du niveau d’application des accords signés le 30 avril, mais aussi par le renforcement des capacités des acteurs. Nous avons estimé que le déficit de formation est une cause de pérennisation des crises dans le secteur et nous avons mis en place une commission mixte composée aussi bien des plénipotentiaires des syndicats que de l’Administration», a assuré Mme Ntab.
La rupture du monitoring décriée
Malgré cette intention, les acteurs sont très inquiets du fait du monitoring qui connait actuellement une rupture depuis la formation du gouvernement. Mais face à cette nouvelle situation, le Haut conseil du dialogue social promet une issue heureuse. «Pour le monitoring, nous avons initié des actions qui sont encore en cours. L‘autorité a été saisie parce qu’effectivement, ce monitoring rapproché avait permis aussi bien au haut conseil en relation avec la Primature qui aujourd’hui n’est plus dans l’architecture institutionnelle de notre pays, de travailler pour ce résultat. Donc, c’est une situation nouvelle à laquelle les autorités vont faire face. Il s’agit juste de désigner une autorité qui pourrait assurer ce monitoring en relation avec le Haut conseil et les syndicats, car nous sommes signataires des accords. L’autorité a été saisie, nous avons tenu une réunion de haut niveau avec le ministre d’Etat auprès du président de la République, Mahmouth Saleh, pour évoquer cette question», a déclaré Mme Innocence Ntab .
Des propos qui sont loin de rassurer les syndicats d’enseignants. Leur porte-parole, Abdoulaye Ndoye, Secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems), représentant le G7, les syndicats les plus représentatifs dans le secteur de l’éducation et de la formation, avertit sur les gros nuages qui planent sur l’année scolaire. Il explique : «Pour cette session pré-rentrée scolaire du Hcds, nous avons pris de manière précise, nette et claire que la stabilité du système éducatif dépendra de l’application stricte des accords consignés dans le protocole signé le 30 avril 2018, mais également la reprise des négociations avec le syndicats des inspectrices et inspecteurs, ce syndicat est en grève depuis plusieurs mois et n’a pas d’interlocuteurs.» Ce dernier de lister les points sur lesquels ils attendent la réponse du gouvernement : «Il y a la question des lenteurs administratives qui persistent toujours et il n’y a pas d’indicateurs pour mesurer le niveau de production des actes et les lenteurs administratives plombent la carrière des enseignants. Il s’agit des actes d’intégration, d’avancement, de validation et de radiation. Il y a les prêts Dmc, l’engagement pris par le gouvernement dans le protocole d’accord et durant les séances de monitoring, cet engagement n’a pas été respecté. On n’a pas versé les deuxième et troisième tranches, alors que c’est un engagement ferme du gouvernement du Sénégal. Il y a la question des parcelles non viabilisées, cet engagement n’a pas été également honoré. Le paiement des rappels, les retards sont inquiétants de même que les alignements. Mais la question des mises en solde, cette année l’objectif était de mettre en solde 10 000 enseignants, entre janvier et juin 2019 on n’a mis en solde 2000 enseignants, c’est grave et c’est inquiétant. Il y a aussi, la lancinante question du système de rémunération qui a fini de fédérer toutes les organisations syndicales enseignantes, tous les agents de la Fonction publique.»
Pour cette rentrée des classes, les syndicats d’enseignants veulent des mesures fortes. «Il ne s’agit plus de négocier, ni de discuter. Donc, le Haut conseil doit veiller à l’application des accords si l’on veut une année scolaire stable et apaisée, parce que nous avons une stabilité précaire. Nous sortons d’une année électorale, mais vous n’avez pas entendu les syndicats, nous ne sommes pas des politiciens. Nous allons continuer le combat, maintenant nous avons alerté, nous sommes à un mois et demi de l’ouverture des classes, il incombe aujourd’hui, au président de la République de régler ce problème. Il faut aller très rapidement dans les sens de la matérialisation des accords, manifester une volonté politique, faire de l’école une priorité si on veut un enseignement de qualité», a martelé de façon catégorique le porte-parole du G7.
Très déterminés à en découdre avec le gouvernement, les syndicats d’enseignants avertissent : «Si toutes ces conditions ne sont pas satisfaites, la hache de guerre sera déterrée. Nous sommes un syndicat, notre rôle c’est de défendre nos intérêts.»
Manque criard de professeurs
Les syndicalistes soulignent aussi que le Sénégal fait face à un manque criard de professeurs dans certaines disciplines «Aujourd’hui, nous avons un déficit criard de professeurs de mathématiques, de philosophie et d’espagnol, parce que le secteur n’est plus motivant. Même si on forme 2000 professeurs de maths, s’ils ne sont pas mis dans de bonnes conditions, ils vont quitter l’enseignement pour aller ailleurs», indique M. Ndoye. Il ajoute qu’un enseignant qui a Bac +6 qui a fait 30 ans de carrière, ne peut même pas avoir un salaire de 450 000 francs Cfa. Aujourd’hui, dit-il, «les salaires tournent autour de 200 000 francs Cfa et les enseignants représentent 70% de la Fonction publique mais ils représentent 11.6% de la masse salariale et le président a dit que le Sénégal a une masse salariale de 1000 milliards, c’est-à-dire il y a problème quelque part». Ainsi, les syndicats d’enseignants invitent le gouvernement à prendre ses dispositions.
Face à une telle situation, l’Union nationale des parents d’élèves et des étudiants du Sénégal (Unpees) a invité le gouvernement à mettre les vacances à profit pour se pencher de manière définitive sur toutes les questions qui agitent le système pour que cela se passe dans les meilleures conditions. Selon Abdoulaye Fané, le président, la préoccupation des parents d’élèves, c’est de faire en sorte qu’il y ait un système éducatif performant à travers des enseignements-apprentissages performants dans le cadre d’une école de la réussite pour tous. Mais dira-t-il, cela requiert que les accords soient respectés et appliqués. «De février 2014 à avril 2018, il s’agissait de stabiliser, le gouvernement avait pris des engagements et nous les appelons à respecter les engagements. Le monitoring qui avait été fait par le Premier ministre a été fait de manière géniale et nous pensons que si les questions ne sont pas respectées pendant les vacances, je crois qu’elles risquent de resurgir et ce sera au détriment du système éducatif», plaide le président l’Unapees.
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