L’école de la République fait face à une «privatisation rampante». Entre 2015 et 2019, 296 écoles privées ont été ouvertes dans l’élémentaire avec parfois un contrôle de la tutelle qui laisse à désirer. C’est ce que révèle le rapport d’étude sur la privatisation et marchandisation de l’éducation au Sénégal conduit par le Cosydep. Par Malick GAYE – 

Le Sénégal observe actuellement une «privatisation rampante» de l’éducation. C’est la principale information  du rapport d’étude sur la «Priva­tisation et la marchandisation de l’éducation au Sénégal». L’étude menée par la Cosydep révèle que «dans le cycle élémentaire, sur 10 343 écoles élémentaires : 83,4% sont publics, 16,2% privés et 0,4% de statut communautaire ou associatif».  Et pour mesurer à sa juste valeur cette progression du privé sur le public, il faut consulter les chiffres entre 2015 et 2019. Qui disent ceci : «le réseau d’écoles élémentaires privées a connu un taux d’accroissement moyen annuel de 2 %, soit une augmentation globale de 794 écoles. Dans le même temps, le réseau d’écoles publiques n’a connu qu’un accroissement de 1,5%». A titre illustratif,  296 nouveaux établissements ont été ouverts dans cette même période détaillés comme suit dans le rapport : «88 entre 2015 et 2016,  65 entre 2016 et 2017, 89 entre 2017 et 2018, 54 entre 2018 et 2019.»
Cette nouvelle offre proposée aux parents d’élèves peut être considérée comme un choix par défaut. En effet, «74% des parents interrogés ont déclaré scolariser leurs enfants en écoles privées non pas par choix mais par obligation.  L’expan­sion du privé serait liée à la dégradation des conditions d’enseignement dans les écoles publiques et/ou à l’absence d’écoles publiques primaires dans certaines localités.  L’ensei­gnement public présente des coûts pour les parents en raison de la défaillance de l’Etat dans son financement.  Le faible développement du secteur public (1,5% durant la période 2015-2019), en rapport avec la croissance démographique (2,8%) et la demande en éducation, montre que beaucoup d’efforts restent encore à faire», détaille le rapport.

Le coût financier supporté par les parents d’élèves
Si les parents inscrivent leurs enfants par défaut dans le privé, le coût de cette scolarité peut pousser à s’interroger sur l’offre. En effet, souligne le rapport, «les coûts annuels (frais de scolarisation et autres frais opportunistes) observés dans les écoles privées de l’étude varient entre 50 et 400 mille F Cfa par an.  Les coûts financiers les plus courants se situent entre 100 et 150 mille francs Cfa par an.  La diversité des coûts suggère que les écoles n’offrent pas les mêmes prestations ; elles s’adressent à des groupes socio-économiques différents.  Cette situation ne favorise ni l’inclusion ni l’équité au contraire, elle creuse les inégalités et provoque une classification des familles selon leur statut socio-économique». Pour autant, dans la même logique, le rapport affirme que «47% des interrogés sont inspectés au moins une fois par an, 26% ont préféré ne pas répondre. Les Ia et les Ief disent que le privé est intégré dans leur dispositif de contrôle et de formation mais ils évoquent aussi des limites liées à la logistique (mobilité) et au ratio inspecteurs/enseignants qui peut égaler 1/200 dans certaines localités». Ce qui pose un réel problème sur la qualité de cette offre du privé.

Recommandations
Fort de ce constat, la Cosydep a fait une série de recommandations. Il s’agit de «renforcer le dispositif de contrôle et de respect des normes du secteur privé de l’éducation. Evaluer régulièrement l’impact des interventions des acteurs privés sur le droit à l’éducation. Consacrer l’essentiel des ressources publiques à la revalorisation de l’offre d’éducation publique. Cela implique de façon précise que l’Etat construise plus de salles de classe et recrute plus d’enseignants tout en veillant à la disponibilité des équipements requis en quantité et qualité».
mgaye@lequotidien.sn