Guide religieux, diplomate, poète d’expression arabe et chercheur, Aboubacar Iyane Sy ou Mame Boubacar ou encore Seydou Sy pour les intimes est issu d’une famille qui a grandement contribué au rayonnement de l’islam et de la Tijâniyya. Il est le dernier fils de Thierno Ousmane Sy (1876-1931), grand érudit, guide spirituel réputé pour ses connaissances mystiques et éducateur infatigable. Il a laissé un immense legs religieux et intellectuel à ses enfants que sont Mourchid Thierno Ahmed Iyane Sy, Thierno El Hadj Malick Iyane Sy et Thierno Moustapha Iyane Sy. Ce grand saint de l’islam venait de disparaître en octobre 1931 alors que El Hadj Aboubacar n’avait que deux mois. Il ne connut donc pas son père, mais subira l’influence de celui-ci par le biais de ses frères qui sont tous d’éminentes figures religieuses et penseurs qui ont marqué leur époque à Saint-Louis. A son tour, il a marché sur leurs traces afin de perpétuer la mémoire de Thierno Ousmane en s’évertuant à prêcher la bonne parole, en cultivant l’unité des cœurs et en orientant les musulmans sur le droit chemin.
Calife de son père qui fut une figure de proue de la Tijâniyya à Saint-Louis, il a occupé cette fonction pendant 17 ans et a rempli sa mission religieuse tout en jouant un rôle important dans le raffermissement des relations entre les familles religieuses et dans le domaine social. Soucieux de servir l’islam et sa culture, il a d’abord su maintenir la flamme familiale en revivifiant le foyer ardent légué par son illustre ascendant. Par ses prêches, sa sagesse et sa vaste culture, il a toujours retrempé les fidèles dans la foi en leur rappelant le message éternel de l’islam.
Ayant reçu une formation bilingue, il a été ambassadeur du Sénégal en Libye, puis en Egypte et cumulativement en Irak. Ce qui lui permit d’avoir une grande ouverture d’esprit et d’être un homme averti des enjeux de son époque. Son expérience diplomatique lui servira aussi bien dans le domaine religieux que dans celui des relations humaines. Conseiller, émissaire et bras doit de son oncle, le calife de la famille de El Hadj Omar Tall, Thierno Mountaga Tall, il a été au service de celui-ci avec qui il a entretenu des relations étroites au point que leur rappel à Dieu, eux deux, s’est produit en l’espace d’un mois. A propos de  Thierno Mountaga, il nous a une fois fait le témoignage suivant : «Il est mon oncle maternel, m’a éduqué et enseigné à Boghé en Mauritanie et à Dakar. Il a fait de moi un muqaddam tidjane après que j’ai reçu le premier wird de mon frère Ahmed Iyane. J’ai eu quatre maîtres : mon oncle et mes trois frères en qui je reconnais en chacun d’eux un patrimoine de valeurs culturelles et de vertus islamiques. Ma formation et ma mission étaient tributaires de ces quatre hommes de Dieu que je viens de citer.» Il a également maintenu les relations que son père avait avec El Hadj Seydou Nourou Tall et toutes les grandes figures religieuses de son époque. Ce qui lui permit d’être en bons termes avec les différentes confréries et les communautés religieuses du pays. Aboubacar Iyane Sy avait un sens élevé de l’humain et du partage. Son altruisme et sa générosité étaient connus de tous. Modèle de charité impressionnant, il donnait plus qu’il ne recevait.
Sur le plan intellectuel, son œuvre littéraire illustre éloquemment ses préoccupations, à savoir la sauvegarde des valeurs de l’islam à travers surtout le patrimoine immatériel de nos pieux devanciers et la préservation des relations socioreligieuses. Chantre du Prophète (Psl), panégyriste de talent, il a également publié des articles sur l’islam et sur la langue arabe, et mené des recherches sur l’œuvre et la pensée de El Hadj Omar Tall. Il avait d’importants projets culturels, notamment la réhabilitation de l’école familiale fondée par son père. Il avait mis sur pied une fondation dénommée Nûr ‘alâ nûr, c’est-à-dire, Lumière sur lumière. Cette structure a pour objectif de réunir toute la production intellectuelle de la famille de Thierno Ousmane Sy pour sa traduction en français et en anglais et sa publication. L’objectif est aussi de permettre à la communauté musulmane et aux chercheurs d’accéder à ce patrimoine islamique et culturel.
Aboubacar Iyane Sy nous quitta sur la pointe des pieds le 26 février 2007. Selon ses proches, ses dernières paroles furent une prière adressée aux secouristes de la clinique qui s’affairaient autour de lui : «Mes fils, je vous remercie. Vous avez déployé beaucoup d’efforts. Tendez vos mains pour que je puisse formuler des prières pour vous !» Une manière de tirer sa révérence avec diplomatie.

Mouhamadoul
Mokhtar KANE
Consultant en communication