Après le processus de vérification des parrainages, l’ancien ministre du Plan sous le régime socialiste, El Hadj Ibrahima Sall, s’est vu recalé. Pour autant, le président du Parti Demain la République (Pdr) a choisi de ne pas intégrer les organisations mises en place malgré ce revers. Selon lui, force doit rester aux institutions. «Force doit rester aux institutions. Même si nous n’avons pas été admis, même si nous avons pensé que le travail du Conseil constitutionnel a été injuste et parfois un peu biaisé dans le traitement des dossiers, nous tenons à ce que les décisions du Conseil constitutionnel soient considérées comme des décisions irrévocables et sacrées. Et c’est la raison pour laquelle, même si nous en sommes victimes, nous continuerons à nous battre pour que les 19 qui ont été sélectionnés par le Conseil constitutionnel soient les personnes qui seront définitivement retenues», a soutenu El Hadji Ibrahima Sall. Il était l’invité, ce dimanche, de l’émission «Le Grand Jury» de la Rfm. M. Sall estime qu’on ne peut pas critiquer les décisions de Justice en fonction de ses intérêts. «Nous pensons que la chose jugée est sacrée et qu’il faut respecter les décisions de Justice», a-t-il déclaré.
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L’ancien ministre n’a pas mâché ses mots, dénonçant vigoureusement ce qu’il qualifie de prime à la corruption. «Nous avons vu que la non-disponibilité du fichier posait problème. La deuxième chose est que vous ne pouvez pas avoir un processus de parrainage par lequel des partis politiques vont travailler pour la raréfaction en demandant ouvertement à ce que personne ne parraine d’autres candidats… Un marché de corruption parce que tout simplement, des partis politiques, aussi bien de l’opposition que de la majorité, ont donné des consignes de rétention et d’autres se sont permis de récolter des parrainages et de les jeter à la poubelle, créant ainsi une rareté. Mais aussi une sorte de marché de corruption qui a entraîné tous les candidats dans des processus illégaux d’achat de parrainages, avec une autre infraction derrière qui était l’utilisation des données personnelles», a-t-il dénoncé.
«Notre élection présidentielle a donné une prime à la corruption…»
L’ancien ministre considère également le tirage au sort comme «un scandale». Pour améliorer le processus électoral, il préconise une modification du Code électoral, une évaluation des procédures et une plus grande place accordée aux programmes des candidats. De plus, il insiste sur l’importance de la déclaration de patrimoine des candidats avant leur candidature. «Notre élection présidentielle a donné une prime à la corruption. Et c’est par hasard que vous retrouvez certains fonctionnaires qui sont super représentés. Il n’y a pas un pays au monde où un inspecteur des Impôts est candidat pendant qu’il occupe les mêmes fonctions. Au Sénégal, on en a eu plusieurs, et c’est un scandale. Ce sont des processus de corruption qu’il faut arrêter», a-t-il renchéri.
Estimant qu’il y a conflits d’intérêts dans plusieurs situations, M. Sall pense que les membres de l’Administration qui aspirent à diriger le pays doivent «démissionner». Sur la question de l’amnistie, El Hadj Ibrahima Sall exprime des réserves.
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Alors qu’un projet de loi d’amnistie concernant les manifestations de 2021 à 2024 a été adopté lors du Conseil des ministres, mercredi dernier, il souligne la complexité d’une telle démarche qui interrompt l’action publique en cours. Il estime également que l’action judiciaire doit aller jusqu’au bout afin d’identifier les responsables de casses et morts. «Toutes les personnes qui ont été interpellées dans les évènements de mars 2021, que ce soit des manifestants ou des Forces de l’ordre, devaient faire face à une action publique», précise-t-il, soulignant que l’on n’amnistie pas des personnes, mais des faits. El Hadji Ibrahima Sall rappelle ainsi l’importance de la séparation des pouvoirs et la nécessité de poursuivre les actions judiciaires jusqu’à leur terme pour garantir la justice et la responsabilité. «Ce qui s’est passé est grave. Ça veut dire que dans un régime de séparation de pouvoirs, une alliance ou une collusion, diraient d’autres, entre l’Exécutif et le Parlementaire, a permis d’aller dessaisir la Justice, mais qui est indépendante des dossiers en cours. Je suis pour des amnisties qui concernent la chose jugée. Je sais que le Sénégal l’a fait avec le Mfdc, mais ce n’était pas normal. Quand des citoyens, quand des justiciables sont entre les mains de la Justice, il faut aller jusqu’au bout pour comprendre», a argumenté El Hadj Ibrahima Sall.
«La pensée unique est déjà instaurée»
L’ancien ministre est également revenu sur l’agression de Maïmouna Ndour Faye, la patronne de la chaîne de télévision privée 7Tv. A l’en croire, c’était un acte «prévisible». Et il pointe du doigt le laxisme de l’Etat. «5 ans, nous assistons à une transformation radicale de la vie politique où des injures et la violence sont devenues le lot quotidien. La pensée unique est déjà instaurée. Depuis plusieurs années, le droit à la différence n’existe plus, le droit de penser autrement n’existe plus… Je suis davantage choqué par le silence des intellectuels. Parce que quand on brûle des bibliothèques, on brûlera des hommes forcément», a-t-il laissé entendre.
Par Ousmane SOW