El Hadji Aboubacar Bitèye, Président national de l’Association nationale de lutte contre le vol de bétail au Sénégal (Anlcvb)

Il fait partie des hommes de terrain qui œuvrent pour la préservation des biens et la sécurité des éleveurs. Avec ses moyens et ses volontaires mobilisés dans les comités de vigilance, Aboubacar Bitèye essaie d’apporter sa pierre au vaste et complexe chantier de la lutte contre le vol de bétail. Pouvez-vous revenir sur la genèse et le rôle de l’Anlcvb ?
L’association est née en 2010 et œuvre pour la préservation des biens des éleveurs, mais aussi leur sécurité parce qu’il n’est pas rare qu’il y ait mort d’homme dans les cas ou tentatives de vol. En le faisant, c’est aussi l’économie et la stabilité du pays que nous protégeons.
Elle compte combien de membres ?
Nous avons une cinquantaine de comités de vigilance composés de 16 personnes chacun. Pour ce qui est des cartes de membre, le dernier recensement a donné le chiffre de 2800. L’association compte globalement plus de 20 000 personnes.
Quel impact le vol de bétail a-t-il sur le secteur ?
Le vol de bétail détruit l’économie sénégalaise. Il explique même en partie l’exode rural. Beaucoup de jeunes se ruent vers les grandes villes parce qu’ils n’osent plus pratiquer l’élevage dans leurs terroirs. On leur a pris le peu qu’ils avaient et ils sont partis se débrouiller ailleurs.
Il se pose aussi un réel problème de santé publique. La bête volée, abattue sans contrôle vétérinaire et revendue dans les marchés, peut être porteuse d’une maladie transmissible à l’homme.
Avez-vous pu chiffrer l’impact réel de ce fléau ?
Entre 2020 et 2021, nous avons compté, pour les régions de Kaolack, Kaffrine, Fatick, Tamba, Saint-Louis, Matam et Louga, 21 430 têtes volées, 11 803 ont été retrouvées.
De quels moyens disposez-vous pour mener cette lutte contre le vol de bétail ?
Nous n’avons que des volontaires et des moyens propres. Nous ne recevons rien de l’Etat. Nous voyageons cependant beaucoup et injectons le peu que nous avons dans cette lutte. Nous identifions les communes qui sont dans l’urgence, leur confectionnons des cartes de membre qu’elles revendent ensuite pour alimenter leurs caisses.
Nous espérons aussi vivement qu’une collaboration prochaine avec la Fao permettra à l’Anlcvb de grandir davantage.
Avez-vous un plan d’actions à défendre devant les autorités compétentes ?
Nous ambitionnons essentiellement d’avoir un comité de vigilance validé par l’Etat dans chacune des 557 communes. Cela permettra de mailler convenablement le territoire national et de faire reculer drastiquement ce fléau qu’est le vol de bétail.
Comment assistez-vous vos membres victimes de vol ?
L’Anlcvb aide ses membres dans les démarches auprès des autorités compétentes. Le dernier cas en date concerne un membre qui a perdu une trentaine de bœufs. Le dossier suit actuellement son cours. Nous ne pouvons que suivre les procédures, alerter et sensibiliser.
Avez-vous une plateforme pour recueillir les alertes et autres signalements ?
Nous avons un groupe WhatsApp pour les signalements, avis et déclarations pour les animaux perdus ou retrouvés. Nous pouvons recueillir plus d’une trentaine d’alertes par jour.
Ce groupe, à travers les signalements et témoignages, nous permet de localiser et récupérer une bonne partie des sujets volés, surtout quand les animaux sont marqués.
Quelles solutions, selon vous, mettraient fin à cette lancinante question du vol de bétail ?
La solution principale est l’unité. Une union solidaire et active entre tous les acteurs et toutes les communes. Nous lançons un appel à l’Etat. Qu’il nous aide à installer et faire fonctionner un comité de vigilance dans chaque commune du pays.
La transhumance doit aussi être mieux encadrée. On ne sait pas qui est qui et qui est réellement propriétaire de quoi.
La divagation et l’abattage clandestin du bétail sont aussi des problèmes à régler. Nous voyageons beaucoup pour nous imprégner des bonnes pratiques. Au Brésil par exemple où l’abattage est contrôlé, le vol recule.
L’Etat ne peut pas assister chaque acteur, mais il doit parler avec tout le monde pour une lutte plus coordonnée et efficace contre le vol de bétail.