L’Association des cadres de la Senelec veut que la réforme institutionnelle de la Société nationale d’électricité enclenchée soit «respectueuse des valeurs, des principes et des exigences du développement durable du service public de l’électricité…». Pour cela, le président de l’Acas, Cheikh Sidate Niang, appelle tous les cadres à poursuivre la réflexion.Par Dialigué FAYE –

«Réforme institutionnelle de la Senelec : quel cadre institutionnel, juridique et opérationnel pour le développement durable de service public de l’électricité ?», tel est le thème du forum que l’Association des cadres de la Senelec (Acas) a organisé samedi, pour échanger sur le projet de réforme du secteur de l’électricité.

Ladite réforme est un projet à travers lequel l’Etat, dans le cadre du second compact du Millennium challenge account (Mca Sénégal II), entend investir une somme d’environ 26 milliards de francs Cfa. Cela, afin d’arriver à avoir un cadre propice pour la viabilité économique et financière du secteur de l’électricité, mais également d’arriver à renforcer la capacité de l’ensemble des acteurs institutionnels. La Commission de régulation du secteur de l’électricité va ainsi passer à une Commission de régulation du secteur de l’énergie (Crse). Et la Senelec va être dégroupée.

«Il y aura une transformation de la Senelec. En février 2024, on va nous séparer, comme en 1996 on avait séparé la Sones. On sera quatre entités : une holding et trois filiales, sans compter la filiale gaz qui est aussi envisagée. On va répartir le personnel à travers ces différentes entités autonomes. Chaque entité aura son conseil d’administration, son Directeur général. Pour ce qui concerne le mode de désignation, je pense que l’Etat ne commettra pas la même erreur, parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. La cause de cette réforme, c’est qu’il y a une mal gouvernance et un management de la Senelec», explique le président de l’Acas.

Avis technique des cadres
Ainsi, considère Cheikh Sidate Niang, «les cadres ont la responsabilité historique de donner un avis technique, car nul ne connaît le secteur mieux que nous. Nous demandons à tous les cadres de nous envoyer leurs contributions. Dans un délai de trois à quatre mois, un avis technique sera élaboré et soumis à l’appréciation de tous les cadres actifs et à la retraite». D’après M. Niang, «la mise en œuvre de cette réforme institutionnelle de la Senelec dans le contexte mondial actuel exige des acteurs et partenaires du secteur de l’énergie, une parfaite maîtrise des risques et opportunités liés au changement institutionnel de la Senelec». Il invite ainsi «l’ensemble des acteurs et partenaires sociaux de la Senelec à unir leurs cœurs et leurs esprits pour poursuivre en toute indépendance et en toute liberté, mais surtout en toute responsabilité, le processus de réflexion stratégique sur la situation et l’avenir de la Senelec…».

Car, assure le cadre technique, «dans le contexte actuel, l’élaboration et la mise en œuvre d’une réforme institutionnelle de la Senelec, respectueuse des valeurs, des principes et des exigences du développement durable du service public de l’électricité, intégrant un cadre institutionnel, juridique et opérationnel socialement vivable, écologiquement viable et économiquement équitable, permettront d’introduire, d’induire les changements nécessaires pour améliorer de manière durable le mode de gouvernance et le système de management de l’entreprise, assurer une meilleure maîtrise du processus des risques et des performances de Senelec, mais surtout garantir le développement durable du service de l’électricité».

Booster la production
Aujourd’hui, l’activité de la Senelec relative à la production est pratiquement morte par rapport aux Producteurs indépendants d’énergie (Ipp). C’est pourquoi il est attendu de cette réforme, un développement agressif de la filiale production.

«On attend de nous qu’on développe la production propre et que cette production propre puisse participer au marché. Ce qui est une opportunité pour la Senelec», renseigne Moustapha Baïdy Bâ, Con-seiller spécial du Directeur général de la Senelec. Mieux, précise Léon Sambou, directeur des affaires juridiques de la Société nationale d’électricité, qui apportait des éclairages sur le cadre juridique, «la filiale production va pouvoir exploiter, entretenir et construire de nouvelles installations de production d’énergie sur la base de la capacité qui sera déterminée. Quant à la filiale transport, elle aura pour mission l’exploitation, l’entretien du réseau national de transport, tout en assurant les fonctions d’interconnexion avec les pays voisins à compter de la fin du monopole. A partir de ce moment, des Ipp auront la possibilité de vendre leur production à des clients éligibles dont le seuil de puissance va être déterminé».

Des risques
Une question assez délicate, selon le juriste. En effet, explique-t-il, «à partir du moment où le seuil est déterminé, les clients qui rempliront ces conditions auront la latitude d’aller choisir leurs fournisseurs. On considère que la Senelec risque de perdre beaucoup de clients pour lesquels il a été réalisé beaucoup d’investissements. Par ailleurs, la réforme prévoit l’intervention de détaillants indépendants qui seront en droit d’acheter de l’énergie pour revendre en détail à des consommateurs. Les clients éligibles et les détaillants indépendants sont de nouveaux acteurs qui vont intervenir dans le marché. Et de mon point de vue, ce sont des aspects sur lesquels il est nécessaire de s’arrêter, d’autant plus que la réforme, aujourd’hui, son objectif principal est de garantir la stabilité, l’efficience et l’efficacité du secteur. Mais si on ne fait rien pour limiter le niveau de clients éligibles, je crains que cela déstabilise le fonctionnement de la Senelec».

Dans cette perspective, le président de l’Acas estime que les réflexions «contribueront à apporter des réponses satisfaisantes, cohérentes et pertinentes aux interrogations, aux inquiétudes et aux attentes légitimes des parties prenantes de l’entreprise, mais aussi une meilleure prise en compte des préoccupations et exigences de l’ensemble des parties intéressées de la Senelec».
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