Cayar, à l’instar de toutes les autres localités de pêcheurs, est touchée de plein fouet par le fléau de l’immigration clandestine, qui sévi depuis quelque temps au Sénégal. Une situation qui a créé une sur-raréfaction du poisson au niveau du troisième centre de pêche artisanale du Sénégal.

Même s’il n’a pas encore enregistré de morts depuis le début de la vague d’émigration clandestine sans précédent notée au Sénégal, Cayar, troisième centre de pêche artisanale du Sénégal, n’est pas épargné par le phénomène. L’alerte est du formateur spécialiste en décentralisation et développement local, Lamine Dramé.
Faisant une analyse critique de la situation, l’ancien maire de Cayar relève : «Depuis quelques mois, nous avons noté une recrudescence de ce phénomène. Il y a eu deux seuls départs qui ont été notés à Cayar et les pirogues sont arrivées à bon port. Mais beaucoup de jeunes cayarois ont quitté à partir des autres plages de Dakar, de la Casamance ou même de Saint-Louis. Il y a des jeunes de Cayar rescapés de la pirogue qui a chaviré à Mbour et qui a fait une centaine de morts. Aussi il y a trois Cayarois, un garçon et deux filles, qui sont aussi des rescapés de l’autre pirogue percutée par le chalutier qui faisait la garde. Mais également plusieurs candidats, dont plusieurs jeunes filles ont échoué dans leur tentative.»
Parmi ces candidats malheureux figure, «une mère de famille qui est partie, avec ses enfants, rejoindre son mari en Espagne. Le mari était passé par les pirogues. C’était d’ailleurs le seul rescapé d’une pirogue qui faisait plus de 100 migrants et qui avait passé un mois en mer. Sa femme a tenté ces derniers jours de partir malheureusement la pirogue a eu des problèmes». Pour simplement dire : «C’est une vague d’émigration clandestine sans précédent qui est constatée.» Une situation qui rappelle, selon l’ancien édile de Cayar, Lamine Dramé, «celle qui avait frappé la localité en 2006, avant de s’estomper par la suite dans les années 2010». Et de poursuivre : «Le phénomène n’a pas changé de configuration depuis 2006. Les situations qu’on a vécues après les départs de 2006, ce sont les mêmes qu’on va vivre cette année-ci. Ça va être suivi par une grande crise.»
Ensuite, «l’autre problème parmi ces jeunes qui étaient partis en 2006, beaucoup jusqu’à présent ne sont pas revenus, soit ils n’ont pas trouvé un bon travail pour revenir ou bien ils n’ont pas toujours de papiers, ou ils ont pris un autre chemin qui les ont mis dans des situations graves». Et de signaler : «Beaucoup ont eu des problèmes d’insertion au niveau de l’Espagne. Si maintenant il y a cette vague qui va suivre, c’est un problème.» Laquelle vague qui a créé du coup, «une situation sociale et économique désastreuse au niveau de Cayar parce que beaucoup de pirogues sont laissées à quai faute de pêcheurs. Elles ne peuvent plus aller en mer. Et au niveau des familles également, tous ces jeunes qui sont partis sont des bras valides, qui pour la plupart du temps étaient des soutiens de familles, des capitaines de pirogue. Ils laissent derrière eux de jeunes épouses, de jeunes enfants. Et cela n’est pas sans conséquences au niveau social parce que les parents vont faire face à des charges qu’ils ne peuvent pas assumer».
En clair, «la raréfaction du poisson notée depuis quelques années, si on y ajoute maintenant une raréfaction des pêcheurs, ça va être une sur-raréfaction du poisson». Ecœurant, aux yeux du formateur spécialiste en décentralisation et développement local, qui dénonce «les mauvaises politiques de la pêche». Il s’offusque : «Ce ne sont pas des gens qui viennent du Fouladou qui vont amener ces pirogues à quai, ce sont des gens qui connaissent bien la mer, qui sont des capitaines, qui les amènent. Donc si on parvenait à mener une bonne politique en faveur de ces jeunes-là, je pense qu’il n’y aurait plus de départs.»
Lamine Dramé regrette surtout que «toutes ces structures qui sont mises en place pour aider à l’employabilité des jeunes ne servent à rien». Ce d’autant, «à  Cayar, je n’ai pas encore vu un jeune qui soit financé par les structures de l’Etat, ni l’Apnj ni la Der, je n’ai pas vu un seul jeune bénéficiaire de financements. Cela pose problème. Les jeunes sont là avec leurs diplômes mais qui traînent et qui ne font rien ou à faire le petit business au niveau des statuts WhatsApp pour s’en sortir. C’est difficile de retenir les enfants dans ces situations-là. Il faut une bonne politique, pas seulement d’emploi des jeunes, mais une bonne politique de formation professionnelle qui puisse garantir l’emploi aux jeunes. On forme des jeunes dans des filières qui n’ont pas de débouchés. On ouvre des filières à l’Université, on les forme et après on ne les recrute pas. Ce qui est grave».