Après 35 jours en haute mer, l’embarcation partie de Fass Boye, avec au moins 101 migrants à son bord, a été repêchée mardi au niveau des eaux territoriales du Cap-Vert. Si 37 personnes sont restées en vie et 7 cadavres recensés, les 56 portés disparus sont sans doute morts. Cette année, Fass Boye est devenu une zone de départ, car une autre pirogue venant de cette localité a été secourue samedi par la Marine royale marocaine.Par Justin GOMIS – 

Perdue dans l’Atlantique, l’embarcation de Fass Boye a été retrouvée ce mardi par un navire espagnol, qui l’a secourue au large du Cap-Vert. Sans vivres et sans eau, seules 37 personnes sont restées en vie. Alors que plus de la moitié est morte lors de la traversée et jetée en mer. Partis le 10 juillet de Fass Boye, ils voulaient rallier l’archipel espagnol des Canaries. Cette embarcation a été perdue de vue depuis plusieurs semaines alors qu’une certaine confusion a longtemps régné sur son itinéraire. Lors de la dernière conférence de presse du gouvernement tenue le 3 août dernier, la ministre en charge des Sénégalais de l’extérieur, Dr Annette Seck Ndiaye, avait soutenu : «On a entendu parler de Fass Boye, mais on n’a pas d’informations concernant cette pirogue.»
Aujourd’hui, Fass Boye est en deuil. Comme Thiaroye sur Mer en 2005 quand les premières embarcations de fortune avaient pris d’assaut l’Atlantique et la Méditerranée. Samedi dernier, une autre pirogue, partie elle aussi de ce quai de pêche, avait sombré au large de Dakhla, dans le Sud du Maroc. Ses 130 passagers dont une femme, ont été secourus par la Marine royale marocaine, qui les avait acheminés à Dakhla, devenue un centre de rétention de migrants sénégalais. En 2022, 404 Sénégalais ont été rapatriés de Dakhla, avance la ministre auprès de la ministre des Affaires étrangères, chargée des Sénégalais de l’extérieur.
Après quelques années de basse intensité, la route migratoire des Canaries a été prise d’assaut par des candidats à l’émigration clandestine qui viennent essentiellement du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée-Bissau.
Avec comme zones de départ Saint-Louis, Rufisque, Mbour, Kayar, Kafountine et Fass Boye. Entre avril et juillet 2023, 15 pirogues ont été arraisonnées dans les eaux territoriales marocaines, soit 1535 personnes, avec 1237 passagers d’origine sénégalaise. Sans oublier les cas de décès. Véritable tragédie humaine. Selon les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, 12 mille 704 migrants sont arrivés de façon irrégulière en Espagne au premier semestre 2023 dont une majorité (7213) aux Canaries. Un chiffre néanmoins en baisse de 11, 35% par rapport à la période correspondante de 2022, selon Info Migrants.
Avec la résurgence du phénomène «Barça-Barsakh», le Sénégal va renforcer son dispositif de lutte en validant après-demain, sa Stratégie nationale de lutte contre l’émigration irrégulière et la traite des migrants. C’est le fruit d’un long processus inclusif. Que va-t-elle changer ? La Stratégie nationale sera une amélioration du dispositif institutionnel, avec une approche inclusive s’articulant autour d’une stratégie mobilisatrice des services de l’Etat, impliquant les communautés et les partenaires au développement dans un contexte marqué par la recrudescence du phénomène avec son lot de morts.
Le Comité interministériel de lutte contre l’émigration clandestine (Cilec), créé le 30 décembre 2020 et rattaché au Cabinet du ministre de l’Intérieur, va piloter la Snlmi, qui risque aussi de dépendre en grande partie des partenaires européens qui financent l’essentiel des programmes de lutte contre l’émigration. Grâce à son Fonds fiduciaire d’urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique (Ffu), 18 programmes dont 10 nationaux et 8 régionaux, ont été financés pour un montant total de 198 millions d’euros, soit près de 130 milliards de francs Cfa. En Conseil des ministres le 27 janvier 2021, le Président Sall avait demandé la publication d’un mémorandum du gouvernement sur la politique et les projets mis en œuvre, ainsi que les ressources mobilisées jusqu’ici. Rien n’a été rendu de manière officielle. De toute façon, les résultats sont mitigés, car des jeunes Sénégalais n’ont pas renoncé à leur rêve de rallier l’Europe au péril de leur vie.
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