La question de l’emploi et de l’employabilité des jeunes au Sénégal reste une sempiternelle question qui transcende les différents gouvernements qui se sont succédé depuis la première alternance en 2000. On est en droit de penser que ce problème social rappelle les contours d’une action sisyphienne à laquelle on est incapable de trouver une solution. Maintes politiques publiques sont, parfois, mort-nées avant même leur mise en œuvre, car en analysant leurs soubassements, on se rend compte que la plupart de ces politiques sont pensées soit en référence à des modèles exogènes souvent dictés par les partenaires au développement, soit par un groupe d’experts ou de cabinets, dans leurs bureaux feutrés, en parfaite déphasage avec les attentes des jeunes.
Le prisme de la politique d’emploi et/ou de l’employabilité n’est pas inféodé aux réalités des contrées locales et ne tiennent souvent pas compte des vérités endogènes. Une approche plus holistique s’impose à tous les niveaux, depuis les contrées les plus reculées. Il s’agit de prendre globalement la problématique de l’emploi et de l’employabilité comme une résultante d’une analyse «bottum up» pour construire la charpente faîtière qui soutient la stratégie nationale. Ainsi, le schéma inverse nous renvoie-t-il à d’éternelles répétitions qui restent chronophages et énergétivores, et ne bénéficient qu’aux concepteurs et penseurs très déconnectés des réalités des cibles. En optant un peu pour une vision panoramique, l’on se rend compte que le problème n’est pas celui de l’offre de formation (il y en a en abondance) ou de structures pouvant en offrir, mais c’est plutôt le pilotage qui constitue le talon d’Achille. D’abord au niveau central, les structures en charge de l’emploi et de l’employabilité font florès et promeuvent plusieurs mécanismes de capacitation des demandeurs de formation ou des primo demandeurs qui intègrent le marché de l’emploi. Cependant, l’absence de synergie d’actions et la querelle de leadership transgressent les compétences des unes et des autres. Chaque démembrement, quand bien même avec des missions très claires, change de posture et de trajectoire vis-à-vis de la lettre d’organisation de leurs ministères. Des bras techniques (projets ou programmes) s’érigent en directions de plein exercice et maintiennent le flou sur l’organisation hiérarchique.
Pour une meilleure cohérence et une plus grande coordination dans la gestion de l’employabilité et de l’emploi des jeunes, il faudrait procéder à une restructuration et une fusion de certaines directions (Direction de l’orientation professionnelle et Direction de l’insertion), à une centralisation des données sur les formés, les insérés -quel qu’en soit le type- à travers un fichier central dédié et logé dans une agence qui sera le trait d’union entre les entreprises et les demandeurs d’emploi, mais aussi qui centralise toutes les informations sur les opportunités que peuvent avoir les formés qui veulent se lancer dans l’auto-emploi afin de maintenir le continuum pour une meilleure socialisation des jeunes par ces dits concepts.
Enfin, il faut décentrer les offres de formation en fonction des spécificités des communautés locales et développer des initiatives qui favorisent leur participation dans la mise en œuvre des politiques en matière d’emploi (mise à disposition de terres pour la mise en place de micro-unités de production), identification des niches de formation, d’emploi ou toute autre opportunité adjuvante.
Certes la contribution du Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3Fpt) -comme tant d’autres- participe grandement à la formation et au relèvement du niveau d’employabilité des jeunes, mais cette contribution va paraître dérisoire sans l’apport du secteur privé qui doit prendre des «risques» pour investir, en amont, sur les apprenants durant leur parcours scolaire, universitaire ou professionnel. Aussi, les structures de financement étatiques et non étatiques doivent-elles s’aligner en simplifiant les mécanismes d’octroi de fonds qui -de facto- tuent l’initiative par des exigences de garantie non accessibles aux jeunes.
D’autres facteurs bloquant la volonté des autorités de généraliser la formation, maillon indispensable dans la chaîne de l’employabilité, reste l’aberration du critère d’âge qui empêche sérieusement l’accès au plus grand nombre de jeunes à la formation professionnelle ou à un métier (le Brevet de technicien). Et un point non moins important qui verrouille aussi l’accès à la formation, et donc à l’employabilité, témoigne de la désuétude des textes réglementaires qui régissent les examens et concours, avec des dispositions très anachroniques (textes désuets datant des années 70) au regard des nouveaux enjeux de développement très inféodés au digital.
En somme, l’emploi et l’employabilité ne sauraient s’imposer à leurs destinataires, mais ils doivent demeurer un construit social muable qui s’adapte à chaque instant, face à de nouvelles problématiques très changeantes et à des cibles de plus en plus exigeantes sur leur devenir avec une forte envie de s’autonomiser pour intégrer le tissu économique. Par conséquent, vouloir extirper les jeunes de la chaîne de décision revient à poser simultanément les prémices de l’échec ou de la désillusion. L’adage dit : «Tout ce qui se fait pour moi sans moi est contre moi.»
El Hadji SAMB Formateur scout
Responsable de l’insertion au Cfpc Delafosse