Emploi, il faut changer de stratégie
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Une fois de plus, la recrudescence des chavirements de pirogues ou des départs massifs de jeunes migrants, venant du Sénégal et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest vers l’Espagne, relance encore la question du mal-être des jeunes Sénégalais. Et ledit mal-être serait lié, pour les experts et autres spécialistes, à la question du manque d’emploi dans nos contrées. Pour beaucoup de gens, nos jeunes risqueraient leur vie pour chercher un emploi à l’étranger, en Europe en particulier. En clair, nos dirigeants ne feraient pas grand-chose, ou du moins, pas assez, pour résoudre la question de l’emploi des jeunes dans nos pays, et au Sénégal en particulier.
Difficile de croire à la justesse de cette assertion, quand on voit à quel point les dirigeants sénégalais se démènent depuis des décennies dans l’espoir d’apporter une solution à ces problèmes. D’ailleurs, lors des «Samedi de l’Economie» du samedi 23 juillet dernier, au Centre Bopp, un syndicaliste rappelait que les différents régimes ont mis en œuvre plusieurs programmes destinés à lutter contre le chômage des jeunes. Il a remonté à l’Opération Maîtrisards chômeurs, conçue par Abdou Diouf, dans les années 1980. C’est dire que la préoccupation ne date pas d’aujourd’hui. D’ailleurs, Abdoulaye Wade, alors qu’il était opposant, se plaisait à demander aux gens dans son auditoire de lever le bras, pour ceux qui n’avaient pas d’emploi, et leur promettait de changer les choses une fois aux affaires. On a vu que, finalement, certains de ses partisans ont raconté que «ce n’est pas Macky Sall qui a renversé le Pds, mais c’est le Pds (parti de la demande sociale) qui a vaincu Wade».
Or, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Peu se rappellent qu’à l’origine, le projet REVA était l’acrostiche de «Retour des Emigrés Vers l’Agriculture». Il s’agissait de réorienter les jeunes gens refoulés d’Europe vers l’exploitation de la terre, en les organisant en structures pour gérer des lopins de terre qui leur étaient octroyés, et en leur garantissant l’écoulement de leurs récoltes. Macky Sall, qui est arrivé au moment où le phénomène «Barça ou Barsakh» battait son plein, n’a pas supprimé le Reva, mais il y a ajouté d’autres structures encore pour remporter la bataille de l’emploi. Pour la petite histoire, le Président était tellement optimiste à ses débuts, qu’il nous avait promis 500 mille emplois par an, avant de réduire à 100 mille annuels. Mais dans un pays à forte démographie, et où les 3 quarts des jeunes ont moins de 25 ans, le combat a vite tourné à la gageure.
Petit à petit, nos dirigeants, sauf à vouloir faire de la démagogie, se rendent compte que l’idéal de trouver de l’emploi à tout le monde tiendrait presque du rêve. L’économiste Ndongo Samba Sylla, qui animait une conférence sur la garantie de l’emploi, le samedi dernier, a d’ailleurs affirmé qu’il était impossible, pour nos économies accrochées au système néo-libéral, sous la férule du Consensus de Washington, de garantir à tous un emploi. Et malheureusement, les faits ne sont pas loin de lui donner raison. Et comme il serait illusoire de s’imaginer que, ayant découvert du pétrole et du gaz, qu’il va commencer à exploiter dans moins d’un an, le Sénégal va changer de régime politique et économique dans un avenir proche, quel que soit le dirigeant qui succédera à Macky Sall, il faudrait rapidement trouver une stratégie qui pourrait convaincre nos jeunes de ne pas se lancer à l’assaut de la mer, et de se battre sur leurs terres pour améliorer leur propre situation.
S’il existait une panacée dans ce domaine, on peut se convaincre que les nombreux spécialistes qui peuplent nos ministères ainsi que les cabinets d’études chèrement payés par nos dirigeants pour les conseiller, l’auraient déjà trouvée. Néanmoins, les pouvoirs publics pourraient déjà commencer par être transparents et véridiques dans leurs actions en faveur des demandeurs d’emplois. Il ne s’agit pas d’étaler des chiffres sur les nombres d’emplois créés, quand ils sont mis à la face de gens rongés par les effets du chômage. Quel impact peut avoir le travail de la Der/fj quand on apprend qu’un activiste célèbre, théoriquement non bénéficiaire, a pu en obtenir d’importantes sommes, dans l’idée de lui faire changer de bord politique ? Ou que certains bénéficiaires sont liés avec des autorités de ce pays ?
Par ailleurs, les programmes en faveur de l’emploi ne doivent pas donner l’impression de répondre à des situations de crise sociale ou politique, mais d’être conçus pour des résultats à plus ou moins long terme. Autrement, ils donneraient le sentiment d’avoir des visées électoralistes, et ne viseraient pas à prendre en charge les vrais problèmes.
Par Mohamed GUEYE / mgueye@lequotidien.sn