Première femme africaine à prétendre à la Palme d’Or au Festival de Cannes, Mati Diop et l’équipe de son film «Atlantique» ont fait la traditionnelle montée des marches ce jeudi. Un moment historique !
La réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop, dont le long métrage Atlantique a été projeté jeudi dans le cadre de la compétition officielle du 72e Festival de Cannes, s’est dit fière de représenter le Sénégal à travers ce long métrage par lequel elle a voulu «rendre hommage à cette jeunesse d’aujourd’hui vivante, pleine de vie». «J’ai voulu dédier ce film à une certaine jeunesse, d’abord celle disparue en mer dans l’Atlantique en voulant rejoindre l’Espagne. Et j’ai voulu aussi rendre hommage à cette jeunesse d’aujourd’hui vivante, pleine de vie», a déclaré Mati Diop. La réalisatrice estime que ce film répond à «un besoin», la tragédie de l’Atlantique, relative à la migration irrégulière, étant quelque chose qui l’a «profondément troublée».
Le film de plus d’une heure raconte l’histoire d’un groupe de garçons et de filles. Les premiers, frustrés après trois mois de travail acharné sans salaire, décident d’émigrer vers l’Espagne à travers l’Atlantique. Les filles pour leur part décident de rester au pays pour se battre et exister malgré les pesanteurs sociales. Mais elles demeuraient hantées par les souvenirs de leurs amants partis. Entre fiction et fantastique, Atlantique se veut aussi une critique sociale des tares d’une société sénégalaise gangrenée par l’argent, le pouvoir, le prestige, entre autres.
Mati Diop filme «la diversité et la complexité» de ce qu’elle a pu vivre et observer à Dakar. Elle fait aussi un clin d’œil à son oncle Djibril Diop Mambety, à travers une scène portant sur un troupeau de bœufs, comme dans son film Mille soleils. Dans Touki bouki, un de ses films les plus salués par la critique, Mambety met en scène Anta, une jeune fille des quartiers pauvres de Dakar, qui s’est amourachée de Mory, un gardien de troupeau qui conduit une moto ornée d’un crâne de vache. Au sein d’une société cruelle prise entre tradition et modernité, tous deux forment un couple de marginaux. Ils s’inventent des histoires pour s’évader et, face à la mer, rêvent de prendre un bateau qui les mènera en France. En route, tous les moyens sont bons pour trouver les ressources nécessaires : jeux d’argent, vol ou escroquerie.
Les acteurs réunis par Mati Diop dans Atlantique jouent pour la plupart leur premier rôle au cinéma. C’est le cas de Ada (Mame Binta Sané) dans le rôle principal, de l’inspecteur de police Issa et de Souleiman. Il y a aussi le chevronné acteur Ibrahima Mbaye dit Thié. «Cela a été extrêmement difficile de faire jouer ces acteurs. J’ai fait un casting sauvage dans la rue. Je suis allée chercher les personnes dans leur contexte social et culturel. C’est une pure fiction ancrée dans le réel», a expliqué la réalisatrice, «émue et heureuse» à la fois.
Entre son court métrage Atlantiques (2010), son documentaire Mille soleils (2013) et ce long métrage Atlantique, Mati Diop évoque un «même mouvement» par lequel elle essaie d’investir et d’apprendre, de découvrir, d’interroger son pays, le Sénégal, qui la «fascine» et la «déçoit» à la fois. La réalisatrice a eu droit à un standing ovation de plus de quatre minutes à la fin de la projection de son film devant un parterre de personnalités dont le ministre de la Culture et de la communication Abdoulaye Diop, ainsi que des délégations de la Côte d’Ivoire et de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif).
Aps