En garde à vue pour diffusion de fausses nouvelles : BACHIR FOFANA ATTEND LE BOUCLAGE DU PARQUET

Bachir Fofana a été placé en garde à vue pour diffusion de fausses nouvelles à la suite d’une auto-saisine du procureur de la République, selon l’avocat du journaliste. Cette arrestation a provoqué des réactions indignées dans la sphère publique. Par Justin GOMIS –
Le journaliste Bachir Fofana a été placé en garde à vue par la Division de la cybercriminalité (Dsc). Cette arrestation fait suite à une auto-saisine du procureur de la République près le Tribunal de grande instance hors classe de Dakar pour diffusion de fausses nouvelles. Alors que pendant plusieurs heures, il avait été annoncé que son audition fait suite à une plainte déposée par le président de l’Assemblée nationale. En tout cas, cette interpellation fait suite à des déclarations du chroniqueur sur le gagnant supposé du marché de véhicules des députés. En réaction, Me Aboubacry Barro, avocat de Bachir Fofana, explique : «C’est Monsieur le procureur de la République qui s’est autosaisi et a activé la Cybersécurité pour enquêter sur des propos que le sieur Fofana a tenus. Il est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles. Il a pleinement et entièrement assumé ses propos. Nous sommes en phase d’enquête et le sieur Fofana est de bonne foi, et est un journaliste qui doit informer ses concitoyens. Il l’a fait de source qu’il a obtenue comme quoi le marché portant sur l’attribution des véhicules des députés devait coûter 8 milliards.» Il poursuit : «Mon client a dit qu’il a repris des propos du député Guy Marius Sagna. On lui reproche d’avoir dit que c’est le sieur Cheikh Guèye, sous bracelet électronique, qui a eu à bénéficier dudit marché. C’est tout en bonne foi qu’il l’a dit. S’il savait que c’est M. Cheikh Dieng qui avait gagné le marché, il aurait rectifié. C’est au procureur d’apprécier la suite de l’enquête, mais il n’y a pas de diffusion de fausses nouvelles, qui est devenu vraiment anachronique dans une démocratie. Il faut faire la part des choses entre diffusion de fausses nouvelles et désinformation. Nous sommes dans un Etat de Droit, il est temps de permettre aux journalistes et chroniqueurs de faire librement leur travail. Bachir Fofana est un journaliste professionnel.»
Cette affaire a provoqué une série de réactions outrées de certains leaders d’opinion. Madiambal Diagne, ancien administrateur du Groupe Avenir communication où Bachir Fofana anime une chronique intitulée Contre-point, publié tous les samedis, ne cache pas son étonnement : «Je viens d’apprendre que le journaliste Bachir Fofana est convoqué par la police à la suite d’une plainte de El Malick Ndiaye, président de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas à Bachir, mais plutôt à El Malick de s’expliquer sur cet achat nébuleux de véhicules. Soutien à Bachir.»
Alioune Tine regrette la «judiciarisation» de l’espace public. Alors qu’il s’attendait à une rupture. «Le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, pourrait saisir ses conseillers en communication et ses conseillers juridiques pour faire un démenti, en donnant toutes les informations utiles susceptibles d’édifier l’opinion sur la transparence de sa gestion», dit-il. Selon le fondateur d’Afrikajom Center, «dans le contexte d’une transition politique marquée par une dynamique démocratique nouvelle et une opinion publique plus vigilante, il serait plus judicieux d’éviter de judiciariser le débat politique». Et M. Tine poursuit en évoquant une alternative apaisée, qui consisterait à accompagner ce droit de réponse d’une mise en garde ferme, sans forcément recourir à la Justice. «Ça suffit largement», conclut-il, plaidant ainsi pour une gestion plus ouverte et communicative des critiques ou soupçons dans l’espace public.
Pape Malick Ndour, lui, croit savoir : «La garde à vue du citoyen Bachir Fofana relève d’une véritable prise d’otage politique qui trahit une inquiétante volonté de réduire l’espace démocratique à néant.» Il ajoute : «Plutôt que de se livrer à des gesticulations répressives et à des tentatives d’intimidation, celui qui prétend présider l’Assemblée nationale ferait mieux de s’attaquer à une urgence concrète : le démantèlement du marché de véhicules des députés, devenu un symbole flagrant du gaspillage des deniers publics.» L’ancien ministre de la Jeunesse estime que le montant alloué à ce marché représenterait quatre fois plus que l’ensemble des investissements exécutés par l’Etat au premier trimestre 2025, et presque le double du budget destiné aux détenus amnistiés. M. Ndour conclut : «Par pudeur, l’Assemblée nationale doit surseoir à ce marché.»
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