Enquête – Accusés de crimes de masse : Bamako et Moscou bloquent l’accès de Moura à la Minusma
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Les autorités de transition bloquent la mission d’enquête de la Minusma (Mission des Nations unies au Mali) à Moura, ce village du centre du pays où les forces armées maliennes sont accusées d’avoir commis un massacre, sous couvert d’une opération antiterroriste, entre le 23 et le 31 mars. Selon l’armée malienne, plus de 200 djihadistes ont été tués, une cinquantaine d’interpellations. Mais d’après des organisations de défense des droits humains notamment, Human rights watch, au moins 300 personnes ont été tuées. Et depuis, cette action antiterroriste fait l’objet de très nombreuses allégations. La Mission des Nations unies au Mali (Minusma) souhaite mener une enquête, mais rien n’est encore garanti. Difficile d’enquêter pour l’heure et donc pas d’enquête indépendante pour faire émerger la vérité. Si les autorités de transition ont bloqué la mission d’enquête de la Minusma à Moura, la Russie le protège à l’ONU. «Il y a un imbroglio autour des demandes d’autorisations», explique une source onusienne impliquée dans l’organisation de la mission censée enquêter à Moura et qui espère que les autorités politiques et militaires maliennes finiront par donner leur feu vert. L’armée malienne affirme ouvrir des enquêtes de manière systématique en cas d’allégations d’exactions portées contre les Fama, mais les défenseurs des droits humains, maliens et internationaux, tiennent à une enquête indépendante.
La Russie félicite le Mali et met son veto à l’Onu
La Russie salue l’opération militaire récente à Moura et a mis son veto à l’ONU sur une demande d’enquête sur le massacre présumé de Moura. Pour rappel, la demande rédigée par la France, avait été soumise au Conseil de sécurité vendredi dernier, mais selon plusieurs diplomates, Moscou s’y est opposé, soutenu par Pékin. Ainsi, la déclaration proposée au Conseil de sécurité soulignait la «profonde préoccupation» de ses membres «face aux allégations de violations et atteintes aux droits humains au Mali » et réclamait «des enquêtes approfondies et indépendantes pour établir les faits, trouver les responsables et les traduire en justice». Mais la Russie et la Chine ont mis leur véto, indique des sources diplomatiques. Si les autorités maliennes ont annoncé l’ouverture d’une enquête, jeudi 7 avril, la coalition citoyenne pour le Sahel qui regroupe plusieurs dizaines d’associations ouest-africaines et internationales le rappelle que cette enquête menée par le tribunal militaire malien ne doit pas empêcher l’investigation de la Minusma d’être menée à son terme. C’est le meilleur moyen, selon la coalition, de faire la lumière sur les événements, en toute transparence et publiquement.
«Pas d’implication de mercenaires russes»
Le ministère russe a qualifié de «désinformation» les allégations sur le massacre de civils dans ce village du centre de Mali, tout comme celles sur l’implication des mercenaires russes dans cette opération, en accusant l’Occident d’avoir «mis en scène» une campagne visant à « mettre l’accent sur la participation de Moscou dans des crimes de guerre». «Nous ne sommes pas indifférents au sort du peuple malien, nous sommes liés par des relations traditionnellement amicales avec ce pays», assure le communiqué du ministère russe des Affaires étrangères. Avant d’ajouter « Nous avons aidé nos amis maliens et nous allons continuer de le faire ».
Par Ousmane SOW